Un cauchemar epistolaire

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Il y a des coïcidences quasi mystiques. A Moscou, on découvre le film « Maître et Marguerite » tourné il y a 18 ans et jamais projeté pour des obscures raisons de droits.

Il y a des coïcidences quasi mystiques. A Moscou, on découvre le film « Maître et Marguerite » tourné il y a 18 ans et jamais projeté pour des obscures raisons de droits. A Vincennes, le Théâtre de la Tempête inspiré par les pages du célèbre roman, imagine un dialogue aussi bouleversant qu’improbable entre l’artiste et le pouvoir, à savoir entre Boulgakov et Staline. Un dialogue qui se veut « vaudeville totalitaire » intitulé en plus « Lettres d’amour à Staline ». Pour l’auteur de la pièce, l’espagnol  Juan Mayorga, l’histoire réelle offre des situations extrêmes qui permettent de représenter, sous des formes intenses, des expériences humaines universelles. Car à la base, il y a certes un fait historique : en 1929, Boulgakov  écrit à Staline pour lui demander le droit de quitter l’URSS. « Je n’ai plus le courage d’exister dans une atmosphère de traque, je sais désormais qu’à l’intérieur de l’URSS il m’est interdit de publier mes livres ou de faire jouer mes pièces ; mes nerfs sont dérangés ; je m’adresse donc à vous pour vous demander d’intervenir en ma faveur auprès du gouvernement de l’URSS : que l’on m’expulse d’URSS en compagnie de ma femme qui se joint à moi pour appuyer ma demande ». Le 18 avril 1930, le dictateur passe un coup de fil, mais la conversation est interrompue.  Commence alors une interminable attente et une descente aux enfers, car dans la pièce, Mikhaïl Boulgakov devient un malade, un homme pitoyable, incapable d’imaginer autre chose qu’un monde cynique, qui lui dicte sa destinée.

Tel est le choix des auteurs qui rendent l’écrivain très dépendant du dictateur mais dépendant d’une façon étrange : les deux sont liés par une sorte d’amour desctructeur. Mayorga livre une méditation sur la nécessité pour l’artiste d’être aimé du pouvoir – nécessité aussi forte que celle du pouvoir à être aimé de l’artiste». Éthique, mensonge, trahison, imposture – tout intéresse le dramatruge et le théâtre dans cette histoire ou les accents sont volontairement subjectifs, personnels. Allant jusqu’à l’improbable, le fantasmagorique, comme la fusion  de madame Boulgakova avec le dictateur depuis qu’elle a proposé à son mari d’imiter Staline pour calculer ses réactions et agir en conséquence. Pourtant, les lois du réel ne s’appliquent pas ici. Comme le Maître, héros de son œuvre majeure, Boulgakov échoue dans un monde parallèle alors que son interlocuteur prend l’aspect d’un psychiatre geôlier, autre incarnation du diable.

Cette ressemblance de la vie de l’artiste avec un cauchemar permet aux auteurs une liberté de choix : cruauté et grotesque pirouettent. Néanmoins, la fin est prédéterminée. On sait d’emblée que la voie est sans issue. Non parce qu’on connaît l’histoire vraie, mais parce que l’absurde a trop duré.

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