François Hollande laisse passer une occasion historique

François Hollande laisse passer une occasion historique
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Le premier sommet Franco-Britannique depuis l’investiture de François Hollande s’est déroulé la semaine dernière près d’Oxford.

C’était une rencontre entre le président français et le premier ministre britannique placée sous le signe du développement du partenariat militaire. Mais il était clair dès le début pour les experts que David Cameron va profiter de l’occasion pour lancer une discussion sur l’Union Européenne. Et bien que la rencontre se soit déroulée sur un ton très cordial, les deux chefs d’état n’ont pas trouvé de terrain d’entente sur cette question de l’UE. Jacques Sapir directeur d’études à l’école des hautes études en sciences sociales à Paris est revenue pour nous sur cette question de réforme de l’Union évoquée par le premier ministre britannique :

Cette réforme de l’Union Européenne notamment proposée par David Cameron, quelle est votre position dessus sur le sujet ? Est-ce que l’Union Européenne a vraiment besoin d’être réformée ?

Que l’Union Européenne ait besoin d’être réformée est une évidence absolue, il est clair qu’un certain nombre de dispositions européennes ne correspondent plus ou n’ont jamais correspondu à la réalité des pays qui composent l’Union Européenne. Le problème c’est qu’il faut comprendre c’est que si aujourd’hui David Cameron se réveille sur cette question de l’Union Européenne c’est parce qu’il est pressé par une situation interne à la Grande Bretagne, ce que l’on appelle un agenda intérieure et qu’il craint que le parti eurosceptique UKIP arrive en tête ou arrive en deuxième position aux élections du parlement européen. Il y a pour David Cameron une urgence à poser cette question, mais cette question doit être posée néanmoins, quelque soit la situation politique.

La position anglaise on la comprend bien, mais dans cette histoire quelle doit être la France vis à vis de cette proposition ?

Si la France avait un gouvernement intelligent, elle pourrait accompagner la Grande Bretagne et faire avancer les idées importantes, comme l’idée de faire réformer Schengen, réformer le droit à la concurrence, obtenir le droit pour les pays européens à suspendre à certains moments le droit à la concurrence, ce que demande Arnaud Montebourg, demander à ce que la banque centrale européenne soit mise sous contrôle politique de l’Union Européenne. Nous aurions en réalité avantage à s’allier avec les Britanniques, mais ce qu’il faut craindre et ce qu’il faut constater c’est que François Hollande préfère coller à l’Allemagne et Madame Merkel, plutôt que d’avancer les choses qui travailleraient pour les intérêts de la France.

En parlant de cette concurrence que prône le ministre Anglais, est-ce que ça ne va pas à l’encontre de la notion d’une Union, que de faire jouer la concurrence à l’intérieur de cette Union même ?

Il est clair que les idées avancées par la Grande Bretagne ne sont pas exactement les idées qui pourraient être avancées par la France, mais les Anglais auraient besoin de la France pour faire passer une partie de leurs idées et donc de ce point de vue on pourrait espérer que nos deux pays arrivent à s’entendre sur une base de réformes minimales, les Anglais faisant des concessions et nous-mêmes faisant des concessions. En fait en refusant la main tendue par David Cameron, François Hollande ne sert pas les intérêts de la France. Après se pose une autre question, c’est est-ce que l’on peut faire fonctionner 28 pays dans un cadre unique et est-ce que l’Union Européenne ne fonctionnerait-elle pas mieux si elle fonctionnait dans un système de cercles concentriques, ce qui est la logique des choses depuis un certain nombre d’années, mais c’est une logique qui est directement refusée par la France. Nous avons une partie de l’Europe qui fait partie de l’Euro et une qui n’en fait pas partie, c’est déjà un cercle concentrique, c’est déjà une Europe à deux cercles. Il y a une partie de l’Union Européenne qui a adopté les accords de Schengen et une autre qui bloque sur la question, voilà encore une autre division de l’Europe. En réalité il y aura de multiples divisions de l’Europe et qui s’expliquent pour une raison simple, c’est qu’il y a des peuples des nations qui composent l’Europe, comme ces nations ont des intérêts qui sont par moment divergents, plutôt que de les nier il vaut mieux organiser le fonctionnement de ces intérêts divergents en faisant fonctionner une Europe par cercles concentriques.

Quelles seraient ses réformes qu’il faudrait faire en premier lieu pour cette Union Européenne ?

Si l’on se mettait d’accord sur le fait qu’il faut réformer il faudrait évidemment appeler à des mesures de suspensions d’un certain nombre de mesures européennes. Ca ne veut pas dire une annulation. Le droit de la concurrence peut être une chose très utile, mais il peut être aussi une chose très destructive et il est clair qu’il faut autoriser des membres de l’Union Européenne, la France aujourd’hui et peut être demain l’Allemagne à ne pas appliquer ces réglementations pendant une période de 1, 2, 3 ou 4 ans. Même chose sur la question du commerce extérieur et du protectionnisme. Le temps est venu de donner beaucoup de souplesse à l’organisation européenne et je répète François Hollande a manqué une occasion historique en ne saisissant pas la perche qui lui a été tendue par David Cameron.

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