Erdogan à Alger, pourra-t-il booster l’économie et régler les divergences géopolitiques?

© AFP 2023 Ryad KramdiErdogan lors de sa visite en Algérie
Erdogan lors de sa visite en Algérie - Sputnik Afrique
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L’Algérie et la Turquie sont à nouveau devant leur destin commun. Depuis lundi, le Président turc y est en visite officielle de deux jours. Cette visite sera une occasion d’approfondir le partenariat économique, mais aussi de discuter des questions de géopolitiques dont les vues divergent entre les deux pays. Analyse.

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Le Président turc, Recep Tayyip Erdogan, est en visite officielle de deux jours en Algérie, depuis lundi, à la demande de son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika. Des questions d'intérêts communs, à savoir dans le domaine économique et de la formation, sont au menu des négociations entre les deux parties. En effet, à son arrivée, le lundi soir à Alger, le Président turc et le Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, ont présidé une séance de signature de sept accords de partenariat et de coopération et mémorandums d'entente, dans les secteurs des hydrocarbures, de l'agriculture, du tourisme, de l'enseignement supérieur, de la culture et de la diplomatie.

«Nous faisons confiance à l'économie algérienne, c'est pour cette raison qu'environ 1.000 entreprises turques opèrent aujourd'hui en Algérie», a déclaré le chef d'État turc, ce mardi, au quotidien algérien Echorouk El Yaoumi. «L'Algérie est l'un de nos plus grands partenaires commerciaux en Afrique. Et les entreprises turques comptent parmi les plus grands investisseurs étrangers en Algérie avec un total de 3,5 milliards de dollars», a-t-il ajouté.

Les deux pays, qui sont liés par un traité d'amitié et de coopération depuis mai 2006, envisagent d'approfondir encore plus leurs relations commerciales. Cependant, c'est sur les questions régionales et internationales, en particulier la situation en Syrie et en Libye, la lutte contre le terrorisme et la radicalisation que des divergences de vues peuvent jeter le glas sur les relations des deux États. Alors quel équilibre, entre la politique et l'économie, qu'Alger et Ankara envisagent de trouver, pour insuffler une nouvelle dynamique à leur partenariat?

L'économie, locomotive du partenariat stratégique algéro-turc

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En ce moment même, les travaux du forum algéro-turc sont en cours à Alger, avec la présence des dirigeants Recep Tayyip Erdogan et Ahmed Ouyahia, ainsi que plusieurs ministres et pas moins de 200 hommes d'affaires des deux pays, opérant dans les secteurs de l' industrie du textile, de l'agroalimentaire, de la pétrochimie, de l'électronique et de l'électroménager… qui pourraient, à en croire l'optimisme exprimé par les deux parties, aboutir à la signature de nouveaux contrats de partenariat.

Selon les medias locaux, les entreprises turques, présentes en Algérie, emploient environ 30.000 personnes. Un chiffre rendu possible par les investissements directs que ces entreprises ont effectué ces dernières années. Rien qu'en 2016, un milliard de dollars a été injecté dans l'économie algérienne, selon un rapport rendu public par le conseiller économique de l'ambassade turque en Algérie, Bahadir Erkan, le 26 avril 2017 en marge d'une rencontre algéro-turque organisée par la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (CACI).

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Pour le Président turc, cité par le quotidien Echorouk El Yaoumi, certains obstacles devraient être levés pour donner du sang neuf aux échanges commerciaux, à savoir le dispositif des quotas et des licences d'importation adopté par l'Algérie.

«Le dispositif des quotas et des licences d'importation en Algérie influe négativement sur nos relations commerciales. Ces mesures font que l'Algérie importe plus chers les produits dont elle a besoin de l'Union européenne au lieu de la Turquie […]. Nous sommes prêts à fournir ces marchandises en meilleure qualité, avec des prix plus bas», a expliqué le chef d'État turc.

Tout en plaidant pour un élargissement des secteurs de coopération, Recep Tayyip Erdogan a exprimé, dans un entretien au quotidien Echorouk El Yaoumi, sa complète compréhension au gouvernement algérien, qui traverse une crise financière suite à la chute des prix des hydrocarbures, en l'assurant de la disponibilité de son pays à accompagner l'Algérie dans sa stratégie de diversification de son économie.

