Sarkozy sur la sellette

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En France la campagne électorale présidentielle fait rage. Harcelé tous azimuts, par tous les moyens de bord disponibles, Nicolas Sarkozy fait de la résistance et ne désarme pas.

En France la campagne électorale présidentielle fait rage. Harcelé tous azimuts, par tous les moyens de bord disponibles, Nicolas Sarkozy fait de la résistance et ne désarme pas. Qui plus est, à en croire les sondages réalisés par Ifop, pour la première fois depuis le début de la campagne, le président-candidat arrive en tête au premier tour avec ses 28,5 p.c. d’intentions de vote contre 27 p.c. attribués à son rival. François Hollande souffle le chaud et le froid. Son porte-parole Delphine Batho demande que la lumière soit faite sur le financement occulte de la campagne électorale de Sarkozy lors de la dernière présidentielle par le colonel Kadhafi, Sarko semble être cuirassé et vacciné contre tous les commentaires désobligeants formulés à son égard. Bien sûr qu’il dément quelques phrases lancées à l’occasion d’une interview télévisée quelque part dans le Sahara par le fils du feu dictateur libyen Saïf al-Islam qui demande au Président des Français de rendre gracieusement les fonds qui lui ont été octroyés par le régime kadhafiste pour ses élections en 2007.

Faute de preuves tangibles, cette histoire devrait être définitivement classée comme un peu trop fantaisiste. On ne peut cependant ne pas rendre raison au Président qui a affirmé que s’il avait perçu les fonds, il n’aurait certainement pas balancé les bombes à Tripoli ni soutenu l’opposition ce qui fut bien le cas. Et si d’aventure le Président voulait se montrer ingrat, il aurait suffi à Saïf al-Islam de produire le bordereau pour prouver que les chèques ont été bien tirés.

Par conséquent si ce dossier serait irrecevable et bien apparemment son montage manque de doigté, il y a une autre histoire  qui en revanche, tarabuste Sarko.

Cette fois-ci il s’agit d’une affaire autrement plus sérieuse concernant le virement illicite des fonds sur les comptes en Belgique des sociétés écrans créées par le ministre du Budget pour remplir la cassette d’Edouard  Balladur. Le ravitaillement en moyens financiers se serait effectué à partir des ventes d’armes au profit du gouvernement français et aurait profité au RPR des années 90.

Cette version des faits a été sondée en profondeur par un journaliste chevronné au-dessus de tout soupçon, le rédacteur en chef du très sérieux Nouvel Observateur Serge Raffy qui a mené sa propre enquête. Serge Raffy est un fin connaisseur des rouages politiques de l’Hexagone et auteur des livres à succès sur l’Olympe de Paris. Il vient tout juste de publier son oeuvre Nicolas Sarkozy . Une biographie. et un deuxième ouvrage intitulé François Hollande. Itinéraire secret. Au cours de cette périlleuse enquête il a réussi à interviewer Jean-Marie Boivin, juriste international, ancien salarié de la Direction des Constructions Navales qui aurait collaboré avec Nicolas Sarkozy dès 1994 en ouvrant deux sociétés Heine et ensuite Tecnomar. Nous avons demandé à Serge Raffy de nous révéler la quintessence de cette histoire à couper le souffle.

La Voix de la Russie. Affaire de Karachi, ventes d’armes au Pakistan et en Arabie Saoudite, sociétés écrans créés à Bruxelles… Le quinquennat de Nicolas Sarkozy et les cinq années qui l’ont précédé semblent marquées par ces histoires dignes d’un roman policier. Vous avez enquêté  sur le dossier de Jean-Marie Boivin et avez rédigé une biographie complète du Président sortant. Pourriez-vous raconter à nos auditeurs de quoi s’agit-il ?  Ces affaires sont-elles montées de toutes pièces ou il y a du vrai derrière comme le pense notamment Delphine Batho, porte-parole de François Hollande qui a demandé à Nicolas Sarkozy de s’expliquer là-dessus ?

