Grigori Perelman, génie russe indifférent à la gloire

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Par Boris Kaïmakov, RIA Novosti

Nous avons parfois l'impression que plus rien ne peut nous étonner. Eh bien, détrompons-nous. Originaire de Saint-Pétersbourg, le Russe Grigori Perelman a brillamment remporté le défi lancé par Henri Poincaré, allant jusqu'à pénétrer les secrets de la création divine. Bouleversant le monde entier, le chercheur s'est vu attribuer la médaille Fields, le "Nobel des mathématiques", agrémentée d'une prime d'un million de dollars. Mais - le monde n'en revient toujours pas - le génie russe a renoncé à la gloire mondaine et s'est enfermé dans son petit appartement de la banlieue de Saint-Pétersbourg, comme s'il disait: je n'ai pas besoin de la médaille ni de l'argent et, plongé dans l'infini, je m'extasie devant ma propre découverte.

Digne fils de son père dont les manuels de physique ont servi de tremplin à tous les spécialistes de cette science, il est aussi le digne fils de la science mathématique russe qui s'est forgée une solide réputation dans la communauté mondiale. La Russie a toujours chéri ses mathématiciens, et son système d'enseignement des mathématiques fut l'un des meilleurs du monde. Les olympiades mathématiques d'importance locale, régionale et nationale réunissaient les meilleurs élèves qui revenaient chez eux bardés de diplômes et de prix et s'étant taillé un créneau, quoique minuscule, dans la communauté mathématique. L'école russe, Grigori Perelman en a connu toutes les étapes. Parmi les lauréats de l'olympiade nationale, il a été envoyé en 1982 à une olympiade internationale où il n'a pas trouvé d'égal. Le jeune Grigori a alors décroché une médaille d'or. Il avait 16 ans et n'a pas refusé la distinction.

En Union soviétique, il existait un réseau d'écoles secondaires spécialisées dans les mathématiques et la physique, placées sous la tutelle des meilleures universités, dont l'administration n'hésitait pas à téléphoner aux parents des meilleurs élèves pour leur proposer de rembourser entièrement les frais de scolarité. Ce système persiste partiellement jusqu'à nos jours, et il arrive que d'excellents élèves s'inscrivent à l'université en évitant le concours d'entrée. Si la communauté mathématique russe continue à soigner ses talents, la science ne mourra jamais sur nos terres. En effet, Grigori Perelman est rentré en Russie après avoir étudié dans plusieurs universités américaines pour rejoindre l'institut Steklov de Saint-Pétersbourg.

Evitons d'idéaliser la communauté mathématique où l'on trouve des passions plus violentes que celles entourant les premières danseuses du Bolchoï. Quand Grigori Perelman a publié en 2002 son premier article sur la "conjoncture de Poincaré", il doutait lui-même, semble-t-il, de la justesse de ses preuves. Un génie doute toujours, jamais un esprit médiocre. Et il a passé quatre longues années à attendre la reconnaissance de ses preuves. On voit bien que ses confrères n'étaient pas pressés. Le verdict a été signé par les trois meilleurs mathématiciens du monde: Gang Tian, Bruce Kleiner et John Lott. Soucieux de chaque pouce de leur réputation scientifique, les chercheurs ont annoncé que malgré quelques imprécisions ou erreurs peu signifiantes les preuves de Perelman étaient correctes.

La nouvelle a sidéré le monde entier, aussi bien les initiés que les profanes. Marcus du Sautoy, de l'université d'Oxford, estime que la "conjoncture de Poincaré" est "un problème central des mathématiques et de la physique, une tentative de comprendre la forme de l'Univers". Et Grigori Perelman l'a comprise. La presse spécialisée internationale est aujourd'hui unanime à affirmer qu'en démontrant la "conjoncture de Poincaré", Grigori Perelman s'est hissé parmi les grands génies du passé et du présent.

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