Crise en Centrafrique: le spectre des interférences tchadiennes

© AFP 2023 ALEXIS HUGUETLes Casques bleus de la Minusca en Centrafrique
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La Centrafrique a accusé le Tchad de soutenir les rebelles responsables des troubles en cours sur son sol. N’Djamena s’en défend, dénonçant une tentative d’instrumentalisation à travers l’enrôlement de ses ressortissants. Mais si le Tchad dément toute ingérence, le soupçon de son implication dans les crises centrafricaines plane toujours.

Des combattants tchadiens sont-ils engagés aux côtés des rebelles en Centrafrique? La question fait le tour de l’actualité depuis quelques jours. 

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Mercredi 13 janvier, pour la première fois depuis le début de leur action pour empêcher la réélection de Faustin-Archange Touadéra –reconduit pour un deuxième mandat le 4 janvier–, les rebelles de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) ont attaqué Bangui.

L’offensive a commencé à l’aube, à une dizaine de kilomètres du centre de la capitale, quand des brigades de l’armée ont été attaquées simultanément. Alors que les rebelles de la CPC menaient jusqu’à présent des assauts généralement repoussés par les quelque 12.000 Casques bleus de la Minusca –la mission onusienne en Centrafrique–, l’attaque aux abords de Bangui est une première.

Le démenti tchadien

À la suite de ces affrontements, Chérif Mahamat Zène, le ministre tchadien de la Communication, a publié un communiqué dans lequel il explique que «les autorités centrafricaines ont diffusé à la télévision et sur leur site web officiel des informations alléguant la présence de combattants tchadiens parmi les assaillants, laissant penser à l’implication du Tchad dans les troubles sécuritaires en Centrafrique».

Face à ces accusations d’interférence, il condamne fermement:

«Le Tchad dénonce avec force ces fausses accusations et réaffirme que depuis le retrait en 2014 des contingents tchadiens de la Mission des nations unies en Centrafrique [Misca, à laquelle la Minusca a succédé, ndlr], le Tchad n’a interféré en aucune manière dans la crise centrafricaine.»

Si, pour le porte-parole du gouvernement, aucun Tchadien n’a été officiellement missionné par le pays pour combattre en Centrafrique, il «condamne l’enrôlement des ressortissants tchadiens par toutes les parties au conflit pour les armer et les utiliser comme combattants». «Le Tchad ne peut admettre que des ressortissants tchadiens soient impunément recrutés et mêlés à la crise, puis ensuite exposés devant la presse comme moyens de preuve dans le seul but de faire porter la responsabilité de leur utilisation à leur pays d’origine», poursuit-il.

Si l’hypothèse d’une participation du Tchad dans la bataille de Bangui a été amplifiée par les médias, Kag Sanoussi, spécialiste en gestion des crises et président de l’Institut international de gestion des conflits –dont le siège est à Lille– tient aussi à souligner:

«Bien que des faits laissent entendre que parmi les assaillants arrêtés en Centrafrique, certains seraient de nationalité tchadienne [l’un d’eux a été présenté à la télévision centrafricaine et a dit venir d’une localité du Tchad], il faut savoir que le mercenariat n’a pas de nationalité.»

«Les cerveaux de l’attaque de Bangui, le 13 janvier dernier, recrutent là où ils le peuvent. Et les jeunes désœuvrés sont des proies faciles. Rien ne prouve que l’assaillant montré à la télévision soit réellement Tchadien. Et même s’il l’était, rien ne prouve que ce soit le fruit d’une ingérence des autorités tchadiennes», poursuit l’analyste au micro de Sputnik.

L’ombre du Tchad

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement tchadien est accusé de s’ingérer dans les troubles en Centrafrique. À quelques jours du scrutin présidentiel et législatif, en décembre dernier, des rumeurs s’étaient emparées des médias faisant état de la présence de contingents tchadiens dans les groupes rebelles présumés proches de l’ex-Président François Bozizé.

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Bangui reprochait à l’ancien dirigeant de fomenter un coup d’État en représailles à la décision de la Cour constitutionnelle qui a invalidé sa candidature à la présidentielle. Les accusations d’ingérence du Tchad avaient déjà suscité la réaction de N’Djamena, qui les jugeait infondées.

«Le Tchad ne doit pas servir de bouc émissaire aux acteurs politiques centrafricains incapables de trouver la solution pour une sortie de crise dans leur pays», avait déjà déclaré le ministre tchadien de la Communication.

Plus loin encore dans le temps, en 2013, l’ancien Président centrafricain François Bozizé reprochait déjà au Tchad de l’avoir lâché et d’avoir appuyé les rebelles de la Séléka qui ont pris le pouvoir à Bangui. Le Tchad, puissant voisin, était jusque-là un soutien de poids pour Bozizé. Il l’avait aidé à s’emparer du pouvoir par les armes en 2003 et même à combattre les rebelles du nord en 2010.

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En 2014, de nombreux Tchadiens vivant en Centrafrique avaient été pris à parti par des Centrafricains qui accusaient N’Djamena de soutenir des groupes rebelles opposés au régime de Michel Djotodia. Entre 1996 et 1997, le Président Ange Félix Patassé a fait également appel à l’armée nationale tchadienne pour mater une mutinerie. Nonobstant cette omniprésence du Tchad dans les crises centrafricaines, Kag Sanoussi pense que les peuples tchadiens et centrafricains doivent «être conscients que l’insécurité de l’un peut avoir des conséquences sur l’autre».

«Leur intérêt doit être d’œuvrer à ce que la paix règne. Il est donc capital que les raisons de politiques internes ou d’intérêts égoïstes ne servent pas, de part et d’autre, de prétexte pour lancer des accusations et tenter de créer des tensions inutiles», prévient le spécialiste des conflits.

Si les violences en RCA n’en finissent plus et connaissent un nouvel épisode depuis la présidentielle de décembre dernier, la Cour constitutionnelle a validé lundi 18 janvier la réélection au premier tour du Président centrafricain Faustin Archange Touadéra avec 53,16% des suffrages. La cour a rejeté les recours des opposants du Président sortant qui dénonçaient des «fraudes massives» et l’impossibilité pour deux électeurs sur trois de voter. Ce scrutin s’est déroulé dans un contexte très tendu, dans un pays en guerre civile aux deux tiers contrôlé par des groupes armés.

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