Le chef du gouvernement marocain qualifie «d’ouverture» l’accord avec Israël, une stratégie calculée de son parti?

© Sputnik . Alexeï Vitsvitsky  / Accéder à la base multimédiaRabat
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Le chef de l’exécutif marocain a qualifié la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara occidental de «victoire sans précédent», démentant tout troc avec la cause palestinienne. En contradiction avec des responsables de son parti, il estime que l’accord avec Israël est «une ouverture». Quelle lecture faire de sa déclaration?

Lors d’un entretien accordé à la chaîne qatarie Al Jazeera, le chef du gouvernement marocain Saad Eddine El Othmani a qualifié «d’ouverture» l’accord de normalisation des relations entre le Maroc et Israël. Une position qui contraste avec celle qu’il a tenu fin août, au lendemain de l’annonce de l’accord de paix entre Israël et les Émirats arabes unis.

Son ministre de l’emploi, Mohamed Amekraz, issu comme lui du Parti de la justice et du développement (PJD), formation accusée d'être proche du mouvement international des Frères musulmans*, s’est prononcé contre la normalisation des relations avec l’État hébreu. Le député issu du PJD Abdelilah Hallouti, également secrétaire général de l’Union national du travail au Maroc (UNTM), le bras syndical du parti islamiste, a opposé au Parlement un non catégorique à tout rapprochement avec Israël.

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Dans ce contexte, comment expliquer les positions diamétralement opposées exprimées par des responsables politiques de haut rang issus du même parti?

«Une décision difficile»

En annonçant la conclusion d’un accord de paix entre le royaume chérifien et l’État hébreu, Donald Trump a également signé une déclaration reconnaissant la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Il aurait également promis des investissements à hauteur de trois milliards de dollars dans le pays et la vente de quatre drones de type MQ-9B Skyguardian.

Ainsi, s’exprimant sur la décision du Président américain, M.El Othmani a affirmé que «nous ne voulons pas que la question du Sahara occidental fasse l’objet de troc avec la cause palestinienne». «Néanmoins les circonstances ont exigé que la victoire dans cette bataille coïncide avec l’autre ouverture [en rétablissant les relations avec Israël, NDLR]», a-t-il précisé, soulignant que «les États sont parfois forcés de prendre des décisions difficiles».

Pour le chef de l’exécutif, la décision de Donald Trump est un «tournant majeur et une victoire sans précédent pour la diplomatie marocaine». Néanmoins, il explique que son pays «n’avait pas abandonné la cause palestinienne». Le Maroc «restera fidèle à ses principe aujourd’hui et demain, ce qui est très important», a-t-il martelé.

Exit les positions prises dans un passé proche?

Fin août, lors d’une réunion de l’Organisation des jeunes du PJD, Saad Eddine El Othmani avait condamné «toute normalisation avec l’entité sioniste», selon le site d’information Yabiladi. S’exprimant près de trois semaines après la conclusion de l’accord de paix entre Tel-Aviv et Abou Dhabi, M.El Othmani a souligné que «toutes les concessions en cours étaient inacceptables».

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Même son de cloche exprimé cette semaine, au lendemain de l’annonce de l’accord entre le Maroc et Israël, par le ministre de l’Emploi Mohamed Amekraz et le député Abdelilah Hallouti. Les deux hommes ont affirmé que la position des structures du PJD était «claire et nette» contre la normalisation des relations avec Israël, et qu’elle correspondait à celle «de tous les Marocains».

Quid du rôle des Frères musulmans dans la normalisation?

Dans une vidéo publiée sur sa chaîne YouTube, Riadh Sidaoui, spécialiste en sciences et études politiques et président du Centre arabe de recherches et d'analyses politiques et sociales de Genève, explique que «le double langage était un sport auquel s’adonnait tous les mouvements politiques issus des Frères musulmans*».

Selon lui, «il n’y a qu’à regarder la politique de Tayyip Recep Erdogan, considéré comme le leader mondial des Frères musulmans*, qui crie sur tous les toits son soutien à la cause palestinienne tout en maintenant des relations économiques et stratégiques avec Israël et l’Otan». «Il y a également l’exemple du mouvement Ennahdha en Tunisie et son président Rached Ghannouchi, un proche d’Erdogan, qui ont bloqué au Parlement un projet de loi criminalisant la normalisation des relations avec Israël [en février 2018, suite à la décision de Trump de transférer l'ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem-Est, ndlr]».

Oubi Bouchraya Bachir, membre de la direction du Front Polisario chargé de l’Europe et de l’Union européenne, a déclaré à Sputnik que la «démarche du Maroc n’est pas du tout surprenante et a le mérite, enfin, de démasquer auprès des peuples marocain, arabes et musulmans l’hypocrisie de 60 ans de fausse solidarité du royaume avec le peuple palestinien et sa cause juste contre l’occupant israélien».

*Organisation terroriste interdite en Russie

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