Covid-19 au Cameroun: des élèves préfèrent la protection divine à celle du masque

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Ayant refusé de se soumettre à l’obligation de porter un masque de protection, sur les consignes de leur pasteur, trois candidats ont été recalés à un examen national au Cameroun. Un scandale de trop attribué aux églises évangéliques de réveil, dans un pays, où elles s’illustrent de plus en plus par des événements du genre.

Largement relayée par la presse locale, l’affaire fait encore les choux gras des réseaux sociaux. Les faits se sont déroulés le 5 août dernier au lycée de Biyem Assi dans un quartier périphérique de la capitale Yaoundé.  D’après ce qui est rapporté, entre autres, par le journal en ligne Agence Cameroun Presse, trois candidats au probatoire –l’examen officiel d’admission en classe de terminale au Cameroun– se sont présentés dans ce centre d’examen sans protection, violant ainsi l’obligation du port du masque dans les lieux publics instaurée dans un ensemble de mesures barrières contre le coronavirus au Cameroun.

Le commanditaire de cette incivilité? Le pasteur qui leur aurait interdit d’arborer le masque qu’il considère comme «un gadget du diable». Joint au téléphone après d’âpres négociations, le prédicateur a insisté sur le fait que «ses fidèles ne portent pas de masque car ils sont protégés par le sang de Jésus… et que d’ailleurs le coronavirus n’existe pas», rapporte le site d’information.

Après avoir essayé en vain de convaincre les candidats, le proviseur du lycée a tenté une médiation en sollicitant l’aide de leurs parents. Mais ces derniers, fidèles de la même église, ont abondé dans le sens du pasteur. Au bout du compte, les trois élèves ont signé les procès-verbaux actant leur désistement, préférant ainsi passer une année blanche.

Les autorités ont alors fait une descente sur le terrain afin d’apposer les scellés sur ce lieu de culte tandis que le pasteur reste à ce jour introuvable.

Sous l’emprise des églises de réveil

À peine croyable, l’affaire fait encore le tour des réseaux sociaux, reprise et commentée non sans sarcasmes. Au Cameroun, les églises de réveil prolifèrent et sont régulièrement citées dans des histoires similaires. En mai dernier, en pleine ascension de la pandémie mondiale, les fidèles d’un lieu de culte à Douala, capitale économique, ont décidé de garder le corps de leur pasteur tué par le Covid-19 pendant plusieurs jours, espérant que ce dernier revienne à la vie. Les autorités ont dû faire usage de la force pour récupérer la dépouille afin de procéder à son inhumation.

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Des scandales qui suscitent nombre d’interrogations sur ces pratiques religieuses d’un autre temps, qui font pourtant partie du lot quotidien des Camerounais. Si elles manquent de bon sens, ces attitudes sont toutefois explicables, d’après Mathurin Soh, sociologue camerounais, pour qui «la multiplication de ces lieux de culte au Cameroun donne lieu à des dérives comme celle des élèves qui n’agissent que selon les consignes de leur guide spirituel».

«C’est de la manipulation des masses. Il faut avoir un niveau élevé de discernement pour ne pas succomber aux chants de ces hommes qui usent de techniques de manipulation mentale incitant leurs fidèles à changer de mode de vie», décrypte-t-il au micro de Sputnik.

Ainsi, poursuit l’expert, il n’est plus rare de voir l’autorité de l’État défiée par des fidèles sur les consignes de leur gourou. «Certaines églises poussent le bouchon plus loin en provoquant de plus en plus l’État dont elles passent outre les lois.»

«D’ailleurs, dans les quartiers résidentiels, les voisins se plaignent régulièrement de nuisances sonores dues aux nuits de prédication et de miracles», souligne le sociologue.

Sur les conseils de leur gourou, ou au nom de leur intime conviction, des fidèles se livrent de plus en plus à des comportements invraisemblables. Les différentes actions de recadrage et les rappels à l’ordre des autorités face aux dérives toujours plus nombreuses ne semblent pas y changer grand-chose.

Dans le pays, ces lieux de culte continuent leur expansion vertigineuse et les scandales qui s’y déroulent alimentent chaque semaine les colonnes des journaux.

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