Le Burkina Faso, pays le plus vulnérable dans la lutte du G5 Sahel contre le terrorisme

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Le Burkina abritera samedi 14 septembre un sommet extraordinaire de la CEDEAO sur le terrorisme. Ce pays qui, depuis février 2019, assure la présidence tournante du G5 Sahel, apparaît désormais comme l’un des plus vulnérables dans la lutte contre le terrorisme dans cette région de plus en plus en proie aux attaques terroristes. Analyse.

Ouagadougou accueille le samedi 14 septembre une réunion des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), élargie au Tchad, à la Mauritanie et au Cameroun. Déjà ce vendredi, les cinq chefs d'État du G5 Sahel étaient rassemblés dans la capitale burkinabè, à l'initiative de la Banque Africaine de Développement (BAD), pour échanger sur des questions liées à l'énergie.

Trois points essentiels seront au menu des discussions de ce sommet extraordinaire sur le terrorisme, comme l’a souligné Jean-Claude Kassi Brou, président de la Commission de la CEDEAO, lors d'une session de travail préparatoire qui s’est tenue le 12 septembre à Ouagadougou.

​En effet, il s'agira pour les États membres de la CEDEAO de «réaffirmer leur engagement ferme à lutter collectivement contre le terrorisme; d’évaluer et éventuellement d’adapter leur stratégie de lutte contre le terrorisme adoptée en 2013 à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire) aux évolutions récentes tant au plan régional qu’international; et enfin de proposer des actions et des mesures fortes de lutte contre le terrorisme», précise un communiqué de la CEDEAO.

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Cette rencontre se déroule dans un contexte où le Burkina Faso doit faire face au feu récurrent et toujours plus meurtrier de groupes djihadistes. Actuellement à la tête du G5 Sahel qui regroupe en plus du Burkina Faso, la Mauritanie, le Mali, le Niger et le Tchad, le pays apparaît depuis 2017 comme le maillon faible de cette organisation. Les offensives armées imputées par les autorités burkinabè à des groupes djihadistes se succèdent désormais à un rythme effréné. Et le nombre de morts ne cesse d’augmenter.

En dix mois, du 1er janvier au 10 août 2019, l’ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project), une ONG de collecte et d’analyse de données sur les violences armées et politiques, a recensé pas moins de 313 attaques armées au Burkina Faso. C’est largement plus que les 190 enregistrées sur toute l’année 2018. Au cours de ces 313 offensives, au moins 88 éléments des forces de défense et de sécurité (soldats, gendarmes, policiers, forestiers, etc.) et 276 civils ont été tués.

Longtemps épargné par les attaques djihadistes alors que son voisin, le Mali –dont il abrite plus de 20.000 ressortissants ayant fui les violences armées dans leur pays– est touché depuis 2012, c’est à partir de 2015 que le Burkina a eu à subir les premières attaques sur son sol.

Des groupes djihadistes opérant au Mali, qui avaient initialement fait, pour certains, du nord du Burkina une base arrière, ont progressivement entrepris à partir de 2017 de «réorienter» leurs actions dans ce pays où ils ont trouvé un terreau propice, face à une armée burkinabè qui manque de ressources et qui n’a pas la maîtrise de son territoire.

Autorités burkinabè impuissantes à enrayer les attaques armées

Si la riposte menée depuis 2018 par l’armée burkinabè, parfois en collaboration avec la force française barkhane ou l’armée malienne, a eu un certain succès sur le terrain, les groupes djihadistes ont constamment changé de stratégies. Malgré la neutralisation de dizaines voire de centaines de terroristes, certaines organisations ont néanmoins réussi à s’adapter à l’évolution de la situation plus vite que les forces de sécurité destinées à les combattre.

In this Monday Jan. 18, 2016 file photo, a soldier stands guard outside the Splendid Hotel in Ouagadougou, Burkina Faso. - Sputnik Afrique
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Et les attaques meurtrières que ces groupes ne cessent de mener démontrent que leur capacité de nuisance est encore bien vivace. Le 19 août dernier, par exemple, l’attaque coordonnée de plusieurs hommes armés, qui visait le détachement militaire de Koutougou (province du Soum, nord du Burkina), a occasionné la mort de 24 soldats burkinabè. Cette attaque n’a toujours pas été officiellement revendiquée mais elle serait, selon des médias burkinabè, une action menée par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) fondé en mars 2017 et dirigé par le Malien Iyad Ag Ghali.

 

Cet énième revers de l’armée burkinabè, le plus cuisant vis-à-vis des djihadistes, a profondément choqué le Burkina Faso où de nombreuses voix émanant de la société civile et du monde politique ne cessent de s’élever, ces derniers mois en particulier, pour dénoncer «des promesses creuses» du Président Roch Kaboré et «l’incompétence» des autorités dans la lutte contre le terrorisme.

Dans la foulée de l’attaque de Koutougou, l’Union pour le progrès et le changement (UPC), le principal parti d’opposition, a demandé la «démission pure et simple du gouvernement».

Pour Me Bénéwendé Sankara, président de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS), membre de la majorité présidentielle, «c’est uni que le peuple burkinabè remportera la guerre contre le terrorisme».

«Il n’est pas sûr que dans des circonstances similaires, l’opposition puisse faire mieux. Il ne faut pas perdre de vue que le Burkina mène une guerre qui n’est pas conventionnelle mais asymétrique, et qu’il lui serait difficile de remporter seul», a déclaré au micro de Sputnik Me Bénéwendé Sankara.

Pour triompher du terrorisme qui sévit au Sahel et qui menace toute la sous-région ouest africaine, «il faut une conjugaison des efforts», a-t-il préconisé.

Une force conjointe du G5 Sahel en manque d’efficacité, faute de moyens

Officiellement lancée en juillet 2017, avec l’appui de la France, la force conjointe du G5 Sahel se compose de soldats issus de ses cinq pays membres. L’opérationnalisation de cette force censée rassembler, en pleine capacité, 5.000 hommes, est loin d’être effective. Cela en raison notamment du financement et du matériel attendu des partenaires internationaux qui tarde à arriver.

En effet, les États du G5 Sahel attendent toujours de recevoir une grande partie des 420 millions d'euros promis par leurs partenaires européens.

 

Comme l’a révélé le Président burkinabé Roch Kaboré au sommet du G7 qui s’est tenu fin août 2019 à Biarritz, en France, 18% à 32% des budgets des États du G5 Sahel sont consacrés aux dépenses de sécurité. La part allouée à la lutte contre le terrorisme, déjà considérable, impacte négativement les actions qui auraient pu être menées en faveur du développement socioéconomique dans ces pays pauvres.

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Par ailleurs, la force conjointe a enregistré un sérieux revers lors de l’attaque, le 29 juin 2018, de son quartier général à Sévaré, dans le centre du Mali. Cette attaque a occasionné trois morts et d’importants dégâts matériels. Depuis, il a été décidé de transférer le quartier général à Bamako, mais les habitants de Badalabougou, un quartier de la capitale malienne où était prévue son installation, s'y sont opposées par des manifestations en juin et juillet 2019.

 

Par ailleurs, lors du dernier sommet de la CEDEAO en juillet 2019, à Abuja au Nigéria, un élargissement du G5 Sahel a été envisagé à d’autres pays de la CEDEAO, voire à des pays d’Afrique centrale comme le Cameroun et le Tchad qui sont aussi victimes d’attaques de Boko Haram*.

Samedi, à la réunion extraordinaire de la CEDEAO, les chefs d’État et de gouvernement devraient également se pencher sur les modalités de cet éventuel élargissement.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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