Affaire Dieudonné. Quenelle pour quenelle

Affaire Dieudonné. Quenelle pour quenelle
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Hystérique, frôlant l’irrationnel, la campagne anti-Dieudonné bat son plein au point d’éveiller quelques soupçons de premier ordre.

Le Réseau Voltaire a récemment repris un article de Mme Diana Johnstone, une édifiante analyse publiée aux USA où l’humoriste ne laisse pas si insensible que cela les grands milieux médiatiques. Selon Mme Johnstone, « La Bête Noire de l’establishment français » s’est attirée les foudres de la bien-pensance républicaine pour s’en être pris à la LICRA, donc, au sacré, à l’infaillible par définition. Dieudonné l’antisémite, Dieudonné le négationniste, Dieudonné le contempteur de la cause juive. Ce point de vue semble être tout ce qu’il y a de plus pertinent mais à un détail près signifié par l’immense bourde du Nouvel Observateur.

Comment se fait-il qu’un hebdomadaire aussi sérieux que le Nouvel Observateur ait pu amalgamer les personnalités respectives de Dieudonné, de Zemmour et de Finkielkraut, ces deux derniers étant juifs, l’un, juif d’origine berbère, l’autre, juif d’origine polonaise par son père ? Et Dieudo M’bala M’bala là dedans ? Cherchez l’erreur. Certes, les trois intellectuels en question – car les humoristes de talent sont aussi des intellectuels – appartiennent de près ou de loin à la mouvance identitaire diabolisée par le PS. Ceci dit, l’identitarisme n’est pas un courant proscrit par le droit français ce qui se confirme par les prises de parole régulières de Zemmour à qui l’on accorde encore et toujours une tribune, par l’existence d’un Renaud Camus ou d’un Damien Rieux qui, quoiqu’avec peine, arrivent malgré tout à véhiculer leurs idées sans être incarcérés.

Certes, le délit d’opinion est une triste réalité dont l’actualité n’a jamais été aussi déroutante. Certes, toute remise en question des faits relatifs à la Shoah est passible de cinq ans de prison et d’une amende à faire pâlir Crésus. Mais peut-on dire que Dieudonné a remis en cause la Shoah en niant la réalité des faits ? Non, à ma connaissance. Peut-on comparer sa sémantique à celle, mettons, d’Hervé Ryssen qui lui purge une peine de deux mois pour menaces contre Delanoë ? Non, je ne crois pas. Peut-on dire que ce chouchou des communautés banlieusardes qu’il représente par son côté métissé, son rejet assez subtilement enrobé de l’exclusivisme juif et sa défense de l’islam modéré puisse être trempé dans cet identitarisme pur et dur qui fait sursauter la gauche ? Là encore, non et trois fois non. Cette dernière question, rhétorique, donne une piste de réflexion qui pourrait mener très loin si dans le fond elle n’était aussi délicate. En effet, on a plus d’une fois entendu Dieudonné tancer la politique israélienne, notamment le traitement infligé aux Palestiniens ghettoïsés de la bande de Gaza. Que je sache, la critique d’un régime quel qu’il soit, en l’occurrence, celui de Shimon Peres, ne relève nullement d’un dérapage xénophobe. Or, il est vrai que la France est le seul pays de l’UE où la critique de la politique menée par le gouvernement israélien est passible des pires poursuites y compris au moyen de ce que Pascal Boniface a qualifié en 2001 de terrorisme intellectuel. La censure dont Dieudo est frappé fait sans doute partie de cet arsenal terroriste.

Une autre hypothèse exprimée il y a peu sur le blog de Kader Hamiche, essayiste et polémiste franco-algérien pointe le doigt sur le lien qui existe entre l’humoriste et Jean-Marie Le Pen, parrain de son troisième enfant. L’effervescence anti-Dieudonné, ne vise-t-elle pas à re-diaboliser le FN en exhibant un type « immonde », à la fois solidaire des sombres causes des banlieues mal (ou pas du tout) intégrées et du clan lepeniste ? De quoi embrouiller encore plus les Français.

Enfin, puisque nous en sommes à faire le tour des hypothèses, comment ne pas soulever celle qui a été particulièrement bien exploitée par Louis Laurent, Bête Noire, lui aussi, des libéraux belges et qui consiste à affirmer que Le Mur, spectacle farouchement censuré à l’initiative (entre autres) de Manuel Valls, dénonce pour la première fois la pédophilie d’Etat organisée en réseaux internationaux. Mais pourquoi Manuel Valls, lui qui n’a aucun lien avec ce genre de pratique ? Pourquoi est-ce que le Ministre de l’Intérieur s’y met avec tant de verve ? Au nom de quels hauts fonctionnaires ? Il est également à se demander pourquoi Philippe Tesson, doyen du journalisme français, fondateur du Quotidien de Paris, octogénaire paisible, regrette l’abolition de la peine de mort pour des gens comme Dieudonné qu’il qualifie de … bête. Pourquoi une telle animosité de la part d’une personne pourtant peu encline à l’agressivité ?

Trop de questions restent non élucidées. Ce qui cependant est clair, c’est que Dieudonné, cet ancien militant proche de la gauche, ce rejeton talentueux d’un multiculturalisme élevé au rang d’idéologie, a définitivement déçu ceux qui voulaient voir en lui l’une des incarnations les plus éloquentes du socialisme flamboyant. Pourtant, Dieudonné M’Bala M’Bala a juste fait preuve de réalisme. Il a juste osé dire sur scène, à sa façon à lui, ce qui commence à crever la rétine par son évidence. Même la quenelle qui n’est autre qu’un bras d’honneur au régime et qu’il a gracieusement arboré là où le contexte y était propice a été immédiatement interprété comme un salut nazi à l’envers. Comme quoi, n’importe quel jeu sur les notions est permis quand il s’agit de maintenir le peu d’électorat qui reste en prorogeant un régime de moins en moins cohérent. M. Valls et les intellos du parti dominant ont vite riposté avec leur quenelle à eux faisant de Dieudo un martyr de la pensée dissidente. Sauf que, ipso facto, la quenelle dieudonniste est plus convaincante au regard des Français.

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