Droits linguistiques: au Canada, «les francophones sont prêts à se serrer les coudes»

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En Ontario, au Canada, des services et structures publics francophones ont été menacés fin 2018. Une grande mobilisation avait suivi pour défendre les droits des francophones. Depuis, la francophonie canadienne se porte mieux, mais tout n’est pas encore gagné, selon Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario. Entrevue.

Au Canada, les francophones vivant hors du Québec connaîtront peut-être une meilleure année que la précédente… En novembre 2018, le Premier ministre conservateur de l’Ontario, Doug Ford, avait annoncé qu’il allait suspendre le projet d’université française en Ontario, un projet très important pour les Franco-Ontariens. Le même jour, il annonçait que le Commissariat aux services en français serait supprimé, un organisme emblématique de leurs droits. Au pays de l’érable, les francophones sont majoritaires au Québec, mais minoritaires dans les neuf autres provinces.

Une grande mobilisation a suivi les annonces controversées de Ford. Depuis 1997, aucune mobilisation franco-canadienne n’avait rassemblé autant de personnes. Le combat des Franco-Ontariens a connu un écho important au Québec, province pourtant quelque peu coupée du reste de la francophonie canadienne. La mobilisation a aussi fait l’objet de divers reportages dans les médias internationaux. Le 1er décembre 2018 a été un sommet pour les Franco-Ontariens, jour d’une nouvelle manifestation historique.

​Le Premier ministre Ford dit avoir pris acte de ces revendications, mais n’a pas reculé sur l’essentiel. Le commissariat aux services en français n’a pas été aboli, mais a perdu son autonomie en étant fusionné au bureau de l’ombudsman de l’Ontario. Chargé de veiller à la bonne gouvernance, cet organisme est loin d’être spécialement voué à la défense du français. Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Carol Jolin, dénonce cette décision entrée en vigueur le 1er mai dernier.

«Nous allons continuer à revendiquer un commissariat totalement indépendant. […] Nous n’avons plus le contrôle sur le budget, parce que c’est l’ombudsman qui le dirige. Nous n’avons pas le contrôle sur les ressources humaines, parce que ça revient à l’ombudsman. On peut avoir un ombudsman favorable [à la protection du français, ndlr], mais dans deux ans, une personne avec une autre vision pourrait arriver. Nous avons dit à l’ombudsman actuel, M. Daniel Dubé, que nous allions collaborer avec lui, mais aussi continuer nos revendications pour un commissaire totalement indépendant», a expliqué Carol Jolin au micro de Sputnik.

L’organisation de M. Jolin invite les Franco-Ontariens à continuer à porter plainte lorsqu’ils se sentent lésés. Compte tenu de l’abolition du commissariat, les francophones doivent emprunter la voie de l’ombudsman pour faire valoir leurs droits.

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Carol Jolin n’est toutefois pas si pessimiste, car la mobilisation porte ses fruits. Un peu partout au Canada, les différents échelons administratifs et gouvernementaux craindraient dorénavant la réaction des francophones. Ce serait notamment le cas du gouvernement conservateur du Nouveau-Brunswick, une province de l’Est, où vivent 30% de francophones. Malgré son entêtement, le Premier ministre Ford aurait aussi tiré les leçons des récents événements:

«En Ontario, le gouvernement a pris en considération les revendications des francophones. […] La sortie du 1er décembre a eu un grand impact, à savoir “‘regardez comment les francophones vont réagir”’. J’ai l’impression qu’on fait plus attention aux francophones», a-t-il souligné.

Carol Jolin rappelle que se tiendra fin juin prochain un grand sommet des francophonies dans la ville de Québec. Ce sera alors l’occasion pour les francophones du Canada de faire preuve de solidarité. L’objectif de ce colloque est de redévelopper les liens du Québec avec la francophonie canadienne.

«Le timing est bon. […] Les francophones du pays sont prêts à se serrer les coudes et aller aider là où leurs droits sont mis en péril s’il y a d’autres attaques. […] Les francophones sont prêts à se mobiliser. À la suite de tout ce qu’on a connu, ils sont plus sensibles au respect de leurs droits linguistiques. Ils demandent peut-être plus de services en français et veulent être plus vigilants. […] La situation qu’on a vécue a envoyé un signal partout au pays», a ajouté Carol Jolin.

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M. Jolin ne désespère pas de voir une université en français voir le jour à Toronto, la métropole ontarienne. Cette université permettrait aux jeunes francophones de faire des études supérieures dans leur langue, en plus de dynamiser l’ensemble de leur communauté. Le Premier ministre Ford a gelé le projet, mais le gouvernement fédéral, un partenaire essentiel, ne l’a pas abandonné. Mais pour le débloquer, son organisation devra sans doute entreprendre des procédures légales.

«Nous avons un conseil d’administration au mois de juin, et nous devrons alors inévitablement prendre une décision. Il faudra déterminer quelles sont les actions que nous allons entreprendre. Allons-nous entreprendre des procédures légales? Nos avocats sont prêts et l’argent commence à rentrer pour qu’on puisse se le permettre. […] On espère toujours qu’une solution politique sera trouvée, mais si vraiment ça ne débouche pas, le conseil d’administration se dirigera peut-être vers une solution juridique», a averti M. Jolin.

Le combat des Franco-Canadiens ne date pas d’hier au pays de Justin Trudeau. Depuis la conquête de la Nouvelle-France par les Britanniques en 1759, les francophones du Canada luttent pour leur survie culturelle.

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