Guinée Bissau: Embalo solde les comptes avec ses «frères ennemis» de la Cedeao

© REUTERS / Frank Franklin IIUmaro Sissoco Embalo à l'ONU
Umaro Sissoco Embalo à l'ONU - Sputnik Afrique
S'abonner
En n’invitant que cinq chefs d’État ouest-africains aux festivités de l’indépendance de son pays, le Président bissau-guinéen règle ses comptes avec certains ses homologues qui avaient «voté» pour son adversaire à la présidentielle de décembre 2019. Aujourd’hui, il semble se chercher de nouveaux alliés ailleurs tout en consolidant son pouvoir.

Légitimé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) après plusieurs mois de polémique liée à son élection controversée à la présidence de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo semble avoir définitivement pris ses repères. Aujourd’hui, il entend occuper toute sa place au sein de l’institution communautaire régionale. Il n’est cependant pas exclu qu’il tire les leçons d’une adversité qui a failli lui faire perdre un scrutin pour lequel la Cour de justice suprême l’a finalement déclaré vainqueur au détriment de Domingo Simoes Pereira du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC).

Les forces de la Cedeao en Guinée-Bissau - Sputnik Afrique
Après le départ des forces de la Cedeao, la Guinée-Bissau peut-elle se prendre en charge?
Les résultats définitifs de la présidentielle de décembre 2019 l’avaient crédité de plus de 53% des suffrages contre 46% pour son adversaire.

«Le Président Embalo n’a pas apprécié la position de certains pays de la Cedeao –dont la Guinée-Conakry et la Côte d’Ivoire– sur l’élection présidentielle de décembre 2019. Pour lui, Alpha Condé et Alassane Ouattara penchaient trop pour son adversaire du PAIGC, Domingo Simoes Pereira. Ceci explique peut-être qu’ils n’aient pas été invités aux côtés des cinq chefs d’État présents à Bissau le 25 septembre dernier pour les festivités du 47e anniversaire de l’indépendance de son pays», explique à Sputnik Maurice Paulin Toupane, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS) à Dakar.

À l’international, une politique de diversification plus affirmée de partenariats tous azimuts sur les plans économique et financier pourrait être engagée pour le reste d’un mandat qui s’achève en 2024. Considérée comme le dixième pays le plus pauvre au monde avec un PIB par habitant de 778 dollars pour une population d’environ 1,7 million d’individus, la Guinée-Bissau a besoin d’investissements étrangers massifs pour relever les défis du développement.

«Embalo pourrait même aller plus loin. Il a constaté que la plupart des États de la CPLP (la Communauté des pays de langue portugaise, qui regroupe neuf États membres, dont six africains) sont restés favorables au PAIGC, le parti historique qui a mené la guerre d’indépendance. Cette perception négative des rapports de forces au sein de la CPLP peut l’inciter à regarder ailleurs, hors du cercle naturel qu’est l’espace ouest-africain, en quête de nouveaux acteurs. Dans ce changement potentiel d’axe de coopération, la Turquie pourrait être un de ces partenaires», pronostique Maurice Paulin Toupane.

Invité d’honneur de la cérémonie de prestation du nouveau Président de la transition politique malienne le 26 septembre dernier, Umaro Sissoco Embalo veut développer des envies d’ailleurs pour la Guinée-Bissau. Le 10 septembre, Suzy Barbosa, sa ministre des Affaires étrangères, a signé avec son homologue turc Mevlut Cavusoglu un accord de coopération dans plusieurs domaines.

Ankara va ainsi édifier un nouvel aéroport international à Bissau et faciliter l’ouverture d’une desserte aérienne avec la compagnie nationale Turkish Airlines. Les entreprises turques ayant achevé la construction, au Sénégal, de l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD) de Diass (à environ 45 km de Dakar) pourraient de ce fait bénéficier de ce marché d’infrastructure dans un environnement que la Cedeao a contribué à pacifier.

«Avant d’atterrir à Bissau, le chef de la diplomatie turque était passé à Dakar. Au regard des fortes relations économiques qui existent déjà entre le Sénégal et la Turquie, il est fort possible que le Président Macky Sall ait facilité l’établissement d’un axe de coopération Ankara-Bissau», souffle l’expert.

Le Président sénégalais est de, notoriété publique, un «parrain» actif mais discret de son homologue bissau-guinéen. Celui qui lui soufflerait à l’oreille plus que ses autres soutiens que sont Muhammadu Buhari du Nigeria et Mahamadou Issoufou du Niger. Une proximité et une amitié de longue date qu’Umaro Sissoco Embalo a traduites à sa façon en baptisant une artère de Bissau au nom de Macky Sall. Ce qui n’a pas été du goût de tout le monde.

«Cela me paraît une maladresse que de substituer un nom étranger à une avenue portant le nom d’un combattant de la guerre de libération nationale. Ce sera toujours mal perçu par les nationalistes et les associations d’anciens combattants», estime Maurice Paulin Toupane.

Adama Barrow - Sputnik Afrique
Gambie: Ce que dit l’avortement de la nouvelle constitution sur les intentions du Président

En interne, le nouvel homme fort de Bissau est en phase de consolidation de son pouvoir. Des manœuvres politiques ont permis au Mouvement pour l’alternance démocratique (Madem-G15), dont il est le vice-président, de devenir majoritaire à l’Assemblée nationale depuis juillet dernier alors que le PAIGC y régnait en maître. Ce changement notable a rendu possible la validation du programme de son gouvernement dirigé par le général Nuno Nabiam.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала