L’indignation n’a d’égale que la frustration dans les pays du Sahel après la décision de Paris de placer la plus grande partie de la région en «zone rouge». La restriction fait suite à l’assassinat par des terroristes de huit personnes, dont six ressortissants français, près du village de Kouré au Niger.
Après le classement du #Niger en «zone rouge»
— Cherifa Sidi 🇳🇪 (@CherifaSidi) August 19, 2020
Colère à #Niamey contre Paris.
Je vous laisse commentez ! pic.twitter.com/xyrOSUpFzH
Ils nous ont classé en zone rouge, classons les aussi en zone rouge et puis c’est tout.
— Mansour Touré (@MansourTour2) August 18, 2020
Aucun nigérien ne doit aller en France et aucun français ne doit venir au Niger.
Dans les médias comme sur la toile, si la première pierre est lancée vers les terroristes, plusieurs voix s’élèvent néanmoins pour dénoncer «les conséquences néfastes» qui ne manqueraient pas d’en découler. C’est le cas d'Aboubacar Anana Harouna, leader du groupe musical belgo-nigérien Kel Assouf,
Joint par Sputnik, il est revenu sur les «conséquences lourdes» que la décision de placer le pays tout entier en zone rouge aurait sur l’économie et la sécurité du Niger.
«Avec cette restriction de la France, c’est le développement économique et la sécurité du Niger qui vont accuser le coup. Déjà en 2010, le tourisme qui faisait vivre Agadez, d’où je suis originaire, a été enterré quand le Quai d’Orsay a classé la région en zone rouge», a-t-il déclaré.
Selon Aboubacar Anana Harouna, cette résolution pourrait favoriser, à l’échelle du Niger, «l’implantation de tout genre de trafics et de criminels», comme ce fut le cas à Agadez.
Un micro-trottoir réalisé par le média nigérien Studio Kalango.
Pour Khalid Ikhiri, président de la Commission nationale des droits humains (CNDH) du Niger, «l’attitude de la France est à déplorer et à condamner».
«Ce qualificatif de zone rouge, dénué de tout fondement, isole le Niger du reste de la communauté internationale, ternit son image, mais a également un impact négatif sur la jouissance et l’effectivité des droits humains, notamment le droit d’aller et venir, les droits économiques, sociaux et culturels, les droits de solidarité...», a-t-il déclaré dans un communiqué en date du 16 août.
Une décision «compréhensible»?
Pour Koalaga Oumarou, spécialiste des relations internationales, expert en sécurité et défense, interrogé par Sputnik, «quand on considère la fragilité du Sahel au regard des menaces liées au terrorisme, on comprend aisément la décision des autorités françaises qui intervient nécessairement après évaluation».
«Il y a un certain nombre d’outils qui permettent aux experts de la diplomatie française d’arriver à la conclusion que des zones déterminées ne sont pas fréquentables pour les Français et qu’il convient de prendre des mesures pour préserver les intérêts de la France. Il n’y a pas d’état d’âme à avoir sur les questions sécuritaires. On peut être de très bons amis, avoir de très bonnes relations diplomatiques, mais le plus important pour les chancelleries occidentales est de protéger leurs ressortissants. Dans l’hypothèse où des Français se hasarderaient dans une zone non signalée par les autorités et qu’un drame se produirait, l’État pourrait être traduit en justice», a-t-il expliqué.
L’expert assure toutefois comprendre «la frustration et la colère» des populations des pays concernés qu’il lie à une méconnaissance des questions diplomatiques. «Notez qu’en général, sur ces questions de zones déconseillées aux ressortissants français, les pays indexés ne réagissent pas car ils sont conscients des enjeux. Il n’y a que l’opinion publique qui, bien souvent, tombe dans l’émotion plutôt que de porter un regard froid sur la situation. Au final, cette décision de la France ne va pas contrarier ses relations diplomatiques avec les États concernés», a-t-il déclaré.
«Un pays comme la France qui dispose d’un certain nombre de moyens (technologiques, humains...) veille toujours à agir par anticipation. Par un système d’alerte précoce, il est possible, au regard notamment des forces en présence et de la fragilité de la situation, de voir venir certaines complications et de prendre des décisions en conséquence. Ce fut assurément le cas au Mali, où la France a dû voir les choses venir», a-t-il déclaré.
Le ministère français des Affaires étrangères a publié, le 15 août, un communiqué où il estimait que «la menace d’attentats et d’enlèvements visant des Occidentaux demeure élevée dans la zone sahélienne ainsi que dans les pays limitrophes. Aucune région ne peut plus désormais être considérée comme totalement sûre. Il est par conséquent formellement déconseillé de se rendre dans les zones rouges au Mali, au Niger, en Mauritanie mais aussi dans l’ensemble des zones rouges des pays frontaliers».
Les Français se trouvant éventuellement dans ces régions doivent dès lors «savoir que leur sécurité et leur vie sont explicitement et directement menacées».
Colorez-le en noir, jaune, rouge-sang ou même couleur invisible, si vous voulez....en tout cas, nous...notre Niger sera toujours orange-blanc-vert pour nous avec le soleil dans notre coeur 🇳🇪😍 #227 #VisitNiger #RealFriends pic.twitter.com/UhPTUvA3h4
— Mamane Gondwana (@mamaneshow) August 12, 2020
Si une très grande partie de la Mauritanie, du Mali et du Burkina Faso se trouve désormais en zone rouge, au Niger, c’est l’ensemble du territoire que les autorités françaises déconseillent, «à l’exception de la capitale Niamey, qui est déconseillée sauf raison impérative».