Syrie une opération se prépare

Syrie une opération se prépare
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Le geste de trop, c’est comme ça qu’est qualifié l’attaque à l’arme chimique faite en Syrie la semaine dernière. Ca veut clairement dire que les Etats Unis et certains pays Européens veulent apporter une réponse à la hauteur de ce geste. François Hollande s’est dit prêt à intervenir en Syrie, mais le président voudrait se limiter à une intervention aérienne stratégique. Cette annonce du chef de l’état intervient alors que d’après des derniers sondages les Français étaient en majorité défavorables à un conflit en Syrie. Didier Billion directeur adjoint de l’institut de relations internationales et stratégiques nous a éclairé sur la position de la France dans ce conflit :

Pour resituer un peu le contexte après les soupçons d’attaque à l’arme chimique en Syrie, notamment les Etats Unis sont sur le point de rentrer dans un conflit militaire. Mais dans cette situation quelle est la position de la France ?

La position de la France est une position assez « va-t-en-guerre » ça ce n’est d’ailleurs pas une nouveauté, ça fait plusieurs mois déjà. Que ça soit à l’époque de Sarkozy ou plus récemment avec la présidence Hollande, il y a une volonté de mettre à bas le régime Al Assad. Dans les derniers mois on avait constaté qu’à plusieurs reprises la France allait livrer des armes aux rebelles, ce que la France n’a jamais fait ou l’a fait de façon très minime, parce que à chaque fois les services de renseignement français qui sont sur place lui ont fait comprendre qu’il y a un véritable danger de dissémination de ces livraisons d’armes vers les groupes les plus extrémistes, les plus radicaux etc. En tout cas on constate que la politique extérieure de la France sur ce sujet, est une position contre le régime de Bachar Al Assad et évidemment ces derniers jours et mercredi notamment avec cette histoire d’arme chimique, la France est monté au créneau sur une ligne d’intervention militaire. Dès le lendemain matin Laurent Fabius expliquait que vu la gravité de la situation il fallait une solution de force. Et on a d’ailleurs quelques éléments, qui nous disent que depuis il y a eu quelques coups de fils entre Paris, Washington et Londres, sur une ligne de mise en place militaire. Celle-ci n’est pas actée, parce que les choses ne sont pas actées, parce que les inspecteurs de l’ONU sont en train de faire leur travail sur place. Parce que s’il est avéré qu’il y a eu utilisation d’armes chimiques et on ne sait pas par ailleurs par qui elles ont été utilisées. Ceci est assez compliqué pour justifier une intervention militaire, d’autant que l’on sait bien qu’on aura pas l’aval de l’ONU, donc c’est faire fi du droit international et de la légalité internationale. Malgré ça la France est encore une fois sur une position très intransigeante et très « va-t-en-guerre ».

 

Donc même sans l’accord de l’ONU, la France serait prête à intervenir en Syrie?

 

C’est un problème que l’on connait depuis des mois et des années maintenant, c’est que de toute façon il n’y aura pas de vote du conseil de l’ONU, puisque la Russie et la Chine s’opposent à une hypothétique intervention militaire. Donc dans l’hypothèse où il y a une intervention militaire, celle-ci ne peut s’imaginer qu’en dehors du cadre de l’ONU. Ce qui pose un certain nombre de problèmes de principe. Certains font la comparaison avec la situation yougoslave, quand il y avait une attaque contre la Serbie sans mandat de l’ONU. Je crois que comparaison n’est pas raison, puisque les situations sont très différentes, mais sur la méthode en tout cas, la France qui avait tant critiqué il y a dix ans, l’intervention de Georges Bush contre l’Irak, sans aucun mandat de l’ONU, aujourd’hui se retrouve dans une situation comparable. C’est à dire, si il y a une intervention, ça poserait problème du point de vue de ce qui théoriquement doit constituer les normes de fonctionnement de la scène internationale. Je penses donc que la France, la Grande Bretagne, les Etats Unis et éventuellement quelques autres, sont dans une logique très dangereuse, parce que ça rajoute du chaos au chaos et le plus grave c’est que dans l’hypothèse d’une intervention, ça ne réglerait aucunement la situation Syrienne, je suis persuadé que seul une solution politique peut sortir la Syrie du chaos dans laquelle elle se trouve actuellement, il n’y aura pas de solution strictement militaire, ni interne, ni extérieure et le danger c’est que le désordre et le chaos syrien peuvent s’étendre à d’autres pays, si il y a une intervention militaire. Evidemment tout le monde pense au Liban, qui est un pays fragile, qui est un pays de la ligne de front, qui est un pays qui connait des attentats à répétition depuis quelques jours et qui prennent de l’ampleur. Si il y a une intervention militaire, je crains fort que ça ne s’étende au Liban, peut être à la Jordanie, qui est un état très affaibli aujourd’hui, ça aggraverait considérablement la stabilité politique au moyen Orient.

