Algérie: levée de bouclier contre le projet de déchéance de nationalité

© AP Photo / Rafael YaghobzadehUn drapeau algérien
Un drapeau algérien - Sputnik Afrique, 1920, 05.03.2021
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Le gouvernement algérien prévoit d’adopter une mesure visant à déchoir de sa nationalité tout citoyen résidant à l’étranger «qui porte préjudice aux intérêts de l’État». Une disposition qui a provoqué une vague d’indignation car perçue comme un moyen de sanctionner les opposants au régime.

Les autorités algériennes s’apprêtent à adopter une mesure radicale contre les opposants résidant en dehors du pays. Mercredi 3 mars, lors d’une réunion du gouvernement, le ministre de la Justice a présenté un projet d’amendement du Code de la nationalité qui comporte, comme mesure principale, la déchéance de nationalité.

«Ce texte prévoit la mise en place d’une procédure de déchéance de la nationalité algérienne acquise ou d’origine, qui sera applicable à tout Algérien qui commet, en dehors du territoire national, des actes portant volontairement de graves préjudices aux intérêts de l’État ou qui portent atteinte à l’unité nationale», indique le communiqué du Premier ministère.

Tollé général

Le communiqué précise également que cette mesure «s'appliquerait aussi à celui qui active ou adhère à une organisation terroriste (…), à celui qui la finance ou qui en fait l'apologie et également à toute personne qui collabore avec un État ennemi». Depuis mercredi, l’annonce de cette mesure est largement dénoncée sur les réseaux sociaux.

Contactée par Sputnik, Aouicha Bekhti, avocate au barreau d’Alger et militante, affirme ne pas comprendre les motivations d’une telle mesure. «C’est scandaleux d’arriver à réfléchir à imposer une telle disposition. Les autorités n’y ont pas pensé lorsque les terroristes mettaient le pays à feu et à sang», soulève-t-elle.

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Pour l’avocate, l’objectif étant de sévir contre toutes les personnes qui s’opposent au régime algérien à partir de l’étranger. «Cette mesure est dangereuse car elle met en danger chaque citoyen algérien, y compris ceux qui manifestent chaque dimanche à Paris, place de la République».

«Sur le plan politique c’est une aberration, d’autant plus que ce texte a été élaboré en catimini. L’Assemblée populaire nationale ayant été dissoute, il est évident que cet amendement passera par ordonnance présidentielle. Soyons réaliste, l’Assemblée ne l’aurait pas rejeté mais cela aurait tout de même provoqué un débat. Si cela passe par voie d’ordonnance présidentielle, c’est la responsabilité d’Abdelmadjid Tebboune qui sera engagée. Certains pensent que cette affaire vise à fragiliser encore plus le Président de la République», affirme-t-elle.

Contraire aux conventions internationales

Les dispositions de cet amendement ne sont pas encore connues mais les individus qui pourraient être ciblés seraient certains islamistes, notamment ceux du mouvement Rachad ou encore les activistes du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK). «Quelle que soit la raison ou les activités de la personne, la déchéance de nationalité n’a pas lieu d’être», insiste Aouicha Bekhti.

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L’avocate rappelle que l’Algérie a ratifié toutes les conventions relatives aux droits de l’Homme, à commencer par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme qui dispose, en son article 15 que «tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité».

«Sur le plan juridique, l’Algérie a ratifié les conventions internationales sur les droits de l’Homme qui interdit de déchoir une personne de sa nationalité et d’en faire un apatride. À mon avis, ceux qui tentent d’imposer la déchéance de nationalité veulent porter préjudice à l’image de l’Algérie et mettre le feu au pays. Cela ressemble fort à une fuite en avant car prendre de telles décisions signifie que l’on ne maîtrise plus rien», ajoute l’avocate.

La déchéance de nationalité pourrait également avoir des conséquences sur les familles des concernés, principalement les enfants mineurs puisqu’en Algérie, la nationalité d’origine est transmise par le sang. En effet, pour obtenir un document d’identité, il est indispensable de présenter «un certificat de nationalité». Reste maintenant à savoir si le gouvernement Djerad passera réellement à l’action en présentant le projet d’amendement du Code de la nationalité au Président Abdelmadjid Tebboune. Si ce texte est inscrit dans l’ordre du jour du prochain Conseil des ministres, il fera l’objet d’une ordonnance présidentielle et sera ensuite promulgué avec application immédiate.

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