Entre relance économique, sécurité alimentaire et transition énergétique, «l’Algérie n’a pas le droit de se tromper»

© AP Photo / Aflred de MontesquiouL'usine à gaz de Krechba, dans le Sahara algérien
L'usine à gaz de Krechba, dans le Sahara algérien - Sputnik Afrique, 1920, 25.03.2021
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Dans un entretien accordé à Sputnik, la docteure Ibtissem Hamlaoui, possible candidate aux législatives en Algérie, indique les moyens potentiels dont disposera le prochain gouvernement pour relancer l’économie du pays, assurer sa sécurité alimentaire et énergétique ainsi que conduire une transition réussie vers les énergies renouvelables.

Frappée de plein fouet par la crise économique et financière depuis la chute des prix du pétrole en 2014, l’Algérie fait face à la même situation que celle des années 1990 et ce après avoir dépensé 1.000 milliards de dollars pendant les 20 ans de pouvoir de l’ex-Président déchu Abdelaziz Bouteflika dont plus de 700 milliards de dollars ont financé les importations des biens et services. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, «la croissance économique du pays s’est contractée de 10% en raison du recul des activités dans tous les secteurs, à l’exception de l’agriculture» ce qui a augmenté d’une manière vertigineuse le chômage dans le pays, avait analysé pour Sputnik le docteur Abdelrahmi Bessaha, expert en macroéconomie et en gestion de crises.

Dans ce contexte, alors que les réserves de change du pays sont passées de près de 200 milliards de dollars en 2014 à environ 44 milliards de dollars à fin 2020, le docteur Mourad Preure, expert en énergie, a tiré la sonnette d’alarme, lors d’un passage 23 février sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio nationale algérienne, quant à la situation des gisements de pétrole et de gaz et au recul inquiétant des réserves du pays à cause d’un arrêt des investissements dans la prospection depuis au moins 15 ans.

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Ainsi, alors que l’économie algérienne dépend à presque 98% des exportations en hydrocarbures, que faudrait-il faire pour la relancer tout en la diversifiant? Dans ce cadre, comment allier relance économique, sécurité énergétique et développement d’énergies renouvelables à l’horizon 2050, date supposée du début du basculement significatif des économies d’énergies fossiles vers le renouvelable dans le monde, selon beaucoup d’experts?

Dans le but de répondre à ces questions, Sputnik a sollicité la docteure Ibtissem Hamlaoui, potentielle candidate du Front de libération nationale (FLN) aux élections législatives du 12 juin.

«Les trois questions sont indissociables et doivent être traitées comme un tout»

«Dans l’état où se trouve actuellement l’Algérie, il est tout à fait clair que la question la plus urgente que le prochain gouvernement, qui sera formé à l’issue des élections législatives, devrait prendre à bras le corps est celle de la relance de l’économie pour remettre les gens au travail», affirme Mme Hamlaoui, également présidente du Forum Cœur d’Algérie (FCA).

«Néanmoins, étant donné que l’économie de l’Algérie est dépendante des hydrocarbures, nous nous trouvons face à deux autres problématiques qui se greffent à la précédente: la première consiste à redonner du sang neuf à ce secteur pour assurer une sécurité énergétique et une rentrée en devises pour le pays. La seconde est la nécessité d’opérer une transition énergétique vers les énergies renouvelables à plus faible empreinte carbone, du fait que nos ressources en hydrocarbures ne sont pas éternelles».

«Ainsi, ces trois questions sont indissociables et doivent être traitées comme un tout», explique-t-elle, rappelant que «l’électricité consommée dans le pays provient presque à 100% du gaz naturel, dans un contexte où, à titre d’exemple, en 2020, plus de la moitié de la production de gaz naturel a été consommée localement».

«Le crédit public productif, la clé de voute!»

