Au Niger, l'arrestation d'opposants risque d'aggraver la tension postélectorale

© AFP 2023 ISSOUF SANOGOUn véhicule blindé bloque la circulation pour le deuxième tour de la présidentielle au Niger, Niamey, 21/02/2021
Un véhicule blindé bloque la circulation pour le deuxième tour de la présidentielle au Niger, Niamey, 21/02/2021 - Sputnik Afrique, 1920, 03.03.2021
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La justice nigérienne vient d’incarcérer des leaders de l’opposition dont Hama Amadou, l'opposant historique au Président sortant Mahamadou Issoufou. Accusés «d'incitation à la violence», ces arrestations ne feraient que «durcir» la crise postélectorale née de la contestation des résultats de la présidentielle, d'après les observateurs.

Au Niger, l’opposant et ancien Premier ministre Hama Amadou est de nouveau sous les verrous, après un mandat de dépôt délivré contre lui par la justice.

Il est accusé de «complicité de dégradation de biens publics et privés», d’«incitation à la violence et à la haine ethnique», de «propagande régionaliste» et de «propos à caractère raciste» dans les contestations qui ont fait suite à la publication des résultats provisoires du deuxième tour de la présidentielle qui a eu lieu le 21 février 2021.

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C'est Mohamed Bazoum, dauphin du sortant Mahamadou Issoufou, qui a été donné vainqueur de ce scrutin, avec près de 55% des voix. Des résultats vigoureusement rejetés par son adversaire, l’opposant et ancien Président du Niger, Mahamane Ousmane, bientôt rejoint par Cap 20-21, une coalition de l'opposition menée par l’opposant Hama Amadou (à laquelle le parti d'Ousmane n'avait pas adhéré).

Officiellement, les propos ou faits précis pour lesquels Amadou est mis en prison ne sont pour l’instant pas dévoilés.

Ce mandat de dépôt à l'encontre de Hama Amadou intervient 11 mois seulement après sa libération, de lui et quelque 1.540 détenus, le 30 mars 2020, à la suite d'une grâce présidentielle.

Il purgeait une peine de huit mois de prison pour son implication dans une affaire de trafic international de bébés, d'après la justice nigérienne.

C'est cette condamnation qui a fait que sa candidature à la présidentielle a été rejetée par la cour constitutionnelle nigérienne, le 13 novembre 2020.

Hama s'est rendu de plein gré

Annoncé comme «activement recherché par la police», au même titre d’ailleurs que le candidat de l’opposition et ancien Président Mahamane Ousmane, lors d’une conférence de presse le 25 février 2021 animée par Alkache Alhada, le ministre de l’intérieur du Niger, le leader du Mouvement démocratique nigérien pour une fédération africaine (Moden/Lumuna Africa) s'est rendu le lendemain, de son plein gré, à la police, a affirmé à Sputnik, Ibrahim Yaccouba, ancien ministre des Affaires étrangères du Niger, sous Issoufou, et l’un des candidats malheureux de l’opposition au premier tour de la présidentielle.

Après une garde à vue de 72 heures, Amadou a été présenté au juge ce lundi 1er mars 2021 qui l’a auditionné avant de délivrer contre lui un mandat de dépôt.

«Ce que je peux vous dire en ce moment, c’est que la justice a décidé de placer le Président Hama Amadou et d’autres leaders de l’opposition nigérienne sous mandat de dépôt. La coalition [Cap 20-21] donnera sa réaction officielle bientôt» a confié Ibrahim Yacouba.

Selon les médias locaux, l’opposant Hama Amadou a été transféré à la prison civile de Filingué, localité située à 180 km au nord-est de Niamey.

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L’opposant Hama Amadou n’est pas le seul à être placé sous mandat de dépôt. Sur les mêmes chefs d’accusation, d'autres cadres de l'opposition ont été auditionnés par la justice et pour certains emprisonnés. Au total, «plus de 20 leaders de premier rang ou à des postes de responsabilité dans la coalition Cap 20-21 ont été arrêtés», a confié à Sputnik Kanni Abdoulaye, président de la Coordination des organisations de défenseurs des droits de l’Homme du Niger, qui fait un monitoring quotidien de la situation postélectorale.

«Je ne pense pas que cette manière de gérer la crise au Niger soit la meilleure option pour le gouvernement. Il faut plutôt trouver le meilleur moyen de calmer la tension. En jetant les protagonistes de la crise postélectorale en prison, le gouvernement risque de faire durcir les états d’esprit, et cela ne fera qu’exacerber la tension postélectorale dans le pays» juge Joseph Koba Kossi, analyste politique au Centre pour la gouvernance démocratique et la prévention des crises (CGDPC) basé au Togo, interrogé par Sputnik.

Libérer les détenus, calmer les tensions

Un premier pas pour espérer une bonne issue à la crise postélectorale actuelle serait pour le Président Issoufou, «d’envisager la libération des détenus pour calmer la tension dans le pays», soutient l'analyste togolais. C’est aussi ce que demande d’ailleurs l’opposition nigérienne.

«Nous exigeons […] la libération de tous les détenus sans délais, l’arrêt du harcèlement et les menaces de militants. Et j’interpelle la communauté internationale sur les risques de dégénérescence de cette situation postélectorale du Niger», affirmait encore dimanche 28 février, Mahamane Ousmane sur le média télévisé privé Labari, cité par Jeune Afrique.

Au moins 600 personnes ont été arrêtées au Niger en marge des manifestations dans les rues de Niamey entre le 23 et le 25 février. Et c’est depuis son fief de Zinder, dans le sud du Niger, où il s’est retranché depuis le début de la contestation, que l’ex-Président Mahamane Ousmane réclame la libération des militants de l’opposition.

Protégé par l’immunité due à son rang d’ancien Président, il n’est pour l’instant pas inquiété, assure l’entourage du Président Ousmane.

«Depuis vendredi, le pays est calme, les affrontements ont cessé à la suite des nombreuses interpellations. Mais très sincèrement, nous ne pouvons pas prédire comment les choses vont évoluer», commente le président de la Coordination des organisations de défenseurs des droits de l’Homme du Niger Kanni Abdoulaye.

Au moins deux morts par balles ont été enregistrées dans les affrontements avec les forces de sécurité depuis l’annonce des résultats provisoires de ce scrutin majeur qui consacre pour la première fois dans ce pays coutumier des coups d'État, une alternance entre deux civils.

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