En Afrique, le défi de la formation des jeunes entrepreneurs reste à relever

© Sputnik . Roland Klohi / De jeunes Ivoiriens marchant dans une rue du Plateau, le quartier des affaires d’AbidjanDe jeunes Ivoiriens marchant dans une rue du Plateau, le quartier des affaires d’Abidjan
De jeunes Ivoiriens marchant dans une rue du Plateau, le quartier des affaires d’Abidjan - Sputnik Afrique
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Avec 59% de moins de 25 ans et 40% de moins de 14 ans, l’Afrique est la région du monde qui compte le plus de jeunes. Face au chômage endémique sur le continent, cette jeunesse se tourne résolument vers l’entrepreneuriat depuis de nombreuses années. Se pose dès lors bien souvent la question de sa formation. Décryptage.

Chaque année, selon la Banque africaine de développement (BAD), 10 à 12 millions de jeunes africains débarquent sur le marché du travail alors que seulement 3 millions d’emplois formels sont créés. Toujours selon la BAD, la plupart des 420 millions de jeunes africains de 15 à 35 ans sont au chômage, occupent des emplois précaires ou alors occasionnels.

«L’Afrique doit se réinventer, définir ses propres paradigmes. Les dirigeants africains doivent prendre leurs responsabilités pour éduquer et former leurs enfants», affirme au micro de Sputnik Éric Bazin.

C’est ce qu’a déclaré le 2 octobre dernier à Abidjan Éric Bazin à la cérémonie d’ouverture d’«EntrepreneursOnTheMove», une manifestation destinée à l’investissement dans les start-up.

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Coproduction du «Land of African Business (LAB)» – la structure fondée par Éric Bazin qui soutient depuis 2014 l’entrepreneuriat en Afrique –  et de la fondation allemande GreenTec Capital Africa (GCAF), cet événement est consacré, entre autres, au renforcement des capacités des jeunes entrepreneurs africains.

Peu ou mal formés, ces jeunes n’ont pas le niveau requis pour accéder aux postes qu’ils convoitent et finissent par grossir l’armée des chômeurs. De l’avis général, l’un des paradoxes en Afrique, c’est que les jeunes n’ont jamais été plus éduqués et plus connectés aux nouvelles technologies que maintenant, mais ils demeurent dans l’ensemble peu formés et préparés aux réalités de l’emploi.

«La jeunesse africaine doit intégrer le défi de l’éducation et de la formation», a déclaré le fondateur du LAB.

C’est à ce prix, estime Éric Bazin, que la jeunesse «se sentira impliquée dans le devenir de son continent». Mais cet ancien journaliste français amoureux de l’Afrique a conscience qu’il revient aux dirigeants «de faire le nécessaire».

«Il manque à l’Afrique de former les jeunes que le marché de l’emploi réclame. Un marché qui exige un savoir-faire que malheureusement les formateurs et les établissements de formation ne donnent pas. Et c’est la responsabilité des pouvoirs publics d’étudier et de décider des formations nécessaires», insiste-t-il.

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Interrogé, le jeune entrepreneur Clovis Djirebo, cofondateur en février 2019 de «Jecompare.ci», la première plateforme de comparaison des 27 banques et deux établissements financiers de Côte d’Ivoire, partage entièrement le point de vue du Français.

«La question de la formation est déterminante. Si on n’a pas à la base une formation, se lancer dans l’entrepreneuriat peut s’avérer risqué. Ce n’est pas qu’il faille être bardé de diplômes mais, quand on décide de créer une entreprise, il faut un minimum de formation. Et c’est à ce niveau qu’un appel doit être lancé aux pouvoirs publics pour s’assurer que les jeunes qui vont se retrouver demain diplômés, et entrepreneurs en puissance pour certains, puissent avoir une formation adéquate», affirme au micro de Sputnik Clovis Djirebo.

Pour Clovis Djirebo, l’entrepreneuriat se présentant aujourd’hui comme une alternative majeure au problème du chômage, il conviendrait que la formation dans les écoles «inclue des initiations à l’entrepreneuriat».

Entreprendre en Afrique

Face au chômage, 72% des jeunes africains se disent attirés par l’alternative de l’entrepreneuriat. Mais bien souvent, au-delà de l’épineuse question du financement, les difficultés que les jeunes entrepreneurs peuvent rencontrer sont multiples.

