Présidentielle burkinabè: un pacte de bonne conduite pour éviter «ce qui se passe ailleurs»

© Photo Présidence du Burkina FasoLe Président Roch Kaboré avec à sa droite Zéphirin Diabré et à sa gauche Simon Compaoré
Le Président Roch Kaboré avec à sa droite Zéphirin Diabré et à sa gauche Simon Compaoré - Sputnik Afrique
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Au Burkina Faso, leaders politiques et acteurs de la société civile semblent résolus à éloigner de leur pays le spectre des violences électorales qui font rage dans des États voisins. À cet effet, un pacte de bonne conduite a été signé par les 13 candidats à la présidentielle du 22 novembre.

L’Afrique de l’Ouest traverse une période critique. Guinée, Niger, Ghana, Burkina Faso, Côte d’Ivoire… autant de pays où les citoyens sont appelés aux urnes en cette fin d’année 2020 pour élire leur Président à l’occasion de scrutins aux enjeux majeurs et qui font figure de tests grandeur nature pour un continent où la question de l’alternance démocratique est plus prégnante que partout ailleurs dans le monde.

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En Côte d’Ivoire et en Guinée, les violences électorales –sur fond de rejet de la candidature de Présidents sortants briguant un troisième mandat controversé– ont déjà fait une centaine de morts, et la situation est encore loin de s’apaiser.

Au Burkina Faso, où le Président Roch Marc Christian Kaboré est en lice pour un second mandat, on observe avec inquiétude les événements dans les deux pays suscités, avec l’intention clairement affichée d’en tirer des leçons et de ne pas tomber le piège de la violence.

Une aspiration légitime pour des élections apaisées

Les élections du 22 novembre seront les deuxièmes scrutins présidentiel et législatifs démocratiques au Burkina Faso depuis la chute fin octobre 2014 de Blaise Compaoré qui a passé 27 ans au pouvoir. Pour garantir, autant que possible, leur bon déroulement, outre les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, candidats, responsables de la société civile et des médias, activistes, blogueurs ont jugé bon de signer, le 26 octobre, un pacte de bonne conduite.

Ce pacte est une initiative du Conseil supérieur de la communication (CSC) qui a initialement vu le jour en 2002, à l’occasion des législatives, avant d’être expérimenté lors de la présidentielle de 2005. Il vise à œuvrer à des élections apaisées en interdisant notamment à ses signataires de tenir des propos haineux ou stigmatisants.

Autrement dit, en ratifiant ce document, les différents acteurs s’engagent à bannir de leur langage et de leur comportement tout ce qui peut être de nature à occasionner des tensions pouvant déboucher sur des violences, et à recourir aux organes légaux de gestion de conflits en cas de litige. Tout ceci dans le but ultime de préserver la paix et la cohésion sociale après les élections.

L’ancien ministre de la Sécurité Clément Sawadogo, conseiller spécial à la Présidence et représentant de Roch Kaboré, voit dans ce pacte un moyen d’«épargner au Burkina Faso ce qui se passe ailleurs», commente-t-il dans la presse locale. Une claire allusion à, notamment, la Côte d’Ivoire, pays frontalier qui entretient des relations très étroites avec le Burkina Faso et qui accueille pas moins de quatre millions de Burkinabè.
Pour le sociologue burkinabè Wilfried Sanou interrogé par Sputnik, si ce pacte de bonne conduite a «le mérite de favoriser la courtoisie et le respect mutuel entre les candidats, il n’en demeure pas moins limité».

«Il y a un bémol notable à ce pacte: aucune sanction n’est prévue en cas de violation. Et donc finalement, sa force ne réside que dans le respect de la parole donnée, ce qui, bien évidemment, ne met pas le Burkina Faso à l’abri de surprises désagréables», a-t-il souligné.

D’autant que quelques mois auparavant, une campagne de «dénigrement et de fake news» sur les réseaux sociaux contre des leaders de l’opposition, attribuée au parti au pouvoir qui s’en est vivement défendu, avait suscité l’indignation sur la Toile.

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Le discours politique au Burkina Faso, a expliqué Wilfried Sanou, «n’est traditionnellement pas aussi polarisé et conflictogène qu’il peut l’être en Côte d’Ivoire par exemple, mais le risque d’émulation existe».

Des attentes énormes

Le 22 novembre, Roch Marc Christian Kaboré –le chef de l’État sortant, candidat à sa propre succession pour un second mandat et grand favori de la présidentielle– sera opposé à 12 candidats. En 2015, il s’était largement imposé dès le premier tour avec 53,49 % des voix. Mais pour 2020, au regard des forces en présence, la plupart des observateurs voient inéluctable un second tour.

En effet, Roch Kaboré fera face à des challengers de poids comme le chef de file de l’opposition Zéphirin Diabré (qui en 2015 avait terminé deuxième avec 29,65% des voix), l’ancien ministre des Affaires étrangères et ancien conseiller spécial de Blaise Compaoré Ablassé Ouédraogo, l’ancien vice-président de l’Assemblée nationale (sous Blaise Compaoré) Gilbert Noël Ouédraogo, l’ancien Premier ministre de Blaise Compaoré Kadré Désiré Ouédraogo, ou encore Eddie Komboigo, l’actuel chef du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, le parti fondé par Blaise Compaoré).

Tous ces challengers ont pour objectif commun de réaliser l’alternance politique au Burkina Faso en2020. 

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Aussi ont-ils signé le 18 août un accord électoral qui prévoit que chacun «s’oblige à soutenir celui des signataires qui arriverait au second tour de l’élection présidentielle de 2020».

«Ce soutien se fera par appel public et toute autre forme de stratégies et/ou d’actions non interdites par la loi au plus tard dans les 24 heures qui suivent la proclamation des résultats définitifs du premier tour par le Conseil constitutionnel», stipule l’accord.

Quoi qu’il en soit, peu importe le vainqueur de ce scrutin présidentiel, il devra faire face aux immenses attentes des Burkinabè.

En effet, la présidentielle de 2020 revêt des enjeux cruciaux comme la consolidation de l’après-Blaise Compaoré par un enracinement profond de la bonne gouvernance, mais aussi d’importants chantiers comme la lutte contre le terrorisme et les conflits intercommunautaires, et l’apaisement de la grogne sociale qui a émaillé une partie de la présidence de Roch Kaboré.

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