Journée de la femme africaine: elle est de plus en plus représentée aux postes de décision

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Alors qu’est célébrée ce 31 juillet la journée de la femme africaine, Sputnik a demandé à Reckya Madougou, ex-ministre béninoise, ce qu’elle pensait de la nomination de femmes à de hauts postes de la diaspora et du continent. Pour cette experte en inclusion financière et développement, il reste un long chemin à parcourir. Éclairage.

Élisabeth Moreno, nommée ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes, à la Diversité et l’Égalité des chances: cette surprise dans le gouvernement de Jean Castex prend une dimension particulière en ce 31 juillet, journée de la femme africaine.

Cette Franco-Cap verdienne, dirigeante d’entreprise peu connue du grand public, est une femme de la Tech qui tranche avec le gotha habituel des femmes politiques dans l’Hexagone. Elle avait accepté, il y a deux ans, de rejoindre le groupe Hewlett-Packard pour diriger la branche Afrique du groupe, après avoir passé 45 ans en France.

Invitée Afrique de Sputnik, Reckya Madougou, ex-ministre de la République du Bénin, estime que cette nomination est «amplement méritée.» Experte en inclusion financière et développement, elle conseille aujourd’hui plusieurs chefs d’État africains, dont celui du Togo. Auparavant, elle avait été ministre chargée de la Microfinance, de l’Emploi, des Jeunes et des Femmes dans son pays, à compter de 2008, puis Garde des Sceaux et Porte-parole du gouvernement jusqu’en 2013.

«Il y a toujours un petit relent de témoignage dans ce genre de nomination. Ce sont les règles en politique. On n’y peut rien. Mais [Elisabeth Moreno, ndlr] est une femme pleine d’allant. Malgré la lourde responsabilité qui pèse sur ses épaules à ce poste, je suis sûre qu’elle va démontrer que sa nomination était pertinente et qu’elle est capable de changer la donne», a déclaré Reckya Madougou au micro de Sputnik France

À l’instar d’Élisabeth Moreno, qui a déclaré d’emblée qu’elle n’était «pas venue faire de la poterie au gouvernement», Reckya Madougou est elle aussi une farouche partisane du droit des femmes à exercer le métier de leur choix.

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D’autant que, contrairement aux idées reçues, c’est en Afrique que les femmes dominent le monde de l’entreprise. Si l’importance du secteur informel et la modestie du capital social de ces entreprises tend à l’occulter, «elle n’en constitue pas moins une solide réalité», rappelle Reckya Madougo.

«Pourquoi pas une Africaine à la tête du FMI?»

Une récente étude dévoiles les 10 pays africains comprenant la plus forte concentration de femmes africaines entrepreneures possédant de grandes entreprises. L’Ouganda, le Ghana et le Bostwana trustent le podium. L’Afrique francophone est totalement absente de ce «top 10». Quant à la Tunisie et l’Algérie, elles occupent respectivement la 9e et la 10e place.

Désignée Ambassadeur Unitlife (l’ONG fondée par Philippe Douste-Blazy, chargée par les Nations unies de trouver des financements innovants) pour l’Afrique, en marge de l’Assemblée générale de l’Onu en 2015, Reckya Madougou se concentre aujourd’hui sur la promotion des «financements innovants» en faveur de la lutte contre la malnutrition dans les pays africains.

C’est donc «avec une grande satisfaction», dit-elle, qu’elle a accueilli la nomination de la Sénégalaise Diariétou Gaye au poste de Vice-présidente et secrétaire générale de la Banque mondiale. «Un poste mérité pour une économiste au CV bien rempli», commente-t-elle. Même s’il reste encore, selon elle, un «long chemin à parcourir» avant que l’on sente vraiment l’influence de l’Afrique et des femmes africaines dans les institutions internationales.

«Nous enregistrons pour l’instant des succès épars. Mais on est encore loin d’une prédominance des femmes dans les instances internationales et encore moins des femmes africaines. En réalité, elles sont très peu représentées, mais on peut rêver. Pourquoi pas une femme africaine à la tête du Fonds monétaire international, après Christine Lagarde?», se demande Reckya Madougou.

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Pour elle, ces différentes «avancées» visant à positionner des femmes «en haut du pavé» font progresser le leadership féminin en général. Elle en veut pour preuve la nomination d’une autre ancienne ministre à l’Intégration, la Guinéenne Diéné Keita, à la Vice-Présidence de l’UNFPA (Fond des Nations unies pour la Population). 

«Une Afrique mieux gouvernée et plus prospère»

«Créer une saine émulation autour des femmes» dans les équipes gouvernementales est la clé, selon elle. Même si, parfois, il faut «pousser les décideurs à les promouvoir», reconnaît-elle. C’est ce qui s’est récemment passé au Gabon avec la nomination en tant que Premier ministre de Rose Ossouka Raponda. Une femme politique qui a fait toute sa carrière dans l’appareil d’État. Cette dernière, à la demande du Président Ali Bongo, a aussitôt présenté un «gouvernement de combat», dont un tiers des 33 membres sont des femmes.

«Je félicite le président Bongo d’avoir ouvert la voie. Car, à chaque fois que j’ai le privilège de discuter avec un chef d’État africain dans le cadre de mes activités de conseil, je l’incite à promouvoir des femmes aux plus hauts postes de responsabilité. Il est temps que l’on prenne toute la mesure, aujourd’hui, en Afrique, que le positionnement des femmes ne soit pas un gadget, mais une nécessité», insiste Reckya Madougou.

Toutefois, selon l’ancien ministre gabonais Charles M’Ba, qui connaît Rose Ossouka Raponda du temps où elle était directrice du Budget et lui ministre délégué aux Finances, «la nomination est une chose, mais la possibilité de travailler en est une autre». Malgré une carrière «sans faute» jusqu’à présent, il craint que son ancienne collaboratrice ne soit très vite bloquée dans ses velléités de réformes.

«Le Gabon est claquemuré sur le plan politique», regrette-t-il. Même s’il est très fier que ce soit «mon» pays qui, le premier, nomma en 2009 une femme à la tête du Sénat, Rose Rogombé, à qui a succédé, en 2015, une autre femme, Lucie Milebou-Aubusson, rappelle-t-il.

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Pour Reckya Madougou, toutefois, cet effort constant à l’égard de la promotion des femmes en politique devrait finir par porter ses fruits. «Je reste persuadée que nous aurions une Afrique mieux gouvernée et plus prospère si nous avions davantage de femmes aux commandes!», affirme-t-elle.

De plus en plus de femmes influentes

Si l’on en croit Reputation Poll International, une société de gestion de la réputation à dimension mondiale, de plus en plus de femmes figurent parmi «les 100 Africains les plus réputés du continent.» Pour établir cette liste, la société se fonde «sur des critères de l’intégrité, de la visibilité et de l’influence des personnalités choisies», selon ses responsables.

Dans la liste 2020, rendue publique le 27 juillet, on dénombre 47 femmes et 53 hommes. Considérés comme des «figures emblématiques» du continent, le Président rwandais Paul Kagame, son homologue congolais Félix Tshisekedi, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, l’ancien Président des Seychelles, James Alix Michel ou encore Jewel C. Howard Taylor, le vice-Président du Liberia, y sont régulièrement cités.

Quant aux femmes, elles se retrouvent majoritairement dans le «deuxième cercle», comme la Gambienne Fatou Bensouda, procureur de la Cour pénale internationale (CPI), la musicienne Angélique Kidjo ou Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

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