En Côte d’Ivoire par exemple, le premier problème qu’ils rencontrent, de l’avis général, est «l’environnement entrepreneurial risqué» dans lequel ils évoluent.

«L’environnement des affaires n’est pas très propice aux jeunes entrepreneurs en Côte d’Ivoire. Pour une petite entreprise comme la nôtre qui est en pleine expansion mais ne fait pas encore de profit, il faudrait qu’elle soit exonérée d’impôt sur une voire deux ou trois années. Cela se fait dans les pays développés, en France notamment», suggère Clovis Djirebo.

Une autre difficulté se trouve au niveau administratif et légal. Avec le Centre de promotion des investissements en Côte d'Ivoire (CEPICI, guichet unique de la création d’entreprise), il est désormais possible de créer une entreprise en 24h, du moins en théorie. Mais dans les faits, nombreux sont les entrepreneurs qui, comme Clovis Djirebo, estiment qu’il y a encore trop de «paperasse et de délai» en fonction de l’activité de la start-up que l’on souhaite créer.

«La mission première d’un entrepreneur est de résoudre des difficultés, de combler des besoins existants. Par contre, quand on prend le risque financier de se lancer, quand on souhaite régler des problèmes pour améliorer le cadre de vie de la société dans laquelle on évolue et qu’en face, on a ce genre de souci, ce n’est pas rassurant ni encourageant», poursuit le jeune entrepreneur.

Emboitant le pas à Clovis Djirebo, Éric Bazin dénonce également «le manque d’enthousiasme des dirigeants africains envers les jeunes entrepreneurs».

«Il y a des jeunes qui sont pétris de talent et d’énergie. Nous œuvrons pour que les pouvoirs publics en prennent conscience. Il n’existe pas suffisamment de mesures incitatives comme la défiscalisation ou des exonérations de tous types, voire un fonds d’investissement destiné aux start-up», déplore-t-il.

Ces dernières années, face au manque d’enthousiasme des dirigeants africains, les initiatives et événements tels que «EntrepreneursOnTheMove», pour encourager l’entrepreneuriat, se sont multipliés sur le continent.

Quel regard porter sur les événements promouvant l’entrepreneuriat en Afrique ?

Pour l’édition 2019 de «EntrepreneursOnTheMove», ce sont plus de 60 start-up venues d’une vingtaine de pays d’Afrique qui sont réunies du 2 au 4 octobre à Abidjan. Toutes ces entreprises sont entièrement prises en charge par la fondation GreenTec Capital Africa et le LAB.

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Pour l’occasion, trois prix seront distribués aux trois meilleures start-up: un grand prix doté de 4.000 euros; un prix de l’entrepreneuriat féminin et un prix d’encouragement de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire (2.000 euros chacun). En plus de cette dotation financière, les lauréats vont bénéficier d’un réseautage et d’un mentoring (ainsi que d’une formation juridique et fiscale) de la fondation GreenTec et d’un accompagnement (des conseils et stratégies) par le LAB sur un an.

«Bien des investisseurs européens qui le souhaitent ne savent pas comment investir en Afrique ou alors redoutent de le faire en raison d’un manque de transparence en certains endroits du continent. La fondation GreenTec Capital Africa connecte des investisseurs européens qui s’intéressent à des start-up du continent», explique au micro de Sputnik Sanssi Cissé, secrétaire général de GreenTec.

Ces investisseurs, selon Sanssi Cissé, «ne cherchent pas forcément des investissements rentables pour eux mais qui font la différence pour les populations locales».

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Si les événements comme «EntrepreneursOnTheMove» sont largement salués, certains observateurs appellent à la prudence.

«Ce type d’événement est vraiment le bienvenu en Côte d’Ivoire pour les jeunes entrepreneurs. Cela permet de créer un environnement compétitif pour les start-up, et aussi de lever des fonds. Il faut cependant un cadre légal qui régit ces manifestations dans la mesure où des start-up viennent exposer leurs innovations et leurs projets. S’il n’y a pas de régulation, tout le monde peut organiser pareils événements et on ne saura pas ce qui est fait des projets dont les organisateurs auront pris connaissance», souligne au micro de Sputnik Clovis Djirebo.

Une triste réalité en Afrique, c’est que parfois, les start-up lauréates de prix nationaux et internationaux ne bénéficient pas ensuite d’une période d’accompagnement. Elles se lancent et faute de suivi, elles finissent par faire faillite.

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