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Aujourd'hui au programme : Les nouveaux échanges de l'Année croisée Russie - France.Le grand comédien russe Konstantin Raïkine souffle ses 60 bougies.Débats télévisés : les auteurs classiques dans tous leurs états.

 


Les Sibériens sont aux portes de Paris et les ouraliens marchent sur Montpellier

L'Année croisée Russie-France est en marche. Les artistes russes à savoir l'opéra de Novosibirsk et l'Orchestre philharmonique de l'Oural, sont attendus en ce mois de juillet dans cinq villes de France.

Le 7 juillet les danseurs sibériens se sont produits au festival « Été de danse à Paris ». L'Opéra de Novosibirsk qu'on appelle souvent « le Colisée sibérien » eu égard à sa taille énorme, a présenté aux Parisiens trois spectacles de ballet. Il s'agit des classiques : « La Bayadère » de Minkus, « Le Lac des Cygnes » de Tchaïkovski, des ballets en un acte du légendaire Balanchine et un ballet-gala en prime. Tatiana Grinevitch, directrice adjointe du théâtre, a relevé peu avant la tournée que le choix des spectacles avait été fait par la partie française.

L'art académique classique constitue la base de notre répertoire parce que le public en raffole. « Le Lac des Cygnes » de Tchaïkovski » qui a une vie scénique très longue se joue toujours à gichets fermés. Mais nous voulons aussi donner sa place au théâtre dit actuel. Premièrement, il est actuel du point de vue des noms de compositeurs et il serait bon que ceux-ci et les théâtres se rejoignent un jour. Deuxièmement, l'actualité trouve son expression dans les nouvells mises en scène.

« Le Lac des Cygnes » dans sa version de Novosibirsk répond d'ailleurs à un des critères d'actualité. C'est un spectacle de ballet classique que le public parisien a pu voir dans la nouvelle mise en scène d'Igor Zelenski, danseur-étoile du théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg qui dirige par excellence la troupe de ballet de l'opéra de Nobosibirsk. Ce chef-d'oeuvre a été « rafraîchi » à l'occasion du 65ème anniversaire du théâtre célébré cette année. Le metteur en scène a choisi la version tragique du sujet qui est rarement mise à contribution parce l'auteur y a fait périr tous les personnages principaux.

Les danseurs du théâtre de Novosibirsk ont fait plus d'un séjour à Paris, comme, par exemple, l'année dernière dans le cadre du ballet « Macbeth » de Giuseppe Verdi. Il y a aura le « retour » des Français sous forme de tournée de septembre de spectacles de ballet de l'opéra français sur la scène du « Colisée de Novosibirsk ».

Écoutez un morceau des oeuvres d'Astor Piazzolla interprété par l'orchestre ouralien.

La tournée de l'Orchestre philharmonique de l'Oural qui est une des meilleures formations musicales russes, sera le deuxième plus grand évènement de l'étape estivale de l'Année croisée. L'orchestre est basée dans l'ancienne cité de Ekaterinbourg actuellement en pleine expansion. La ville est située à la frontière de l'Europe et de l'Asie. L'orchestre philharmoinique de l'Oural compte lui aussi à son acctif plus d'une tournée, y compris en France où ses concerts ont été enregistrés par « Radio France » et diffusés dans le monde entier par la chaîne « Arte ». Cette année, les « philharmoniques ouraliens » sous la baguette de Dmitri Liss avaient déjà eu le temps de se montrer devant les Français dans le cadre du festival « Les journées folles à Nantes ». Ils avaient alors donné 18 concerts dans une dizaine de villes! Un programme au moins tout aussi encombé attend l'orchestre de Ekaterinbourg du 19 au 31 juillet. Il va se produire dans cinq villes dont Montpellier et Sisteron où se déroulent les festivals populaires de musique classique.

Konstantin Raïkine : le destin est plus fort que nous

Son étoile s'est mise à briller après la sortie du film « Truffaldino de Bergamo ». Comédie musicale inspirée de la pièce de Carlo Goldoni « Le serviteur de deux maîtres ». Konstantin Raïkin qui a joué le rôle principal y a donné la meilleure part de soi-même. Un tourbillon de passions, un volcan, un diable sorti de sa boîte! Et ses danses avec des pas frisant l'impossible aux sons de la chanson « Je suis comme ça! Je n'en fais qu'à ma tête!... » C'était l'expression même de sa personnalité profonde.

C'était encore à l'époque soviétique et voilà que Raïkine, ce comédien populaire, metteur en scène et pédagogue qui dirige le théâtre « Satirikon » faisant partie du top de la capitale russe, a déjà 60 ans.

