Crise séparatiste au Cameroun: une ONG révèle «l'une des pires attaques perpétrées par l'armée»

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impressions des mains - Sputnik Afrique, 1920, 02.03.2021
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Dans un document accablant, l'ONG Human Rights Watch a accusé des soldats camerounais d’avoir violé au moins vingt femmes, dont des handicapées, et tué un homme en mars 2020 dans le sud-ouest du pays. Une nouvelle accusation d’exactions qui vient s’ajouter à bien d’autres dans ce violent conflit séparatiste.

Déjà criblée par de multiples rapports l’accusant d’exactions contre des civils, l’armée camerounaise est une fois encore accablée par une organisation internationale. Dans un communiqué publié vendredi 26 février, l’ONG Human Rights Watch accuse des soldats de l’armée d’avoir violé au moins 20 femmes -dont quatre handicapées-, lors d’une attaque commise par des soldats camerounais, le 1er mars 2020, contre le village d’Ebam, dans la région du sud-ouest séparatiste. Selon HRW, un homme a également été tué et 35 autres arrêtés lors de cette opération. Pour l’organisation, il s’agit de « l’une des pires attaques perpétrées par l’armée camerounaise ces dernières années».

«La violence sexuelle et la torture sont des crimes odieux sur lesquels les gouvernements ont l’obligation d’enquêter immédiatement, de manière efficace et indépendante, et qui exigent de faire traduire les responsables en justice», a déclaré Ida Sawyer, directrice adjointe de la division Afrique à HRW.

​Des violations récurrentes

Pour aboutir à ces conclusions, HRW, dit s’être entretenu par téléphone entre le 1er août 2020 et le 5 janvier 2021 avec «20 survivantes de viol, quatre hommes arrêtés et passés à tabac, quatre témoins de l’attaque, deux proches de l’homme tué, un médecin qui a examiné les victimes de viol, deux travailleurs humanitaires qui ont aidé les victimes et deux fonctionnaires de l’Onu au courant de l’incident». HRW dit également s’appuyer sur des informations confidentielles d’une ONG internationale et du Centre pour les droits de l’Homme et la démocratie en Afrique (CHRDA), une organisation de défense des droits camerounais établie à Buea, dans la région du Sud-Ouest. Quatre jours après la publication de ce communiqué accablant, Yaoundé n’a pas encore réagi.

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Dans ce conflit qui oppose l’armée aux séparatistes dans les régions anglophones du Cameroun, les exactions contre les civils sont monnaie courante. Mi-février, une vidéo amateur de 9 minutes et 35 secondes montrant des scènes de torture insoutenables infligée à un jeune, soupçonné d’être proche des séparatistes, par des membres des forces de défense et de sécurité, a suscité l’émoi dans le pays. Dans un communiqué publié le 15 février, le porte-parole du ministère de la Défense, le capitaine de vaisseau Cyrille Serge Atonfack, a authentifié cette vidéo et indiqué que les tortionnaires du jeune Jean Fai Fingong étaient tous membres des forces de défense et de sécurité de l'armée camerounaise. Par ailleurs, ces hommes, «ont immédiatement été mis aux arrêts à la brigade territoriale de gendarmerie de Ndu (Nord-ouest), sur instruction du ministre délégué à la présidence chargé de la Défense».

Le 10 janvier 2021, HRW accusait des soldats de l’armée camerounaise d’avoir tué au moins neuf civils dont une femme et un enfant dans la ville de Muyuka dans le sud-ouest anglophone du pays. Suites aux accusations, le porte-parole de l’armée camerounaise avait admis dans un communiqué rendu public le lendemain que des soldats avaient conduit une opération dans la zone, tout en niant que les troupes aient tué et blessé des civils. Néanmoins, ces accusations répétées d’exactions sur les civils font régner un climat de suspicion et écorne l'image de l’armée camerounaise. Dans un entretien accordé à Sputnik, courant 2020, Maximilienne Ngo Mbe, militante camerounaise des droits de l’Homme, prévenait déjà de la «situation alarmante» dans le pays. «Le Cameroun devient de plus en plus un pays à risque quant aux défis liés au respect des droits humains et à la sécurité», s’inquiétait-elle. La directrice exécutive du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique Centrale (Redhac), notait déjà que de plus en plus de «graves violations et [d’]exactions sont commises par les forces de défense et sécurité, les autorités administratives et judiciaires (tribunaux militaires et civils) qui, dans un zèle incontrôlable et en toute impunité, décident de la vie ou de la mort des citoyens».

Les populations prises au piège des séparatistes

Si l’armée régulière est régulièrement citée ces derniers temps, les séparatistes armés ne sont pas exempts de tout reproche. Ils sont très souvent à l’origine de kidnapping, d’actes de torture et de meurtres dont le plus tragique a été la tuerie de sept écoliers dans un établissement scolaire en octobre 2020 dans le sud-ouest. Des faits longtemps décriés par de nombreuses ONG de défense des droits de l’Homme parmi lesquelles HRW.

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Fin 2017, des séparatistes ont pris les armes contre Yaoundé pour revendiquer la création d’un État indépendant comprenant les deux régions anglophones du pays. Depuis lors, cette portion du territoire est le théâtre d'un violent conflit armé et un terreau fertile pour toutes sortes d’exactions contre les civils. Des combats opposent régulièrement l'armée, déployée en nombre, à des groupes de séparatistes armés qui, cachés dans la forêt équatoriale, attaquent gendarmeries et écoles tout en multipliant les kidnappings. Le conflit a déjà fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés et réfugiés.

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