Victoire conservatrice en Alberta, mauvais présage pour Trudeau et l'unité canadienne

© AFP 2023 Don EmmertAlberta, Canada
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Dans la province d'Alberta, au Canada, les conservateurs ont remporté une victoire décisive. Le Parti conservateur uni de Jason Kenney a battu la gauche libérale, incarnée par le désormais ex-Premier ministre, Rachel Notley. Un vent conservateur souffle d'est en ouest au Canada, ce qui risque fortement de nuire à Justin Trudeau. Compte rendu.

«Quelle journée incroyable pour l'Alberta! L'enfer est sur son départ et l'espoir revient», a lancé le conservateur Jason Kenney.

Derrière cette envolée lyrique, la victoire du Parti conservateur uni (PCU) sur la gauche libérale aux élections provinciales. Au-delà de l'enthousiasme de celui qui terminait sa toute première campagne comme chef de ce parti, la victoire du PCU sur le Nouveau parti démocratique (NPD) en Alberta, dans l'Ouest canadien, n'est pas une franche surprise pour les observateurs avertis.

D'ailleurs, dans la soirée du 16 avril, le Premier ministre, Rachel Notley, a reconnu assez tôt sa défaite. Mme Notley devient la première dirigeante de la province à ne pas enchaîner deux mandats de suite.

Jason Kenney est un ex-ministre fédéral (2013-2015) du gouvernement conservateur du Premier ministre Stephen Harper, qui est resté au pouvoir de 2006 à 2015. L'ancien Premier ministre était présent avec sa famille au rassemblement du PCU, à Calgary, métropole de la province albertaine. Il faut préciser que l'Alberta demeure le principal foyer du conservatisme au pays de l'érable.

Signe de l'alliance naturelle entre conservateurs albertains et fédéraux, l'actuel chef du Parti conservateur canadien, Andrew Scheer, a officiellement appuyé M. Kenney. Lors d'un rassemblement à Calgary, M. Scheer avait laissé entendre que le Premier ministre sortant, Rachel Notley et Justin Trudeau, avaient le même programme politique.

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Une Alberta «forte et libre»

C'est sur un pick-up que Jason Kenney a fait son apparition dans la salle où l'attendaient les militants conservateurs. Ce choix est hautement symbolique. Celui dont le slogan électoral était «Alberta Strong and Free» (une Alberta forte et libre) a promis de relancer l'industrie pétrolière, notamment avec la construction de pipelines. Une industrie qui demeure le principal moteur économique de la province, mais qui est très controversée: la méthode d'extraction des sables bitumineux est considérée comme l'une des plus polluantes au monde.

Durant toute sa campagne, Kenney a tablé sur le thème de la relance économique, dans un contexte où les Albertains ont l'impression de soutenir financièrement leurs compatriotes des autres provinces. De nombreux Albertains estiment que les autres provinces profitent de leur industrie pétrolière tout en évitant de se salir les mains. Jason Kenny dénonce fermement la taxe sur le carbone, accusée de nuire à la qualité de vie de la classe moyenne. Depuis plusieurs mois déjà, les Gilets jaunes canadiens manifestent d'ailleurs contre cette taxe écologique.

Kenney a promis de revoir en partie le système péréquation, un système qui redistribue les recettes fédérales à travers tout le Canada. Ces vingt dernières années, l'Alberta est devenue une province extrêmement riche grâce à ses réserves pétrolières. Elle redistribue d'importes sommes d'argent aux autres provinces canadiennes par le biais de ce système. Une situation qui profite notamment au Québec, une province considérée plus pauvre. Alberta First, telle est la philosophie de Jason Kenney.

«Nous avons élu un gouvernement qui défendra les intérêts de l'Alberta et obtiendra une entente juste pour l'Alberta dans ce grand pays», a averti M. Kenney dans le même discours.

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En remettant en question le système de péréquation, le Premier ministre désigné s'attaquait à l'un des symboles forts de l'unité canadienne. Il accuse Justin Trudeau, le Québec et des groupes écologistes de nuire gravement à l'économie albertaine (et ipso facto canadienne) en bloquant la construction d'oléoducs.

«Nous vendons au rabais notre pétrole aux Américains. Nous perdons des milliards de dollars que nous pourrions utiliser pour construire des écoles. Des milliers d'emplois sont perdus», a déclaré Jason Kenney durant son discours de victoire.

Le rejet de certains projets d'oléoducs par les autres Canadiens a créé beaucoup de frustration en Alberta. Pour cette raison, il s'est presque développé un sentiment indépendantiste dans cette province anglophone. Dans son discours de victoire, M. Kenney a demandé au Québec de revoir sa position sur les projets d'oléoducs. Il a promis au Québec de l'aider à «développer ses ressources naturelles et son économie» s'il se montrait davantage ouvert à l'industrie pétrolière albertaine.

«Si le Québec et les autres provinces veulent accepter les transferts fiscaux massifs provenant de l'Alberta, alors s'il vous plaît, aidez-nous à développer nos ressources naturelles et notre économie», a plaidé le chef conservateur.

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En français durant son discours, M. Kenney a aussi dit avoir «énormément de respect pour le Premier ministre François Legault». Malgré ces politesses, Jason Kenney s'est rapidement buté à une fin de non-recevoir. Le lendemain, François Legault a fait savoir qu'il ne reverrait pas sa décision d'empêcher la construction d'un nouvel oléoduc au Québec. Le Premier ministre québécois estime qu'il n'y a aucune «acceptabilité sociale» pour ce projet, malgré ses potentielles retombées économiques.

L'élection de Jason Kenney en Alberta pourrait donc affaiblir l'unité canadienne, déjà fragilisée par d'incessants débats sur la place du Québec au sein de la fédération. Non seulement des conflits interprovinciaux sont probables, mais les Albertains pourraient bien finir par ravir aux Québécois leur titre de mouton noir de la fédération.

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Pour Justin Trudeau, Premier ministre canadien, il s'agit également d'une énorme défaite à l'approche des élections fédérales, car le conservatisme est bel et bien de retour. En juin 2018, l'Ontario élisait le chef du Parti progressiste-conservateur Doug Ford au poste de Premier ministre, autre signe de l'essoufflement des libéraux canadiens.

 

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