Serge Raffy. Pour comprendre cette affaire française – même franco-française, si je puis dire, il faut remonter au début des années 90, à l’époque où la droite française était vraiment divisée entre deux clans – le clan d’Edouard Balladur et le clan de Jacques Chirac. Et pendant toutes ces années-là pour prendre le pouvoir ces deux factions étaient prêtes à tout. Et à ce moment-là il y a eu une grande bataille pour récupérer l’appareil du parti de droite qui était le RPR à l’époque. Et les balladuriens n’ont pas eu cet appareil. Donc, Jacques Chirac et les équipes d’Edouard Balladur se sont retrouvés sans trésor de guerre, sans structure pour pouvoir récolter de l’argent. Il fallait à tout prix, si vous voulez, être performant politiquement dans les années qui suivent, avoir ce trésor de guerre et pour avoir ce trésor de guerre en politique il n’y a pas cinquante solutions : il y a les contrats d’armement et c’est l’endroit, le secteur le plus opaque qui existe dans le commerce international puisque l’Etat peut utiliser le secret-défense pour faire absolument toutes les opérations possibles et imaginables. Donc, ce qui s’est passé à cette époque-là, et c’est le ministre du budget d’Edouard Balladur, celui qui a organisé et validé les ventes d’armes entre ka France et un certain nombre de pays étrangers dont l’Arabie Saoudite, le Pakistan et d’autres pays… Eh bien, c’était Nicolas Sarkozy, Ministre du Budget, qui validait ces contrats, qui validait donc le montage financier de ces contrats et qui a validé la création de cette fameuse société luxembourgeoise Haïnédont la principale fonction était de ventiler l’argent des commissions et, selon les suspicions et les doutes de la justice française, ce qu’on appelle les rétrocommissions, c'est-à-dire de l’argent des commissions qui était destiné à l’étranger à des intermédiaires étrangers et qui reviennent par un jeu d’écritures, par tout un tas de sociétés off-shore dans les coffres des partis français ou d’hommes politiques français. L’affaire de Karachi révèle ce disfonctionnement, ce type de corruption, de pots de vin qui a existé au milieu des  années 90 en France.

La Voix de la Russie. La question de Laurence Ferrari, la journaliste de TF1, a été suivie d’une diatribe du chef de l’Elysée. Le Président-Candidat a invectivé notre confrère et a réclamé qu’on lui produise les chèques du financement de sa campagne électorale en 2007 par le colonel Kadhafi. Cette information a été révélée par Saïf-al-Islam, fils du colonel. D’après vous, peut-on prêter foi à ses propos ou, comme l’affirme Nicolas Sarkozy, c’est du n’importe quoi raconté par un homme qui a du sang sur les mains?

Serge Raffy. Je crois que dans le domaine de ce genre d’affaires il faut être d’une extrême prudence. Autant moi je peux parler de ce que je connais… Cette affaire du dossier Ziad Takieddine, cet intermédiaire libanais qui aurait participé à un réseau de financement secret, occulte, illégal de la campagne Nicolas Sarkozy – je crois qu’il faut être très, très prudent parce que pour moi il n’y a aucune preuve. Le dossier judiciaire n’a pour le moment qu’un élément un peu douteux d’un personnage qui n’est pas un personnage central et qui évoque effectivement ce genre d’opération clandestine menée entre la Lybie et la France… Moi quand je ne sais pas, je dis : je ne sais pas et je ne connais pas suffisamment ce dossier pour affirmer quoi que ce soit concernant les relations entre la France et la Lybie en matière du financement occulte d’une campagne électorale.

Il est très difficile de trouver un chat dans une chambre sans lumière surtout si le chat est noir. Et ca l’est encore davantage si le chat n’y est pas. Sans vouloir porter un jugement de valeur, nous voudrions juste faire valoir que même si crime il y a eu, le Président sortant n’aurait pas joué pour lui-même. Il est sûr qu’il aurait été encouragé et soutenu par ses supérieurs mais tout de même ces agissements auraient profité avant tout autre chose au parti balladurien. Donc cela a plutôt trait à la politique qu’aux qualités personnelles comme c’est par exemple le cas dans les affaires à retentissement d’un Dominique Strauss-Kahn. 

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