Un grand nombre de représentants éminents de la classe politique et de militaires qui connaissaient bien Milosevic étaient à La Haye. Leur présence au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie avait pour but de faire connaître de vive voix à la communauté internationale ce qui s’était réellement passé pendant la gouvernance de Slobodan Milosevic. Durant cette conversation, Zoran Andjelkovic était parfaitement sincère avec moi et évoquait ce qui présente toujours à l’heure actuelle un grand intérêt pour les Serbes.
Comment, d’après vous, se déroule le procès de Milosevic ? Est-il beaucoup suivi en Serbie ?
« Notre rôle dans ce procès consiste à apporter notre contribution au niveau organisationnel et à soutenir financièrement ceux qui se sont portés volontaires pour témoigner en faveur de Milosevic. Avec l’organisation non gouvernementale « Liberté » nous avons cherché des témoins et les aidons tout au long de leur séjour à La Haye. Voilà en quoi consiste notre soutien à l’ex-président yougoslave. En ce qui concerne le procès lui-même, nous estimons que Milosevic est en droit de choisir son moyen de défense. Il a décidé de se passer d'avocats. Il souhaite que la communauté internationale apprenne les évènements des années 1990-2000 directement de sa bouche, et non pas par le biais des avocats. Milosevic, qui dirigeait la Yougoslavie à l’époque, est le seul à pouvoir offrir une vision complète des évènements des Balkans de cette période. Je pense qu’à La Haye, on ne veut pas entendre tout ce que sait Milosevic. Ces informations sont inutiles pour les juges qui sont pour la plupart « anti-serbes » et qui veulent juger tout le peuple du pays en la personne de Slobodan Milosevic. Il est le seul à connaître la vérité sur ce qui s’est passé en Serbie, en Croatie, en Bosnie et au Kosovo. Il en sait même les détails, qui sont souvent passés sous silence en Occident ».
L’ex-premier ministre de l’URSS Nikolaï Ryjkov, l’ex-premier ministre russe Evgueni Primakov, ainsi que le général Ivachov étaient arrivés à La Haye pour témoigner aux côtés de l’accusé. Croyez-vous que leurs dépositions vont d’une manière ou d’une autre influencer le procès de Slobodan Milosevic ?
« Il est effectivement très important que des figures de la scène politique telles que Nikolaï Ryjkov, Evgueni Primakov et le général Ivachov aient apporté leurs témoignages au TPIY. Leur seule apparition devant les juges et les procureurs et leurs dépositions sont très importantes pour Monsieur Milosevic. Le tribunal a entendu des responsables politiques qui non seulement connaissent la vérité sur les évènements de cette période, mais qui ont également apporté leur aide au peuple serbe, lorsque l’OTAN a tenté en 1999 pendant 76 jours d’affilée de détruire notre pays depuis le ciel ».
Nous souhaiterions voir en Serbie des personnes comme Madeleine Albright et Bill Clinton et ceux qui ont donné et exécuté les ordres de bombarder la Serbie et le Monténégro avec des Tomahawks, de larguer sur la population et les installations industrielles des munitions à uranium appauvri, détruire les ponts sur le Danube et d’assassiner les journalistes de la télévision belgradoise. Il est impossible de dénombrer tous les crimes perpétrés par les Américains et leurs complices de l’OTAN. Les États-Unis ont tout fait pour compromettre l’intégrité du territoire. Cela s’est produit au début des années 1990, lorsque le processus de démembrement de la Yougoslavie a débuté dans les Balkans.
Il est également important pour nous que la communauté internationale soit au courant des négociations de Rambouillet de l’hiver 1999. En effet, après que les Américains et le dirigeant albanais Hashim Thaçi, qui était jusque-là un simple commandant de l’Armée de libération du Kosovo, ont pratiquement sapé le processus des pourparlers, l’OTAN s’est concentrée sur la République fédérale de Yougoslavie. Donc, les dépositions de Richard Holbrooke, envoyé spécial dans les Balkans et de Boris Maïorski, ambassadeur extraordinaire russe sont essentielles que ce soit pour Milosevic, que pour le monde entier.
Je tiens particulièrement à souligner l’importance des témoignages de Nikolaï Ryjkov, de Evgueni Primakov et du général Ivachov. Ce sont eux qui ont révélé au tribunal et à la communauté internationale tout ce qui s’est passé dans les années 1990. Nous n’oublierons jamais l’épisode de mars 1999, lorsque le premier ministre Primakov a donné l’ordre au pilote de l’avion qui le conduisait aux États-Unis de faire demi-tour au-dessus de l’Atlantique pour revenir en Russie. En effet, Primakov venait d’apprendre que l’aviation de l’OTAN avait commencé les bombardements de la Yougoslavie. Ce geste politique courageux a considérablement redoré le blason de la Russie à nos yeux. Nous venions de comprendre que Moscou était aux côtés du peuple serbe, ce qui nous a donné la force de survivre aux cauchemars de cette guerre ». T
