75% d’imposition sur les entreprises

75% d’imposition sur les entreprises
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Voté récemment à l’assemblée nationale le projet de budget 2014 prévoit une nouvelle version de la fameuse loi sur les 75% d’imposition des plus hauts revenus.

Depuis longtemps oubliée cette mesure phare de la campagne présidentielle de François Hollande, bloquée par le conseil constitutionnel revoit le jour sous une autre forme. Dans le nouveau projet la taxe s’applique aux entreprises et non aux contribuables, cette différence à priori infime fait déjà hurler certaines entreprises et notamment les clubs de football français. Jean-Philippe Delsol avocat fiscaliste et administrateur délégué de l’institut de recherche économique et fiscale, nous a expliqué quels seront les résultats de cette nouvelle loi si elle arrive cette fois à passer la barrière du conseil constitutionnel, chose dont il n’est pas du tout convaincu :

La Voix de la Russie : C’est un peu un « déjà vu », on a vu presque la même réforme se faire refuser par le conseil constitutionnel, qu’est ce qui change cette année alors ?

Jean-Philippe Delsol : En réalité les modalités de l’imposition ont changé puisque au lieu d’imposer le bénéficiaire de la rémunération à 75% au-delà de 1 million d’euros, la surtaxe pour atteindre les 75% va être payé par la société qui rémunère le cadre supérieur concerné. En réalité le résultat sera exactement le même. Ce que nous constatons c’est que la majorité socialiste joue pour les 75% comme pour beaucoup d’autres impôts à un jeu qui consiste à savoir – comment détourner les avis du conseil constitutionnel ? – et c’est assez scandaleux parce que en quelque sorte c’est une atteinte aux décisions du conseil constitutionnel, c’est à dire que d’une certaine manière c’est un détournement de l’état de droit.

LVdlR : Pourquoi cet acharnement sur cette loi ? Pourquoi le gouvernement veut la faire passer alors que tout le monde sait que le profit sera minimum et en plus ça donne une image assez médiocre du gouvernement en place ?

Jean-Philippe Delsol : Le profit attendu est annoncé à 260 millions d’euros, ce qui déjà en soi est tout à fait minime, par rapport au montant global du produit de l’impôt. Ca relève d’un acharnement idéologique, Monsieur Hollande avait promit ça au détour d’un discours de campagne et il veut s’y tenir aujourd’hui et il veut s’y tenir d’autant plus que pour le reste la politique économique du gouvernement socialiste est en train d’échouer, il s’accroche à cette décision qui est un symbole et donc une décision politique.

LVdlR : Vous avez dit 260 millions, mais c’est une estimation. Quand on parle des entreprises qui vont être taxées à 75%, pour une entreprise c’est assez facile de ne pas payer cet impôt vu qu’elles peuvent délocaliser ces dépenses…

Jean-Philippe Delsol : Vous avez raison, c’est l’effet qu’on appelle l’effet Laffer, c’est à dire qu’au delà d’un certain taux d’imposition les contribuables s’organisent pour ne payer cet impôt. On va assister évidemment à ce type de phénomène, c’est à dire que là ou mathématiquement les ordinateurs du ministère des finances en France calcule un rendement de 250 millions par rapport aux rémunérations qu’ils connaissent il va y avoir un trou et le rendement va être très inférieur, parce que les gens vont s’organiser. Donc c’est un impôt stupide, c’est un impôt qui va peut être couter plus cher, voir beaucoup plus cher en terme de recouvrement, de contrôle etc. que ce qu’il rapportera, ce n’est véritablement qu’un impôt idéologique. Il y en a d’autres – la taxe sur les transactions financières - la France s’est voulue à la pointe des pays développés pour mettre en place une taxe sur les transactions financières et elle l’a faite l’an dernier. On attendait pour 2013 un rendement de 1,6 milliards et le rendement sera au mieux de 700 millions, c’est à dire moins de 50%. Du fait de cette taxe, les gens sont simplement allés faire leurs achats d’actions, d’obligations ailleurs qu’en France.

LVdlR : Ca va toucher fortement les clubs de football français, il y a certains clubs qui disent que ça sera une catastrophe pour eux parce qu’ils sont déficitaires, du coup on va taxer des entreprises qui sont déficitaires.

Jean-Philippe Delsol : Effectivement les clubs de football ne sont pas dans une bonne situation financière à part quelque uns qui ont des financements particuliers d’actionnaires riches. Mais globalement le foot est en situation difficile et là on va taxer des niveaux qui seront au niveau du plafond qui a été fixé pour eux de 5% du chiffre d’affaire. Une taxe supplémentaire qui frappe non pas 5% de leur résultat, mais 5% de leur chiffe d’affaire. Imaginez si l’on frappe demain l’entreprise Renault, Alcatel… à 5% de leur chiffre d’affaire, toutes ces entreprises seront en très grande difficulté si elles avaient à supporter un impôt de cette sorte.

LVdlR : Vous pensez que cette loi va passer l’étape du conseil constitutionnel ?

Jean-Philippe Delsol : Si le conseil est fidèle à ce qu’il a déjà décidé l’an dernier lorsqu’il s’est prononcé sur la loi de finance 2013, le conseil constitutionnel devrait logiquement rejeter cette disposition de la loi de finance pour 2014. Mais c’est la raison pour laquelle le gouvernement a formulé un projet de loi qu’il est en train de faire adopter par le parlement, qui essaye de mettre de la confusion en disant – non on augmente pas le taux d’imposition du particulier, mais on taxe l’entreprise et donc il y a deux impôts et non un seul, d’un coté le contribuable et de l’autre l’entreprise – en essayent ainsi de tromper en quelque sorte le conseil constitutionnel.

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