Le mystère turc

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La Turquie d’Erdogan est décidément un bien imprévisible pays.

Durant les années 2000, le pays a mené une politique extrêmement dirigée vers l’Oсcident, sorte de continuité de la politique ottomane. Forte de son statut de puissance régionale et de membre fondateur de l'ONU, l’OCDE, l’OSCE et du G20 ainsi que de membre non fondateur du Conseil de l'Europe et de l’OTAN, la Turquie a notamment entamé des négociations d’adhésions avec l’Union Européenne qui sont passées par des phases de flux et reflux relativement incompréhensibles pour les observateurs lucides mais traduisant au final une volonté plutôt mal dissimulée de l’Union Européenne de refuser l’adhésion turque par tous les moyens possibles et imaginables.

La forte croissance que le pays a connue durant les années Erdogan (que l’on pourrait comparer aux années Poutine en Russie) s’est accompagné d’une relative réislamisation du pays mais aussi et surtout d’une modification substantielle de la politique étrangère et régionale turque dont les derniers développement viennent plausiblement d’apparaître au grand jour.

Le pays s’est ces dernières années de plus en plus tourné vers l’Asie centrale qui comprend une zone turcophone de 152 millions de locuteurs. Ce retour vers un panturquisme actif s’est confirmé sur le plan économique par la demande récente du premier ministre turc que son pays intègre l’Union Eurasiatique en construction. Lors d’une visite à Ankara en 2012, le président Kazakh Noursoultan Nazarbaïev avait appelé a une forme de réunification des Turcophones d’Eurasie, affirmant que « viendra le temps où tous les Turcs seront réunis. Par conséquent, j'aimerais saluer tous les frères de langues turcs. Entre l'Altaï et la mer méditerranée vivent plus de 200 millions de frères. Si nous nous unissons tous, nous serons une force puissante dans le monde». Sans grande surprise, c’est lui qui aproposé le mois dernier que l’Union Douanière intègre la Turquie.

Au cœur des négociations turques en Eurasie, il semblerait que se renforce un nouveau binôme russo-turc. La récente visite d’Erdogan en Russie a parfaitement traduit le fort resserrement des liens entre ces deux pays sur le plan économique, diplomatique et surtout énergétique, puisque les pays sont liés par Blue Stream et devraient l’être encore plus activement par South Stream dans le futur.

Sur le plan militaire, la Turquie vient de demander à intégrer l’Organisation de Shanghai (regroupant la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan) et souvent présentée comme le pendant (l’adversaire ?) régional et eurasiatique de l’OTAN. Cette nouvelle pourrait encore affaiblir la position turque d’allié régional américain numéro un, un statut qui a connu sa première secousse sérieuse depuis la guerre froide lorsque le Parlement turc a refusé l’utilisation du sol turc aux forces américaines en 2003. Plus certainement, une telle adhésion contribuerait à sérieusement affaiblir l’OTAN dans la région.

Bien sûr, la Turquie a clairement joué un rôle actif durant la guerre en Syrie (les relations entre ces deux pays étant cependant aussi très complexes) mais il semble que le jeu turc contre l’Etat syrien soit désormais proche de s’arrêter puisqu’on peut facilement imaginer que dans le paquet de discussions entamées, ait été inclus un allégement drastique du soutien actif turc aux groupes rebelles armés qui tentent sans succès de renverser le régime syrien.

La Turquie va-t-elle fermer sa frontière Nord et ainsi contribuer directement au coup d’arrêt final des hostilités en Syrie ? Le pays va-t-il changer de cap et orienter sa politique vers l’Eurasie (l’unification du monde touranien) au détriment de l’Europe ? N

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