A cause de son père, le célèbre humoriste Arkadiï Raïkine, Konstantin a failli renoncer au métier d'acteur. Il s'insurgeait contre la prédétermination : « Tu seras sûrement un acteur comme ton père! » A l'école c'était un passionné des sciences exactes. Le premier en mathématiques, il a été admis à l'école de physique et de mathématiques pour enfants doués et se préparaiet sérieusement à entrer à la faculté de biologie de l'Université. A Léningrad (actuellement Saint-Pétersbourg) où vivait la famille, en pleine session d'axemans d'entrée, le voilà qui change brusquement d'avis et file à Moscou participer au concours pour la célèbre école de théâtre Chtchukine. Il y est admis d'emblée, sans le moindre problème! « On ne peut rien contre le destin », a constaté plus tard Raïkine.

Ses études une fois terminées, Raïkine est engagé dans la troupe du théâtre culte de Moscou « Sovremennik ». Il était tout content de pouvor se fixer loin de son père qui dirigeait alors le théâtre de varités et de miniatures à Léningrad. Et pourtant : « Malheureusement, pour la grande majorité des Russes je restais le fils de Raïkine, - se lamentait le continuateur de la dynastie et se ravisait au même instant : Sauf pour ceux qui m'ont vu sur la scène ».

Justement, ceux qui l'ont vu jouer au théâtre étaient subjugués par le talent d'acteur de Raïkine le Jeune! Après avoir interprété en dix ans une quarantaine de rôles au théâtre Sovremennik, il a compris qu'il voulait davantage de liberté pour pouvoir faire les choses de « son cru ». C'est alors qu'il a laissé tomber ses préjugés et a rejoint le théâtre de son père qui seul pouvait donner libre cours à sa verve créatrice. Peu de temps après, le théâtre a déménagé à Moscou et pendant plusieurs années le père et fils ont joué sur la même scène. En 1988, à la mort d'Arkadiï Raïkine, c'est son fils qui s'est chargé de la direction du théâtre désormais connu sous le nom de « Satirikon ».

Ses premières constituent toujours un évènement! Chaque spectacle doit être un succès sinon ce n'est pas la peine de continuer! - affirme son directeur artistique qui s'en prend par la même occasion aux spectacles « au long cours » dont la durée de vie frise parfois vingt ans. « Les heures de gloire d'un spectacle ne peuvent pas durer longtemps. A mesure que le temps passe, le spectacle commence à se disloquer et se meurt doucement comme une plante désséchée. Il vaut mieux faire quelque chose de nouveau », - pense Konstantin Raïkine.

Directeur artistique du théâtre qui dit fièrement son nom, acteur adulé par le public, quatre fois lauréat du Grand prix théâtral national et un vrai père pour ses élèves à l'école-studio MKHAT, sont autant d'atouts qu'il a accumulés pour son 60ème anniversaire. Or, il avoue :

« Je ne suis pas de ceux qui répètent toujours avec aplomb qu'il ne leur arrivera jamais de malheur. J'ai toujours peur. J'ai très peur de l'échec. Pour moi c'est pire que la mort, je vous le jure. L'échec, c'est quand le public déserte le théâtre, c'est un vrai cauchemar. Le théâtre, c'est la vie et l'chec est pire que la mort.

Mais voici le paradoxe : Konstantin Raïkine estime qu'on ne devrait pas éviter par tous les moeys les échecs.

Je crois que le comédien doit absolument subir un échec pour donner la pleine mesure de son talent. Il faut voit ses avances refusées par une femme pour devenir un vrai homme. L'éternel Don Juan n'est pas un homme accompli et il en va de même du comédien qui n'ait subi un échec au moins une fois lors de sa carrière. Il doit boire ce calice d'amertume pour pouvoir s'en sortir après. C'est très important pour avoir le sens de la vie en général. Je suis bien placé pour savoir à quel point l'échec peut faire mal.

Il n'est plus depuis longtemps le fils de son père en ce sens que personne ne dira plus de Konstantin qu'il est « le fils de Raïkine ». Il a réalisé l'ambition de sa jeunesse et a sectionné le cordon ombilical qui le rattachait à son père. En revanche, il a été rattrapé par le destin d'acteur pour la plus grande joie du théâtre et du public.

Les auteurs classiques dans tous leurs états

Khlestakov, cet aventurier et fanfaron, personnage du classique russe Gogol, se retrouve sur un ban-flanc de prison, la Juliette shakespearienne change de sexe pour devenir le jeune homme qui s'appelle Julien, Anna Karenine de Tolstoï apparaît sous les traits d'un androïde, alors que des personnages de Dostoievski mangent de bel appétit la fille dont ils sont amoureux. Ce sont autant d'exemples de lecture provocatrice des oeuvres classiques auxquels nous sommes confrontés presque tous les jours et qui alimenent le débat sur la définition de la notion de classique et sa grille de lecture.

