Togo: Le pouvoir de Gnassingbé espionne-t-il ses opposants?

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Le pouvoir togolais est accusé d’avoir espionné une demi-douzaine de personnalités de l’opposition de la société civile. Selon une enquête menée par les quotidiens Le Monde et The Gardian, Lomé s’est servi de Pegasus, un logiciel ultrasophistiqué d’une entreprise israélienne.

C’est une affaire qui fait grand bruit au Togo. Les révélations, ce 4 août, des résultats de l’enquête réalisée par les quotidiens Le Monde et The Gardian ont jeté un véritable pavé dans la mare. En substance, on y accuse le gouvernement togolais d’avoir piraté les téléphones de plusieurs leaders politiques ainsi que des acteurs de la société civile.

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Pour réussir son opération, affirment ces médias, le pouvoir togolais s’est servi de Pegasus, un «logiciel espion très sophistiqué» acquis auprès du groupe israélien NSO.

Proposé aux agences gouvernementales partout dans le monde comme un outil devant les aider «à lutter contre le crime et le terrorisme», Pegasus est doté de capacités lui permettant d’infiltrer les smartphones des individus que l’on souhaite pister, sans qu’ils ne s’en rendent compte, pour ensuite y soustraire les données personnelles: messages, photos, contacts, informations privées, etc.

David Dosseh, professeur agrégé en chirurgie et coordinateur du Front Citoyen Togo Debout –qui s’est opposé au quatrième mandat du Président togolais à la présidentielle du 22 février 2020–, fait partie de la liste des personnalités mises sur écoute, selon ces médias. À Sputnik, il a affirmé en avoir été informé depuis l’an dernier par une ONG internationale.

«Ces éléments révélés par ces journaux ne peuvent susciter en moi qu’un sentiment de vive indignation. Alors que la santé est en difficulté dans le pays et que l’éducation est en souffrance, le gouvernement se permet de dilapider nos ressources dans ce genre de futilités. Que craint cet État policier pour espionner nos vies privées et nos vies professionnelles? Sommes-nous des terroristes?», s’est-il indigné.

Le professeur n’exclut pas la possibilité de porter plainte contre le gouvernement surtout qu’au Togo, il existe une loi qui protège les données à caractère individuel.

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Même chose du côté du prêtre togolais Pierre Chanel Affognon, porte-parole de «Espérance pour le Togo», une organisation de la société civile. Il est lui aussi cité parmi les personnalités mises sur écoute par l’exécutif, tout comme Mgr Benoît Alowonou, président de la Conférence des évêques du Togo, Elliott Ohin, ancien ministre des Affaires étrangères, et Raymond Houndjo, un proche collaborateur de l’opposant Jean-Pierre Fabre.

«Mon souhait est que le droit soit dit dans cette affaire et que les responsabilités soient situées pour que nous ne soyons pas assimilés demain à des terroristes ou à des délinquants», a déclaré le prêtre à Sputnik.

Réagissant dans les médias locaux, Mgr Alowonou a assuré de son côté n’avoir «rien à cacher à qui que ce soit». Mais, affirme-t-il, «ce type de logiciel est dangereux pour nos libertés».

L’espionnage et la mise sur écoute ont toujours été un objet de préoccupation pour l’opposition togolaise, selon l’opposant Gerry Taama qui s’exprimait sur sa page Facebook. Cet ancien militaire assure que «la phobie d'être écouté a toujours hanté les leaders de l'opposition».

Contacté par Sputnik, Christian Trimoua, ministre des droits de l'Homme du Togo en charge des relations avec les institutions de la République, a affirmé que «le gouvernement ne fera pas de commentaires à ce sujet».

​Pegasus a été révélé au grand public lors d’une fuite de données de Hacking Team. C’était en 2015, quand des documents confidentiels de ce concurrent italien de NSO Group ont été divulgués, exposant notamment le modus operandi du logiciel espion israélien qui aurait été utilisé par nombre de pays.

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Au Ghana, les trois officiels impliqués dans l’acquisition de ce logiciel en avaient été pour leurs frais. En mai 2020, la justice ghanéenne les a condamnés à des peines allant de cinq à six ans de prison pour avoir «occasionné une perte financière à l’État».

Au Maroc, en revanche, les autorités ont «réfuté catégoriquement» les allégations d’«infiltration des téléphones de certaines personnes» avancées par Amnesty International. Ces affirmations figurent dans le dernier rapport de l’ONG paru lundi 22 juin 2020, sur son site officiel sous le titre «Un journaliste marocain [Omar Radi] victime d’attaques par injection réseau au moyen d’outils conçus par NSO Group».

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