Conférence anti-EI à Paris finie, on attend du concret

© AFP 2023 Ahmed DeebRebel fighters from the Islamic Front, Syria's largest rebel coalition, hold a position on July 13, 2014 during clashes with militants of the Islamic State (IS), formerly known as the Islamic State in Iraq and the Levant (ISIL)
Rebel fighters from the Islamic Front, Syria's largest rebel coalition, hold a position on July 13, 2014 during clashes with militants of the Islamic State (IS), formerly known as the Islamic State in Iraq and the Levant (ISIL) - Sputnik Afrique
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On l’attendait comme une manne, cette réunion le 2 juin à Paris pour faire le point sur la lutte contre l'EI en Irak et en Syrie.

On se faisait peur presque tous les jours avec les publications dans les medias. On élevait la prise de Palmyre au rang d'un symbole visible de la frontière transgressée à tout jamais entre la civilisation et la barbarie. On posait toutes les espérances sur les membres de la coalition internationale.

Syrian men walk on a street covered with dust in Damascus - Sputnik Afrique
Rencontre de la coalition : le dessous des cartes
Résultat officiel: la coalition anti- djihadistes, dirigée par les États-Unis, a apporté son soutien au plan irakien pour reconquérir ses territoires sous domination de l'Etat Islamique. Le secrétaire d'État américain adjoint Antony Blinken a jugé, à l'issue d'une réunion ministérielle internationale, que c'était un « bon plan militairement et politiquement ».

Cette attitude optimiste n'était pas du gout de tout le monde, pourtant. Juste avant le début de la conférence, nous avons recueilli l'opinion d'Ali Dani, rédacteur en chef du « Le Journal du Forkane» qui considère que cette conférence aurait pour objectif d'appuyer Bachar el-Assad. « En disant que si effectivement il y a des groupes terroristes, tels que Daesh, ISIL ou le front Al-Nosra qui commettent des atrocités, — précise Ali Dasni, — il ne faut pas oublier que Bachar el-Assad massacre son peuple. Donc on n'avance pas, on ne peut pas avancer dans cette situation étant donné que nous avons entendu Erdogan en Turquie, Obama aux Etats Unis et même Laurent Fabius en France, affirmer haut et fort qu'ils veulent continuer à aider les groupes qui sont opposés à Bachar el-Assad. Et ils ajoutent, pour l'opinion publique occidentale, qu'ils vont le faire en faisant attention à ce que les armes ne tombent pas dans les mains d'extrémistes mais dans celles des groupes modérés.

Laurent Fabius - Sputnik Afrique
Fabius: pas de victoire sur l'EI en Irak sans transition politique en Syrie
Sur le terrain, comment différencier les groupes extrémistes et modérés? Je ne sais pas. Il s'agit de la poudre aux yeux ».

Opinion tranchée, mais totalement dans la compréhension visionnaire de la conférence parisienne. Dans sa déclaration commune, la coalition a noté « de la détérioration continue de la situation en Syrie ainsi que de l'incapacité et de l'absence de volonté du régime de Bachar el-Assad de lutter contre Daech » Il nous reste d'attendre les premières livraisons d'armes et le résultat de celles-ci.

On ne peut pas s'empêcher de se demander s'il existe une perspective concrète de parvenir à réguler la situation en Irak et en Syrie? Ou est-ce cette conférence est encore une fois une occasion de se retrouver pour échanger des opinions sans parvenir à des solutions concrètes?

« Une question quelque peu troublante qui apparait quelques fois dans les médias, — nous livre son opinion Thomas Flichy de la Neuville, politologue et historien, membre du Centre Roland Mousnier, — on se dit, on écrit, on entend, « est-ce que finalement cette conférence va permettre de résoudre la situation?» Ou bien « comment se fait-il pour que nous n'ayons pas encore vaincu l'Etat Islamique? » Je crois que cette question est très naïve, parce que la coalition qui a été rassemblée autour des Etats-Unis contre l'Etat Islamique rassemble en réalité des Etats qui ont des positions très différentes. Cette coalition n'inclue pas les adversaires irréductibles de l'Etat Islamique que sont la Syrie, la Russie, l'Iran. Par conséquent, si l'Etat Islamique existe aujourd'hui c'est parce qu'il y a des puissances qui ont intérêt à son existence. Pour la conférence, malheureusement je doute qu'elle apporte grand-chose à cette guerre qui est d'ores et déjà un échec pour les Etats-Unis».

Security forces defend their headquarters against attacks by Islamic State extremists during sand storm in the eastern part of Ramadi, the capital of Anbar province, 115 kilometers (70 miles) west of Baghdad, Iraq, Thursday, May 14, 2015 - Sputnik Afrique
EI: l'Irak appelle la coalition US à changer de stratégie de lutte
Au vu de la coalition anti-EI c'est presque normale que la Russie n'y soit jamais associée, car elle est considérée par certains pays de la coalition en tant qu'ennemi en soi. D'autres la considèrent comme pays qui doit être lui-même « éduqué ». Avec le congre parisien, nous avons une opération de communication mais nous n'avons pas de vraie stratégie. « Nous avons d'autant moins de stratégique que le leader de la coalition est en panne de stratégie, — certifie Thomas Flichy de la Neuville, — d'une part Obama cherche à se rapprocher de l'Iran, en même temps le congrès travaille dans l'autre sens. Ces positions antagonistes génèrent le chaos et rendent impossible aux Etats de suivre une politique qui est devenue chaotique»
On a compris, les Etats-Unis essaient d'englober dans leur idée d'autres pays, sans leur proposer une autre stratégie. Mais les autres pays sont-ils obligés de suivre les Etats-Unis sur cette voie? Les Etats-Unis ont une grande force de frappe, de feu, une expérience également dans les stratégies de communication, mais il est temps peut-être pour les autres pays de s'organiser entre eux afin de mieux combattre Daesh.

« Je pense que c'est possible, plus — nécessaire! — nous soutient dans cette idée Thomas Flichy de la Neuville, politologue et historien, membre du Centre Roland Mousnier, — Mais le problème des états européens est certainement un problème d'identité, d'affirmation de soi, de croyance en soi. Cela les empêche de s'affirmer sur la scène internationale et de faire prévaloir une politique véritablement européenne, politique de modération et d'équilibre et de paix. Historiquement l'Europe a été un vecteur de stabilisation et de paix. C'est une nécessité, mais qui ne peut se faire qu'à plusieurs et elle ne peut se faire que si nous nous pensons comme une civilisation spontanée. Cette politique doit s'enraciner dans l'histoire de notre civilisation».

A file picture taken on March 14, 2014 shows Syrian citizens walking in the ancient oasis city of Palmyra, 215 kilometres northeast of Damascus. Islamic State (IS) group jihadists, who boast of having destroyed ancient sites in Iraq, threatened the ancient jewel of Palmyra, a UNESCO heritage site in the Syrian desert, on May 14, 2015 - Sputnik Afrique
Mogherini: l'EI commet des crimes de guerre à Palmyre
La coalition des pays anti-EI compte sur le processus politique en Syrie et Irak. Ce processus suppose la création d'un gouvernement transitoire qui inclurait des représentants de l'opposition et du régime en place.

Mais en regardant le déroulement d'évènements sur le terrain dans le Proche Orient ce sont surtout les paroles de Freud écrits en 1929 qui viennent à l'esprit: « Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine » Un siècle plus tard, nous en sommes toujours là, hélas…

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