 

La France n’est elle pas consciente de ce fait, qu’une intervention militaire ne ressouderait aucunement le problème, il y a déjà eu la leçon de la Lybie, avec l’installation d’un régime islamiste?

 

Moi je considère qu’en Lybie c’est plus qu’un régime islamiste, c’est l’anarchie la plus noire et visiblement nous ne sommes pas dans une période de stabilisation. Mais le problème de la France, ça a commencé avec Sarkozy, mais il y a une continuité avec Hollande, c’est que dès le départ les responsables politiques français, considèrent la situation syrienne avec des lunettes qui simplifient radicalement la situation. C’est à dire que si je caricature un peu, il y a d’un coté les bons et d’un autre coté les méchants. La France ne cesse de répéter que le régime de Bachar Al Assad va tomber, au printemps 2011, le régime d’Assad avait à peine quelques semaines devant lui. Nous sommes deux ans plus tard et non seulement le régime de Bachar Al Assad est toujours présent, mais en plus il a montré au cours de ces dernières semaines et de ces derniers mois la capacité à reprendre l’offensive militaire et de modifier les rapports de force militaires. Je pense que la France et quelques autres s’arrêtent à une vision simpliste et donc totalement erronée de la réalité syrienne. A partir du moment où l’on considère que d’un coté il y a les bons et de l’autre les méchants, alors on considère que c’est notre devoir de chasser le méchant Tiran. Alors je n’ai pas personnellement une grande sympathie pour Bachar Al Assad, c’est que si le régime de Bachar Al Assad venait à s’écrouler alors vient se poser le problème de la suite, or la suite aujourd’hui, quand on regarde l’état des oppositions, je pense que ça serait encore pire que la situation actuelle. Ce qui est regrettable, c’est que la France est incapable de se projeter sur le moyen terme, on dirait que la politique extérieure de la France sur ce dossier, c’est du coup par coup, c’est de la réaction émotive aux événements sans aucune capacité de projection sur les six mois, un, deux ou trois ans à venir. Je crains fort qu’une partie des responsables français, tout à leur simplisme ne comprennent pas les dangers de l’accroissement de la crise dans tout le moyen orient, si il y avait une intervention militaire. C’est tragique à dire, mais je pense que l’on est dans une logique tellement simpliste que les choses ne sont pas mesurées à l’aune des dangers qu’une telle intervention représenterait. C’est triste à dire, mais on en est là.

 

Vous pensez que c’est vraiment une vision simpliste ou c’est de la mauvaise foi pour pousser au conflit voulu par les Etats Unis?

 

Franchement je n’ai pas beaucoup de sympathie pour la politique des américains au proche orient et dans le monde. En dépit des déclarations d’Obama, qui a dit qu’il y a des lignes rouges, qu’il ne faudra pas dépasser, on a compris qu’il avait nulle envie qu’il y ait une intervention militaire en Syrie. En fonction des intérêts des Etats Unis, il comprenait qu’il y avait un véritable danger pour ces intérêts et qu’il y a l’exemple Irakien et Afghan où les Etats Unis ont quand même laissés quelques plumes. Donc je pense qu’Obama, ne restait pas jusqu’à ces derniers jours sur une ligne d’intervention. Sur ce dossier, je ne crois pas qu’il y ait un alignement des Français sur les Etats Unis. On peut même considérer que ce sont les Français et les Britanniques qui sont les plus radicaux et qui en rajoutent systématiquement - on va livrer des armes aux rebelles, on va faire une intervention militaire…

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