Côte d’Ivoire: l’attiéké, un mets national incontournable potentiellement dangereux?

© Photo Pixabay / Brett_Hondow / ManiocManioc
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Consommer 300 grammes d’attiéké, aliment à base de manioc et très populaire en Côte d’Ivoire, reviendrait à ingurgiter entre 15 à 20 morceaux de sucre, alerte une PME ivoirienne qui lutte contre le surpoids et l’obésité en Afrique. Mais les consommateurs ont du mal à avaler la pilule.

L'attiéké, sorte de couscous de manioc, est une semoule cuite à la vapeur particulièrement prisée des Ivoiriens. Chaque année, la Côte d’Ivoire en produit des dizaines de milliers de tonnes. Une partie est consommée localement, l’autre exportée dans la sous-région ouest-africaine, mais également vers d’autres continents, l’Europe en tête.

Le ministère de l’Agriculture estime la consommation moyenne annuelle d’attiéké à 100 kilos par habitant, soit environ 300 grammes par jour.

Problème: selon Acacia, PME ivoirienne qui promeut le bien-être par les plantes et lutte contre le surpoids et l’obésité en Afrique, un sachet de 300 grammes d’attiéké contiendrait l’équivalent de 15 à 20 morceaux de sucre, soit une proportion bien supérieure aux 50 grammes de sucre par jour (10 morceaux) que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas dépasser.

Une annonce qui fait l’effet d’une bombe

Dans un message publié le 25 juillet sur sa page Facebook, Acacia attire l'attention sur la charge glycémique élevée de l'attiéké et donc le danger d'une consommation immodérée et régulière.

En à peine 24 heures, la publication a enregistré plus d’un millier de partages et des centaines de commentaires d’internautes surpris, mais surtout décontenancés pour la plupart, de découvrir la teneur en sucre qu’induirait la consommation de l’un de leurs plats favoris.

D'autres internautes y voient quant à eux une campagne de dénigrement d’un produit typiquement ivoirien.

Au micro de Sputnik, Jean-Philippe Atsé, fondateur d’Acacia, assure qu’il n’en est rien:

«Il y a un intérêt de plus en plus prononcé des Ivoiriens pour les questions de nutrition. On ne s’est pas forcément posé mille et une questions sur la sensibilité que pouvait engendrer le sujet de l’attiéké. Il y a plusieurs internautes qui prennent mal l’information que nous avons publiée, nous soupçonnant d’avoir l’intention de dénigrer un mets national, et cela est dommage. Nous attirons en fait l’attention des internautes sur les dangers potentiels d’une surconsommation de l’attiéké sans accompagnement d’aliments riche en fibres comme c’est le cas de certains légumes et fruits», expose-t-il.

Pour sa publication, Acacia s’est notamment appuyée sur une étude menée dans les années 2000 par des chercheurs de l'Unité de formation et de recherche (UFR) des sciences médicales de l'université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan.

L’étude en question appelle à faire attention à la charge glycémique que l’attiéké engendre chez un consommateur.

«La charge glycémique d’un sachet de 300 g d’attiéké s’élèverait, selon nos calculs, à 60 (l’OMS recommande de ne pas dépasser 80) et équivaut à celle de 15 à 20 morceaux de sucre de table (un morceau de sucre ayant une charge glycémique de 3,5). Toutefois, l’index glycémique de l’attiéké (qui s’élève à 43 par rapport au glucose) est plutôt faible, voire moyen. Le problème, en l’occurrence, est que les Ivoiriens raffolent de l’attiéké. De plus, ce plat est souvent consommé avec du poisson frit dans de l’huile surchauffée», explique Jean-Philippe Atsé.

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Selon Insudiet, entreprise française spécialisée dans le rééquilibrage alimentaire, la charge glycémique reflète la capacité d’un aliment à élever la glycémie (taux de sucre dans le sang), en fonction de la portion consommée, quand l’index glycémique, lui, indique à quelle vitesse le sucre de cet aliment se retrouve dans le sang.

Par ailleurs, une autre étude, menée cette fois par l’UFR de biosciences de l'université Félix Houphouët-Boigny dont les conclusions ont été publiées en 2017, indique également que «la forte teneur glucidique de l’attiéké ouvre une lucarne sur la prévalence à l’obésité et au diabète».

En effet, les glucides contenus dans l’attiéké – qui est pauvre en protéines, lipides, avec une quantité moindre de fibres – sont en majeure partie constitués d’amidon (sucre lent susceptible de provoquer un fort pic glycémique) et de proportions moindres de sucres (31,45% d’amidon et 8,4 % de sucres), quand bien même ce mets est préparé avec la partie solide de la pâte de manioc fermentée (la partie liquide très riche en amidon étant extraite).

L'étude souligne aussi le caractère «très énergétique» de l’attiéké

«L'attiéké est un mets assez calorifique qui fournit une bonne dose d’énergie aux personnes qui en ont besoin et qui peuvent la dépenser. Cet aliment fait l’affaire de tous ceux qui sont très actifs physiquement, comme les sportifs et les travailleurs manuels. A contrario, il ne convient pas vraiment aux personnes sédentaires chez qui, lentement mais sûrement, il pourrait induire un surpoids. Aussi, de nombreuses études scientifiques alertent sur une épidémie de diabète de type 2 dans les années à venir en Côte d’Ivoire, notamment en raison de l’excès de sucre contenu dans les féculents que nous consommons en trop grande quantité», poursuit Jean-Philippe Atsé.

En plus de réduire leur consommation quotidienne et de l’accompagner de fruits et légumes, il conseille aux consommateurs d’attiéké de beaucoup bouger ou de faire du sport.

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