Les viticulteurs français vont en Sibérie

Les viticulteurs français vont en Sibérie
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Les vins français gagnent du terrain en Russie en devenant un produit courant pour beaucoup de consommateurs locaux.

Mais il reste encore des potentialités inexploitées. La preuve, la Journée des vins français en Russie organisée par la mission d’Ubifrance à Moscou et à Novossibirsk. Cette année, 45 producteurs et exportateurs de vins sont venus en Russie pour présenter leur art aux professionnels de la branche. Des contrats sont en prévision. Cependant le sujet n’est pas si spécial et peut intéresser un large public. C’est qu’il possède un côté sociologique instructif. Vous allez comprendre lequel. Les habitudes des Russes en consommation de vins sont-elles en train de bouger? Combien est-on prêt à débourser à Moscou pour une bouteille d’un bon vin? Les producteurs français espèrent-ils trouver en Russie un nouvel Eldorado? Pour avoir la réponse à toutes ces questions je me suis adressé à Mme Natalia Chtykalo, chef de Pôle Agrotech à Ubifrance Moscou. C’est son service qui a organisé la journée des vins français. Journée est à sa quatrième édition…

Natalia Chtykalo. En effet, c’est pour la 4-e fois consécutive qu’on organise ce type de manifestiations dans le vin. Par exemple, l’année passée c’était Moscou et St-Petersbourg. Et cette année, on va découvrir avec nos exposants français la ville de Novossibirsk. Chaque fois c’est le principe d’une mini-dégustation, mini-exposition itinérante. Notre objectif principal est de faire venir les primo-exportateurs et les exposants qui ont déjà un courant d’affaires avec les Russes. Pour la première catégorie c’est de leur faire rencontrer des acheteurs russes potentiellement intéressés par les nouveaux fournisseurs de France. Pour la deuxième catégorie, c’est d’assurer la visibilité et la présence sur le marché qui devient de plus en plus concurrentiel.

VdlR. Et quelle est la situation des vins français sur le marché russe ?

N.C. Pour l’instant, les vins français sont toujours premiers en termes de volume, surtout les vins tranquilles. Pour les vins pétillants, la situation a un peu changé à cause des actions de promotion des vins italiens. Prosecco devient vraiment le leader pour tout ce qui est vin pétillant. Mais bien évidemment il y a toujours le créneau très important qui est occupé par le champagne. Les Russes deviennent des amateurs de plus en plus avisés des bulles nobles en provenance de France. Et tout ce qui est segment haut de gamme va toujours appartenir à ces nobles boissons de France.

VdlR. Vous connaissez les goûts des Russes. Quelles sont leurs marques et leurs régions préférées?

N.C. Pour les régions c’est toujours les vins de Bordeaux avec une préférence pour les rouges. Mais toute à l’heure, il y a eu quelques intervenants qui ont pris la parole devant nos exposants français qui considèrent que les tendances sont en train de changer. Il y a de plus en plus de public qui a une préférence pour les blancs et pour les rosés, ce qui est totalement nouveau comme phénomène. Pendant la période estivale, les jeunes Russes apprécient beaucoup le rosé, ce qui est vraiment un phénomène qu’on n’a pas connu il y a quelques années. Ensuite en termes de régions et de connaissance par les Russes des régions, Bordeaux est suivi par la Bourgogne. L’Alsace gagne en popularité. Les Côtes du Rhône et les vins de la Loire sont beaucoup appréciés par les connaisseurs... On peut dire que la plupart des régions viticoles françaises sont bien connues. Même la Corse, grâce à deux manifestations qu’on a organisées l’année passée et cette année, commence à être présente sur les rayons des magasins Azbouka vkoussa.

VdlR. C’est une chaîne de supermarchés...

N.C. C’est une chaîne de supermarchés qui ont des caves Vinotekadestinées à un public qui a des moyens, qui peut facilement consommer des vins autour de 20, 30, voire plus euros, et c’est une consommation régulière.

VdlR. Vous avez bien compris, chers auditeurs, qu’il s’agit de clients intéressants et qui font preuve de fidélité. Mais ce serait aussi curieux d’entendre maintenant un producteur français, en train de découvrir le marché russe. Qu’attend-il de cette expérience? Je descends dans la salle de dégustation et pose mes questions à M. Christophe Mosbach, un viticulteur qui vient d’Alsace.