Alors que l’économie mondiale a été plombée en 2020 par la pandémie de Covid-19, la question fondamentale qui se pose avec acuité «est comment trouver les financements nécessaires pour exécuter un plan de relance en intégrant les trois problématiques ensemble, dans une situation où le pays ne peux compter beaucoup sur une hausse des volumes d’exportations et des prix du pétrole et du gaz sur les marches internationaux, au moins à court terme?», souligne la docteur Hamlaoui.

Ainsi, elle estime que le prochain gouvernement «devrait mettre en place un système de crédit public productif», précisant que pour se faire «il faudrait faire appel aux articles 97 et 139, alinéa 15, de la Constitution».

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L’article 97 dispose qu’«en cas de nécessité impérieuse […] le Président de la République décrète l’état d’urgence [...], pour une durée maximale de 30 jours et prend toutes les mesures nécessaires au rétablissement de la situation. La durée de l’état d’urgence [...] ne peut être prorogée qu’après approbation du parlement siégeant en chambres réunies». L’article 139, alinéa 15, affirme que le parlement légifère sur «le règlement d’émission de la monnaie et le régime des banques, du crédit et des assurances».

Dans ce cas précis, Ibtissem Hamlaoui affirme qu’«il est possible de créer les moyens financiers nécessaires pour une relance sous contrôle du parlement, dans le cadre d’un état d’urgence économique et social décrété et dirigé par le Président de la République pour une durée d’au moins une année, renouvelable si nécessaire».

Comment faire?

Pour étayer son argument, la docteure explique que «les différents ministères présenteront des projets: dans le pétrole, le gaz et la pétrochimie, le bâtiment, les cliniques privées, le matériel médical, les centrales photovoltaïques, l’agriculture, la transformation agroalimentaire, prêts à être lancés immédiatement par des entreprises privées et publiques nationales». «Les études techniques seront transmises à la commission des finances du parlement qui les adoptera, évaluera le total des fonds nécessaires pour leur réalisation et autorisera la Banque d’Algérie à les créer ex nihilo à la demande du Trésor public (à un taux d’intérêt de 2%), qui les avancera à son tour aux banques publiques et privées pour financer les entreprises (à un taux de 5%)», ajoute-t-elle, précisant qu’«il ne s’agit pas du tout de financer les dépenses courantes de l’État tels que les salaires, comme ça été le cas depuis 2017, ce qui crée un effet autobloquant de l’inflation».

Ainsi, «au fur et à mesure que ces projets deviennent rentables, les dettes créées seront remboursées et récupérées par la Banque d’Algérie qui procédera à leur destruction», poursuit-elle, soutenant que «la réussite de ce système est conditionnée par le rétablissement de la planification indicative, une réforme bancaire et fiscale et l’assèchement du secteur informel par la numérisation, le changement des billets de banque et la récupération des fonds détournés notamment à l'étranger».

Quid de la transition énergétique?

Concernant la transition énergétique, l’interlocutrice de Sputnik rappelle avant tout que des pays comme «les États-Unis et l’Allemagne, à titre d’exemple, qui ont pris l’engagement de sortir des énergies fossiles, pour le premier, et du nucléaire, pour le second, se sont rabattus in fine sur le pétrole et le gaz de schiste ainsi que le charbon». «Pour dire qu’en Algérie nous ne pouvons pas sortir rapidement des hydrocarbures alors que près de 100% de notre électricité provient du gaz», explique-t-elle, soulignant que «la transition énergétique ne se fera que progressivement sous peine de provoquer de graves problèmes d’approvisionnements».

Par ailleurs, elle affirme que «le choix stratégique de l’Algérie devrait se porter sur un mix formé essentiellement de l’énergie nucléaire, puis le photovoltaïque, la géothermie, le gaz et le pétrole, sur fond de politique de rationalisation et de lutte contre le gaspillage».
En conclusion, la docteur Ibtissem Hamlaoui affirme que «l’Algérie n’a pas le droit de se tromper sur son modèle énergétique», indiquant que «le critère principal de choix doit être la densité énergétique des systèmes choisis pour fournir une économie de plus en plus grande et intégrée».
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