38e anniversaire du «printemps berbère» en Algérie : acquis et défis

© AFP 2023 Fadel SennaLe drapeau amazigh
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Le 20 avril 2018 marque le 38e anniversaire du «printemps berbère» en Algérie. Cette année, l’occasion sera fêtée dans tout le pays du fait de la reconnaissance, en mars 2016 dans le journal officiel, de la langue berbère comme langue nationale et officielle. Cependant des défis restent à relever par les Algériens.

Le 7 février 2016, le Parlement algérien a adopté une révision de la Constitution qui accorde à la langue berbère, le tamazight, le statut de langue nationale et officielle de l'État algérien au côté de la langue arabe. Cette reconnaissance est le fruit d'un combat politique non violent e toute une génération de berbérophones, qui a commencé le 20 avril 1980.

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Aujourd'hui, l'Algérie entière célèbre le 38e anniversaire du «printemps berbère» avec des festivités, des expositions, des conférences et des projections de films en kabyle (dialecte berbère) qui retracent l'histoire millénaire du peuple et de la culture berbères. Ces manifestations marquent ainsi un changement fondamental dans la société algérienne, qui adopte de plus en plus le principe de la diversité culturelle et linguistique.

Aux origines du 20 avril 1980

Tout a commencé le 10 mars 1980, lorsque les autorités de la wilaya de Tizi-Ouzou ont interdit la tenue d'une conférence sur la poésie berbère ancienne qui devait être organisée à l'université de la ville et animée par l'anthropologue et écrivain kabyle Mouloud Mammeri. Après des manifestations et actions de protestations durant plusieurs jours, une grève générale a été décidée par les meneurs et les militants de la cause berbère le 18 avril dans toute la ville de Tizi-Ouzou. Dans la nuit du 19 au 20 avril, les forces de l'ordre ont donné l'assaut l'Université et repris son contrôle ainsi que de tous les autres sites publics (hôpitaux, lycées et usines) provoquant la mort de 32 personnes et l'arrestation de plusieurs dizaines d'autres.

​Au cours des 36 années qui ont suivi, le combat pour la reconnaissance et l'officialisation de la langue et de la culture berbère s'est organisé dans toute la Kabylie. Partis politiques, syndicats et associations ont repris les revendications des militants du printemps 1980 et se sont joints au Mouvement culturel berbère, le MCB, formé après les événements et qui devenu le porte-drapeau de la cause.

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«Cela nous rappelle tous ceux qui se sont sacrifiés pour qu'aujourd'hui cette revendication soit concrétisée. Aujourd'hui, ce sont ceux qui combattaient Tamazight hier qui demandent sa promotion aujourd'hui. C'est paradoxal. Il faudra reconnaître que le combat de nos aînés et de nous-mêmes n'a pas été vain. Le tamazight est langue nationale et officielle. Qui aurait dit un jour que le Sénat dont je suis élu discute du tamazight?», a déclaré le sénateur, peintre et écrivain, Hocine Haroun, militant de la première heure de la cause berbère, dans une conférence animée, le 18 avril, au Centre de formation professionnelle, Krim Said, de Draâ El-Mizan à l'occasion de la célébration du 38e anniversaire des événements du 20 avril 1980. «Après la constitutionnalisation du tamazight, le premier jour de l'an amazigh (Yennayer) a été décrété fête nationale et jour férié mais payée. C'est extraordinaire. Mouloud Mammeri à qui la conférence avait été interdite sur les poèmes kabyles anciens est réhabilité. Le pouvoir a donc reconnu qu'il y avait faute et que cet homme était méprisé», a-t-il ajouté.

​​Il faut noter que la lutte pour la reconnaissance de la langue et de la culture berbère s'est diffusée aux autres pays du Maghreb, comme la Tunisie, la Libye en plus de l'Égypte, après les événements du printemps arabe. C'est au Maroc que le mouvement est plus ancien. «L'amazighité (langue et culture berbère) est un facteur d'unité et d'homogénéité pour les peuples maghrébins, de même qu'elle constitue un élément fédérateur des composantes des peuples de la région», a souligné Nacer Djabi, sociologue dans un entretien donné ce vendredi au quotidien El Watan. «Mais on ne parle jamais de mouvement amazight unifié… La revendication est la même dans tous les pays d'Afrique du Nord. Les différents mouvements s'écoutent entre eux. Les mouvements algérien et marocain sont un exemple pour les autres, à l'exception de certains détails».

Après la reconnaissance, les défis à relever

L'enseignement de la langue berbère dans toutes les écoles à l'échelle nationale et son intégration dans les différentes administrations du pays est le plus grand défi auquel sont confrontés les spécialistes de cette langue dans les années à venir. Bien que depuis 1990 les autorités algériennes aient ouvert des départements de langue et culture amazighes à l'Université de Tizi-Ouzou, puis à Bejaïa, en 1992, qui forment les enseignants et qui mènent les recherches nécessaires pour le développement de la langue, on est encore loin des exigences de son introduction dans les institutions de l'État.

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La constitutionnalisation du tamazight comme langue nationale et officielle «nous met aujourd'hui devant des défis qui se posent (….) aux chercheurs, appelés à prendre entièrement leurs responsabilités pour faire un travail dans le cadre de théories scientifiques et méthodes qualitatives pour son enseignement», a affirmé Dourari Abderezak, professeur des sciences du langage et de tautologie et directeur du Centre national pédagogique et linguistique de l'enseignement du tamazight (CNPLET), dans un entretien donné le 19 avril à l'APS. Selon lui, «il est nécessaire de faire un travail de "normalisation" de la langue qui lui permettra d'intégrer les différentes institutions de l'Etat et de la société», a-t-il ajouté.

Un autre défi est celui de cimenter l'unité nationale en faisant de la langue et de la culture berbères un moyen de renforcer les liens entre tous les Algériens. Car en ce moment, des appels à l'émancipation de la Kabylie de la tutelle du pouvoir central d'Alger sont propagés par le Mouvement de l'autonomie de la Kabylie, le MAK, dirigé par Ferhat Mhenni, l'un des militants de la première heure de la cause berbère, et qui a créé un gouvernement provisoire kabyle en France pour revendiquer l'indépendance de la région. Pour l'instant ce mouvement n'a pas vraiment trouvé d'écho massif en Kabylie, cependant il continue à mobiliser et à poser la question de l'indépendance d'une façon de plus en plus accrue, bien que la majorité des Algériens soient pour une Algérie une et indivisible.

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