Abena Dolls, des poupées engagées made in Cameroon pour casser les standards

© Photo Pixabay / GregMontaniPoupées africaines
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Fondatrice de la marque de poupées noires «Abena Dolls», Marie Abena veut valoriser la culture de son continent. Grâce à ses créations, elle souhaite changer la définition des codes de beauté, auxquels plusieurs générations d’enfants africains ont été habitués à se comparer, pour les rendre fiers de leur identité. Portrait.

Noires, albinos, métissées, cheveux crépus, les créations de Marie Abena tapissent son showroom situé à Bonamoussadi, dans le cinquième arrondissement de la ville de Douala, la capitale économique du Cameroun. Abena Dolls, c’est le nom donné à cette nouvelle marque de poupées qui a déjà conquis nombre d’acheteurs et que nous présente sa fondatrice.

«Nos poupées sont faites à base de vinyle, de textile et… de beaucoup d’amour et de respect pour la personne africaine. Tous nos matériaux sont conformes aux normes internationales, donc non nocifs pour les enfants. La conception prend en moyenne trois mois, depuis la création graphique à la fabrication, en passant par la modélisation des visages et des parties du corps de la poupée», confie la créatrice au micro de Sputnik.
© Photo Abena DollsMarie Abena, créatrice des poupées Abena Dolls.
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Marie Abena, créatrice des poupées Abena Dolls.

Originaire de la région du littoral Cameroun, Marie Abena, 33 ans, est mariée et mère de quatre enfants. Motivée par le désir de leur inculquer les valeurs de son continent, cette panafricaniste a décidé de créer des poupées noires.

«Je désirais surtout transmettre à mes filles l'amour de soi et les empêcher de subir l'influence des stéréotypes de beauté étrangers. Je voulais les préserver des complexes transmis par les jouets qui ne valorisent pas notre culture africaine. Ma soif de leur apprendre à s'aimer telles qu’elles sont et de ne jamais envier ce qui est à autrui a été mon guide», confie la jeune entrepreneure.

Abena Dolls, un jouet éducatif

Sur un continent où les standards de beauté venus d’ailleurs se sont imposés de longue date dans l’inconscient collectif des enfants comme des adultes, les Abena Dolls se démarquent des classiques Barbies et autres poupées conformes aux critères occidentaux par leur revendication ethnique. Une différence voulue par la promotrice qui souhaite casser les codes.

«Nos poupées sont typiquement africaines: elles ont des cheveux crépus, des rondeurs et elles abhorrent des tenues locales qui mettent en valeur les textiles du continent. Ainsi, la petite fille apprendra à valoriser sa propre culture et à aimer son identité», explique l’entrepreneure.
© Photo Abena DollsUn modèle de poupée de la créatrice Marie Abena.
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Un modèle de poupée de la créatrice Marie Abena.

Pour la créatrice, au-delà de l’objectif ludique, le but est donc de s’affranchir des codes esthétiques occidentaux imposés par des décennies de colonisation et d’inculquer aux enfants l’amour de soi. Un combat de tous les instants.

Imposer des poupées de couleur n’a pourtant pas été chose aisée dans une Afrique subsaharienne où le phénomène de dépigmentation au moyen de toutes sortes de crèmes douteuses, voire dangereuses, de lissage, de défrisage du cheveu ou même le port de perruques fait toujours rage.

«À nos débuts, cela n’était pas gagné d’avance! Il nous a fallu redoubler d’efforts dans la sensibilisation pour que petit à petit, le public adhère et comprenne le message que nous avons désiré transmettre par le biais de nos poupées africaines. Par la suite, grâce au soutien des médias et des grandes surfaces qui ont accepté de commercialiser nos créations, nous avons réussi à faire rentrer les poupées noires dans les habitudes de consommation des Africains», se réjouit-elle.

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En trois ans d’existence, Abena Dolls s’est enfin imposée malgré des débuts plutôt rudes. À ce jour, plus de 20.000 poupées ont déjà été vendues au Cameroun et à l’étranger. Les modèles coûtent entre 10.000 et 15 000 francs CFA (15 à 22 euros) et séduisent une clientèle diversifiée, trouvée entre autres grâce aux réseaux sociaux.

«Grâce à notre site Internet, nous sommes connus à l’international et nous livrons dans plusieurs pays, notamment au Gabon, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Congo Brazzaville, au Congo Kinshasa, au Ghana, en Belgique, aux États-unis, en Suisse et au Canada, pour ne citer que ceux-là», ajoute Marie Abena.

Titulaire d’une licence en marketing publicité et commerce international obtenue à l’Institut panafricain de développement de Buea dans le Sud-Ouest du Cameroun, la créatrice caresse un rêve: «Guérir l’Afrique de ce complexe d’infériorité qui attaque les mentalités des petites filles et les pousse à renier ce qu’elles sont.»

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