Le FN, premier parti de France ?

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Récemment, une tribune assez surprenante a été publiée dans Le Monde. Ecrite par le sociologue et philosophe Jean-Pierre Le Goff, cette réflexion très intéressante mettait le doigt sur l’opposition de plus en plus problématique existant au sein de la gauche (au sens large) entre une gauche dite idéaliste et sociétale et une gauche sociale et politique. Une opposition flagrante qui aurait selon l’auteur récemment éclaté une fois de plus au grand jour avec l’affaire Leonarda, affaire sur laquelle je crois les élites socialistes francaises ont il est vrai malheureusement quasiment touché le fond.

Cette rupture existe néanmoins, elle n’est pas seulement réelle mais profonde et sans aucun doute voulue. En se préoccupant des problèmes sociétaux (droits des immigrés et des homosexuels ou légalisation de la drogue...), la gauche française s’est peu à peu coupée de sa sève profonde et en conséquence totalement séparée de son électorat traditionnel. L’histoire est connue, les classes populaires et majoritairement ouvrières ont basculé de la gauche de la gauche (le Parti communiste) vers le Parti socialiste dans les années 80 de façon éphémère, puis dans les années 90 et 2000 vers un Front national qui, dans la même période, a fortement socialisé et délibéralisé son discours pour l’adapter à ce flux de nouveaux électeurs. Le Front national est par conséquent devenu le premier parti ouvrier de France et cette tendance semble s’accroître puisque selon les derniers sondages, près de 50 % des ouvriers voteraient Front national aux européennes. La délibéralisation de son discours a placé le Front national dans une situation extrêmement atypique et stratégique sur l’échiquier politique alors même qu’à droite (ce n’est pas évoqué dans la tribune), la même rupture profonde qu’à gauche a historiquement surgi. 

Obsédée par la conquête du centre, la droite s’est elle aussi profondément orientée sur des thématiques sociétales afin de couper l’herbe sous le pied de la gauche et afin de capter ce nouvel « électorat sociétal » et généralement centriste. L’affaire du mariage pour tous est une illustration de ces nouveaux consensus politiques sociétaux auxquels du reste même le Front national ne s’est pas, ou peu opposé. Ce n’est qu’après les gigantesques manifestations que le pays a connu que quelques politiciens hagards ont tenté de récupérer mais sans succès le mouvement. Ces derniers étaient sans doute plus surpris qu’autre chose par la capacité du peuple français à se mobiliser pour des enjeux qu’il estime lui visiblement essentiels. Cette modification sociologique de la population française s’est accompagnée d’autres modifications tout aussi profondes et qui ont creusé de nouvelles fractures au sein du peuple français. Des fractures qui ont créé des attentes fortes chez de nombreux électeurs en matière de sécurité, notamment afin de faire respecter des impératifs essentiels : la justice et l’ordre, des valeurs traditionnelles de gauche pour le coup, permettant la protection des plus petits et des plus faibles qui bien souvent sont aussi les moins riches.

Alors que l’UMP est en pleine guerre fratricide et que le PS en plein naufrage, on peut logiquement imaginer ce qui devrait inévitablement se passer dans un avenir proche. Ne pouvant se tourner vers les deux partis du centre qui n’ont su après 30 ans d’alternance empêcher la dégradation de la situation sur tous les fronts, il est fort possible que l’avenir proche voit les partis de la périphérie politique émerger. Dans ce scenario, le Front national pourrait continuer sa progression électorale jusqu'à un seuil critique ou visiblement une coalition des « antis » ne suffira pas à lui faire barrage comme cela a failli se passer dans l’Oise en mars dernier ou le Lot en juin dernier, et surtout comme cela s’est passé dans le Sud-Est du pays, a Brignoles, au début du moins d’octobre. Dans les trois cas, c’est l’UMP chancelante qui était opposée au FN au second tour et non la gauche, traduisant bien la forte droitisation (en fait la primauté des thématiques sécuritaires et identitaires) de l’électorat en France, une droitisation qui devrait sans doute s’accroître jusqu'à 2017. 

En 1998 l’essayiste français François de Closets publiait un ouvrage intitulé « Le compte à rebours » dans lequel il expliquait que si rien ne changeait, le Front national finirait inexorablement par prendre le pouvoir, au cœur d’une France en plein déclin

Ce scénario de science-fiction a l’époque pourrait-il devenir réalité dès la présidentielle de 2017 ? N

 

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