Ambiance électrique au Cameroun: le courant ne passe plus

© Photo flickr /Deepak Adhikari / bulbAmpoule électrique
Ampoule électrique - Sputnik Afrique, 1920, 04.02.2021
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Ces derniers jours, les perturbations dans la distribution de l’énergie au Cameroun ont été légion. Les coupures d’électricité sont devenues le lot quotidien de la population et des voix s’élèvent peu à peu pour dénoncer une situation aux lourdes conséquences. Elles pointent notamment du doigt le déficit énergétique dans le pays.

Dans sa scierie du quartier Bonamoussadi à Douala, la capitale économique du Cameroun, Pierre Chedjou reprend du service après deux heures d’interruption du réseau électrique. Il est midi et c’est déjà la deuxième coupure d’électricité de la journée.

© Sputnik . Anicet SimoCette scierie à Douala tourne au ralenti à cause des coupures d’électricité.
Ambiance électrique au Cameroun: le courant ne passe plus   - Sputnik Afrique, 1920, 04.02.2021
Cette scierie à Douala tourne au ralenti à cause des coupures d’électricité.

«Depuis quelques semaines, c’est comme ça tous les jours. On travaille au gré de l’électricité. Et cette situation nous rend la tâche difficile. Non seulement on perd beaucoup d’argent, mais on accuse aussi des retards dans les livraisons», dit-il sans cacher sa colère au micro de Sputnik.

Non loin de cet atelier, dans un magasin attenant, Marie Olivier T. ne sait plus où donner de la tête.

«La semaine dernière, j’ai dû jeter une bonne partie des poissons frais de mes congélateurs parce que tout était pourri. On ne peut plus rien conserver à cause des coupures», fulmine-t-elle.

La situation n’est pas propre à Douala, toutes les villes du pays vivent le même calvaire, même la capitale politique Yaoundé n’y échappe pas.

Il n’est pas rare de constater des coupures qui touchent simultanément plusieurs localités. La plus récente, le 25 janvier dernier, a paralysé Douala et Yaoundé pendant plus de quatre heures. La compagnie nationale de distribution de l’électricité, Eneo, filiale du fonds d’investissement britannique Actis, évoquait un incident majeur survenu sur le réseau de transport.

Le ras-le-bol des consommateurs

De plus en plus, des voix s’élèvent pour dénoncer cette situation. Les gens descendent même dans la rue pour crier leur ras-le-bol devant les locaux d’Eneo, la compagnie en charge de la distribution d’électricité dans le pays. Un collectif de jeunes patriotes et de nationalistes projette une marche dans la capitale le 6 février prochain pour, disent-ils, «dénoncer les coupures intempestives d’énergie imposées au peuple camerounais».

Les réseaux sociaux ne sont pas en reste. Les récriminations à propos des coupures répétées se multiplient et font le buzz. Il faut dire que ces interruptions d’électricité ont de lourdes conséquences économiques et sociales, souligne Aboudi Otou, journaliste spécialisé dans l’économie camerounaise qui a longtemps travaillé sur les questions énergétiques dans le pays.

«Il est difficile d’envisager une industrialisation sans une bonne qualité de service de fourniture d’électricité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dans la première phase de la vision "Cameroun émergent en 2035", le gouvernement a mis l’accent sur les infrastructures, notamment énergétiques. Mais tous les projets n’ont pas encore été conduits à terme», explique-t-il à Sputnik.

Au-delà des perturbations qui émaillent de loin en loin le réseau, on constate ces dernières semaines une recrudescence de coupures répétées et plus ou moins prolongées.

Des incidents sur le réseau de transport

Dans une récente communication d’Eneo au sujet des perturbations actuelles, l’entreprise évoque des incidents sur le réseau de transport de l’électricité. 

«Le service électrique a été fortement perturbé sur les territoires desservis par le réseau interconnecté Sud à la suite d’un effondrement de ce dernier survenu le lundi 25 janvier», peut-on lire dans une note datée du 28 janvier dernier. 

Par ailleurs, la compagnie précise que «le service demeure fragile du fait d’une instabilité certaine du réseau de transport». Eneo Cameroun envisage pour ce mois de février, peut-on lire, «des travaux de réparation sur les équipements endommagés à Songloulou par les secousses du réseau des transports le 25 janvier 2021». Dans la même lancée, une réunion a eu lieu au ministère de l’Eau et de l’Énergie le 27 janvier entre les différents acteurs du secteur pour apporter une solution définitive à ces dysfonctionnements.

La crise énergétique

Cependant, au-delà de la situation ponctuelle, ces perturbations mettent à nu, précise Aboudi Otou, le déficit énergétique dans le pays. 

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«La production actuelle se situe autour de 1.400 mégawatts (MW), alors que la demande est autour de 2.000 MW.»

«Il est clair que l’on a un déficit en matière de production. On est encore loin des prévisions. Pour les cas de Douala et Yaoundé en ce moment, les coupures ne sont pas liées au déficit de production mais plutôt à un incident sur la ligne de transport. Les infrastructures sont désuètes et pas adaptées, et le réseau de distribution est vieillissant, avec par exemple des poteaux de bois qui cèdent sous les intempéries», poursuit-il.

Pour pallier ce déficit, l’État envisage de renforcer ses capacités de production hydroélectrique avec notamment le projet de barrage de Nachtigal sur le fleuve Sanaga, dont la première mise en service est prévue pour  fin 2022. L’installation délivrera une puissance de 420 MW, de quoi couvrir 30% des besoins du pays. D’après la Banque mondiale, le Cameroun a le troisième potentiel en matière d’énergie hydroélectrique en Afrique subsaharienne, estimé à plus de 12.000 MW.

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