« Le classique est ce que chacun devrait lire et que personne ne lit ». Cette définiton pleine d'esprit donnée par Marc Twain a quasiment pris les apparences d'une vérité amère pour les participants des débats à la chaîne de télévision nationale « Coultoura ». Après avoir constaté que la société n'est pas à la hauteur des oeuvres classiques, ils conviennent que tous les moyens sont bons pour en porter le message au public à condition que le talent soit au rendez-vous. Par contre, les désaccords étaient très vifs concernant les remaniements à la mode des oeuvres classiques au point que d'aucuns les ont qualifiés de « tentatives aux mains sales ». Vladimir Novikov, philologue et professeur de l'Univrsité de Moscou cherche à apaiser les passions.

Dans notre discours les oeuves des classiques apparaissent parfois sous les traits d'une pucelle que nous cherchons à préserver d'un viol, or il n'en est rien du tout, - affirme Vladimir Novikov. - Les oeuvres classiques sont dotées d'une grande vitalité. Parfois elles sont même agressives. Elles font irruption dans notre vie, c'est une cheville ouvrière qui marche à merveille à coups d'interprétations nouvelles qui ne se comptent plus. Il y a deux façons de traiter les oeuvres classiques : respectueuse et pleine de familiarité. L'attitude respectueuse est, par exemple, celle des muséologues que sont respectueux des pièces faisant partie de leurs collections. Par contre, les oeuvres classiques ont une vie active à condition d'être traitées avec familiarité parce qu'il faut se rappeler qu'il y a le mot famille à l'origine. Si les parents d'un enfant sont « sur un bon pied » avec les classiques, leur rejeton le sera lui aussi.

Et pourtant, on ne devrait pas « bafouer » les classiques, pense Alexandre Gradski, musicien rock de renom et défenseur de la pureté des interprétations. « Faire porter un bikini à la Vénus de Milo ne signifie pas encore doner à l'antiquité un coup de modernité », - pensent ceux qui sont solidaires avec le musicien. Le compositeur Dmitri Kourliandski qu'on appelle « le pilier d'une nouvelle génération d'avant-garde musicale » serait également de cet avis mais ses arguments sont d'un genre particulier.

J'ai une vision optimiste du devenir de la musique classique dans la société de l'information, - raconte Dmitri. Après tout, de son vivant Mozart ne pouvait se prévaloir de l'auditoire qu'il a aujourd'hui. Pourtant, l'art classique est un art élitaire et fait sur mesure si bien que les tentatives d'y initier les masses en font un spam. Il ne s'agit pas de faire aimer Bach ou Mozart par le plus grand nombre. Le fait de poser le problème de cette façon nous rend dépendants des lois de la société de consommation orientée sur les cotes de popularité. Le vrai problème est ailleurs : en nous limitant à l'actualisation ou à une nouvelle lecture de l'ancien, nous éliminons ce qui est réellement nouveau.

La journaliste Elena Yakovleva abonde dans le même sens en affirmant que la vogue de la modernité fait vivre les oeuvres classiques.

Les œuvres classiques sont celles qui durent. Je dirais même que c'est une tentative de conférer la pérennité à ce qui a été crée par l'homme. D'un côté, elle est entachée de fragilité parce qu'une bombe en ferait table rase. Mais, d'un autre côté, elle est dotée d'une grande vitalité parce qu'elle se joue même des clivages civilisationnels. Tenez, le Japon du Moyen Age n'existe plus depuis longtemps mais Murasaki Sikibu et Seisi Nagon demeurent toujours de grandes écrivaines pour nous. Je me risque même à proposer le critère qui fournit le clé de cet espace de pérennité. Je crois que pour devenir classique, l'oeuvre doit être hypermoderne. Il est évident pour tous que le sujet d'Anna Karenine était hypermoderne en Russie à la fin du XIXème siécle, quand Tolstoï écrivait son roman. Alors la modernité est synonyme de pérennité.

L'ardeur des débats sur les classiques, - fait remarquer l'éditrice Irina Prokhorova, ne devrait pas nous faire oublier que la vie bouge et que ce thème ne sera plus d'actualité demain : « Il y fort à parier que d'ici cinquante ans la notion même de « clasique » s'effacera devant une autre forme d'expression artistique et culturelle au moins tout aussi significative et importante »...

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