Comme l'indique le ministère ukrainien de la Culture, la décision sur le non-octroi des licences de projection à ces films a été prise « en tenant compte de la protection des intérêts nationaux dans l'espace informationnel et culturel ».
La commission d'experts de l'agence ukrainienne sur les questions du cinéma est l'auteur collectif de la décision. Le réalisateur russe Stanislav Govorukhine a critiqué cette décision. À son avis, « la censure dans le domaine de la culture du côté des nouveaux chefs de Kiev est une manifestation de leur ignorance au plus haut degré ». Après avoir regardé les deux films, les experts ont trouvé là « du dédain pour la langue ukrainienne, le peuple et l'État », ainsi que « la déformation d'épisodes dans l’intérêt de la Russie ». Le film sur le lutteur légendaire du début du XX siècle Ivan Poddoubny, originaire de la région ukrainienne de Poltava, parle en réalité des héros communs pour la Russie et l'Ukraine. Le film «La Garde Blanche» est fait d’après le roman de Mikhaïl Boulgakov, né à Kiev: l'écrivain s’inquiétait beaucoup pour le sort de l'Ukraine dans les années de la guerre civile en Russie, il en a parlé dans son premier roman. En commentant la décision des pouvoirs ukrainiens, le réalisateur Fiodor Bondartchouk, qui a joué un rôle dans le film La Garde Blanche, a souligné :
« Je pense qu'étudier en détail ce qui ne les arrange pas, c’est peine perdue. C’est une bêtise et une faiblesse. Alors, il faut interdire le livre de Boulgakov et le film "Taras Boulba", réalisé par la chaîne de télévision "Russie". Ainsi que les œuvres de Gogol etc… La culture, la littérature, le cinéma ont toujours accompli une fonction unificatrice. L'art ne doit pas être une monnaie de change dans les décisions pareilles. Mais aujourd'hui, on voit l'inverse. »
L'interdiction de la projection de La Garde Blanche et Poddoubny n’est pas seulement une histoire de deux films russes. Les fonctionnaires ukrainiens ont pris la décision : désormais, n'importe quel film russe sera soumis à leur contrôle. C'est-à-dire, au fond, il s'agit de l'introduction de la censure sur tout le territoire du pays. En outre, l'idée suivante du pouvoir ukrainien, c’est de limiter dans le pays l'accès aux livres russes dont la part de marché atteint 80% actuellement en Ukraine. L'obtention d'une licence, les quotas pour l'importation des livres - tout cela se fait pour déshabituer les citoyens à lire en russe. En d'autres termes, les autorités ukrainiennes veulent priver les citoyens de leur droit de choisir et de penser librement./E