«Nous sommes conscients de tous les défis économiques qu'affronte l'Algérie en raison de la chute des prix de l'énergie. Nous sommes prêts à accorder tout le soutien qu'il faut pour dépasser ce problème», a assuré le Président turc au quotidien algérien.

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Du point de vue d'Ankara, qui déploie une stratégie ambitieuse en direction de l'Afrique, Alger est un passage extrêmement important avec lequel il va falloir compter. «L'Algérie est un pays important qui dispose de ressources considérables en gaz naturel et en pétrole et exerce une influence non-négligeable sur le continent africain», a déclaré le journaliste Zekeriya Kursun, observateur politique du grand quotidien progouvernemental turc Yeni Safak, pour qui l'élargissement de la coopération entre la Turquie et l'Algérie sur le plan politique et dans d'autres domaines produira un effet positif aussi bien sur les positions turques en Afrique que sur le poids de l'Algérie dans la région.

Les questions qui fâchent

Du côté turc, le même enthousiasme, que dans le domaine économique, est exprimé concernant les possibilités de régler les questions politiques. Les forts liens historiques entre les deux nations sont évoqués, pour assoir une base pour un dialogue serein entre les deux États.

«Les fondements des liens historiques et culturels entre la Turquie et l'Algérie ont été jetés à l'époque de la régence d'Alger entre 1516 et les années 1830. Les relations diplomatiques, qui ont été établies entre deux pays après l'indépendance de l'Algérie de la France en 1962, se sont renforcées grâce à l'ouverture en 1963 d'une ambassade de la Turquie à Alger et aujourd'hui elles se développent sur la base saine de l'amitié et de la fraternité», écrit le quotidien national turc Sabah.

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Or, à Alger, on ne regarde pas l'Histoire de la même façon. Et pour preuve, les propos échangés par Recep Tayyip Erdogan et Ahmed Ouyahia, en janvier 2012, tous les deux en qualité de Premier ministre, concernant des déclarations faites par le dirigeant turc, en décembre 2011, à l'égard de la France, l'accusant de génocide en Algérie durant la période coloniale, au moment où le parlement français adoptait la loi sur le génocide arménien.

«Nous disons à nos amis [turcs, ndlr] de cesser de faire de la colonisation de l'Algérie un fonds de commerce», avait déclaré à la presse M.Ouyahia à l'issue d'une réunion de la direction de son parti, le Rassemblement national démocratique (RND). «Chacun est libre dans la défense de ses intérêts, mais personne n'a le droit de faire du sang des Algériens un fonds de commerce», a-t-il ajouté.

Et de remonter un peu plus dans l'Histoire, le responsable algérien a rappelé que la Turquie «avait voté à l'Onu contre la question algérienne de 1954 à 1962» pendant la guerre d'indépendance contre la France.

«La Turquie qui était membre de l'Otan pendant la guerre d'Algérie, et qui l'est encore, avait participé comme membre de cette Alliance à fournir des moyens militaires à la France dans sa guerre en Algérie», avait-il expliqué.

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Les deux hommes sont en tête à tête, sur fond d'une bonne dynamique dans le domaine économique, pour discuter des désaccords politiques qui continuent d'entraver les relations algéro-turques. À savoir la question du Sahara occidental, dans laquelle la Turquie apporte son soutien à la monarchie marocaine. L'appartenance à l'Otan, et la participation à la destruction de Libye et de la Syrie. Et enfin le soutien apporté aux mouvements islamistes lors des événements des «Printemps arabes», qui ont secoué certains pays arabes, qui aux yeux d'Alger a contribué au développement du terrorisme et de la radicalisation.

Sur toutes les questions évoquées ci-dessus, l'Algérie a une position tranchée. En effet, lors de son entretien avec son homologue turque jugé «positif et dense», à Ankara, le jeudi 23 février, sur les situations de crises et de conflits au Mali et au Sahel, en Libye, en Syrie ainsi que la question palestinienne, le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a réaffirmé la position d'Alger en faveur de:

«la promotion de solutions politiques à ces crises, dans le respect de la souveraineté des États et de leur intégrité territoriale, de la volonté des peuples et sans ingérence étrangère».

La visite de Recep Tayyip Erdogan en Algérie serait donc une occasion pour que toutes ces questions épineuses soient abordées.

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