Christophe Mosbach. On est une exploitation familiale qui se trouve à Marlenheim. C’est le premier village de la route des vins d’Alsace, à 25 kms de Strasbourg. On est vignerons de père en fils depuis le XVIe siècle, plus exactement depuis 1577. Nous travaillons encore de façon traditionnelle, c’est à dire qu’on a encore de très vieux tonneaux qui ont plus de 100 ans. On travaille finalement comme l’ont fait nos grands parents. Nos vins sont des vins typiques alsaciens qu’on ne vend qu’aux gens de la région, aux touristes et aux restaurateurs. On ne veut pas vendre aux supermarchés parce que souvent les supermarchés achètent un prix et ne s’intéressent pas du tout au vin. Et ce n’est pas du tout notre politique. Nos vins sont distribués parmi les meilleurs restaurants de France et d’Europe et c’est ce qui fait notre fierté.

VdlR. C’est la première fois que vous venez en Russie? Qu’est ce que vous espérez de cette visite?

C.M. J’espère que mes vins soient référencés dans des restaurants en Russie, dans des magasins de vins, c’est à dire, plutôt dans des épiceries fines, mais pas dans les grandes surfaces. Je ne m’intéresse pas à vendre du volume. Je tiens à fidéliser une clientèle parce que mes produits sont vraiment typiques. On fait vraiment tout de A à Z. C’est des produits que je n’ai pas vus dans les étalages ici, dans les magasins de Moscou. J’ai vu beaucoup de vins provenant des coopératives. Et les vins d’un producteur, pour l’instant je n’en ai pas vus.

VdlR. Vous avez une expérience dans d’autres pays?

C.M. Surtout en Europe du Nord, Allemagne, Benelux, Danemark… On est en Corée du Sud mais je tenais vraiment à venir ici, à Moscou, déjà parce que pour moi c’est un peu une passion personnelle, la découverte de la Russie. J’en ai profité d’allier l’utile et l’agréable. C’est pour ça que je suis venu. C’est la première fois que je démarche pour vendre mes vins. Ce n’est pas mon métier, je suis viticulteur. Et la Russie c’était pour moi le premier pays où je tenais vraiment à faire découvrir mes vins.

VdlR. Je dois dire qu’il y a vraiment beaucoup de monde devant votre stand.

C.M. J’ai l’impression. Il est 16 heures et pratiquement toutes mes bouteilles sont vides. Ça n’arrête pas, les gens passent et globalement j’ai de bons commentaires. J’ai ramené du foie gras fait maison ce qui va très bien avec mon vin le Gewurztraminer. Et faire justement cette association avec mes vins, je pense que cela intéressera le public russe. La faire partager avec eux c’est vraiment ce que je voulais. Ça a l’air de plaire.

VdlR.Après Moscou l’aventure de la découverte du marché russe doit mener Christophe à Novossibirsk. Souhaitons-lui bonne chance et revenons à notre entretien avec Mme Natalia Chtykalo, chef de Pôle Agrotech à Ubifrance Moscou. Justement, ce qui est intéressant c’est que les vins français arrivent en province russe. Il n’y a plus que les deux capitales concernées. Mais est-ce que le processus est facile? Quels sont les premiers résultats?

Natalia Chtykalo. Pour nous, par exemple, Novossibirsk c’est en quelque sorte un challenge. Comme c’est une ville avec 1 million 500 mille habitants, la proximité de la Chine, l’importance de cette ville en tant que zone industrielle et agricole, tout porte à croire que les vins français sont demandés là-bas. Il y a déjà des points de vente tels que Metro, Cash and carry, Auchan. Il y a une restauration qui est bien développé. Il y a quelques bars à vin qu’on peut citer et dans la ville elle-même et dans les villes avoisinantes, comme Barnaoul, Kemerovo. Malgré le fait que traditionnellement que les Russes consomment beaucoup de vodka, il y a tout un engouement pour les boissons plus nobles et les vins français font partie de cette catégorie des boissons.

VdlR. Prenons le cas d’un producteur de vins ou, par exemple, de foie gras, qui aimerait tenter une chance sur le marché russe, y compris en Sibérie. Quelles sont les démarches à faire?

N.C. C’est téléphoner ou écrire du Pôle Agrotech Ubifrance à Moscou. On a une équipe qui est toujours à l’écoute attentive des demandes des fournisseurs français. On traite les demandes individuelles et les demandes collectives. Cela peut être une approche régionale. Un exemple, on a fait cette année pour l’Union des grands crus de Bordeaux une belle opération de promotion. On va en refaire une autre, en 2014. Sinon n’importe quel entrepreneur individuel peut nous solliciter pour l’organisation d’un programme de rendez-vous. Du coup, en fonction des prix, de la région, on va identifier les prospects russes, on va téléphoner à ces prospects pour fixer un programme de rendez-vous. Et c’est au Français de se déplacer et d’honorer le rendez-vous pris par le Pôle Agrotech avant sa venue.

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