Noël au temps du Covid-19, une fête «discriminatoire» au Québec?

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Dans le contexte du Covid-19 au Québec, les rassemblements jusqu’à dix personnes seront autorisés du 24 au 27 décembre. Si la mesure est saluée par certains, pour d’autres, elle est discriminatoire envers les membres des religions non chrétiennes. Une objection justifiée? Sputnik fait le point avec les avocats Julius Grey et François Côté.

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À l’approche du temps des Fêtes de fin d’année, les Québécois appréhendent de plus en plus cette période, alors que des règles sanitaires strictes ont été énoncées par le gouvernement Legault pour encadrer les rassemblements. Après avoir laissé planer le doute, ce dernier a annoncé que seules deux réunions familiales seraient autorisées pendant cette période, limitées à dix personnes maximum chacune. Le Premier ministre Legault a ainsi évoqué un «contrat moral». Tout cela est toutefois conditionné à une diminution globale du nombre de cas d’infection.

La déception des minorités religieuses

Si la mesure a de quoi soulager une grande partie de la population, elle est toutefois jugée discriminatoire par certains leaders de groupes religieux, objection qui a eu pour effet de relancer le débat sur le caractère laïque du Québec et sur sa nouvelle loi sur la laïcité. Il est à rappeler que Québec avait adopté en juin 2019 une loi sur la laïcité, actuellement contestée devant les tribunaux par un regroupement de plaignants favorables au multiculturalisme.

«C’est décevant. […] La communauté musulmane, la communauté juive, la communauté sikhe, lorsque nous avons eu nos célébrations respectives, nous n’avons pas pu nous rassembler», a déclaré à l’agence La Presse canadienne Yusuf Faqiri, représentant du Conseil national des musulmans canadiens, l’un des organismes contestant la loi sur la laïcité.

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Réputé défenseur des libertés individuelles basé à Montréal, l’avocat Julius Grey partage en bonne partie le point de vue des leaders religieux insatisfaits, mais précise que la mesure a peu de chances d’être invalidée par un tribunal:

«L’idée de permettre à un seul groupe de croyants d’assister à ses célébrations et de choisir le moment chrétien est clairement discriminatoire, ce qui a déjà été tranché dans une cause qui n’a jamais été remise en question au Canada. […]
Par contre, l’article 1 de la Charte des droits et libertés du Canada stipule que les droits garantis sont sujets à des limites raisonnables et nécessaires, ce que peut justifier l’urgence sanitaire», observe-t-il à notre micro.

Selon ses détracteurs, la permission du gouvernement Legault prouve que le Québec favorise toujours la majorité historique, surtout composée de catholiques, au détriment des minorités religieuses.

Le Québec, une société «catho-laïque»?

Dans cette perspective, la laïcité québécoise ne serait que de la poudre aux yeux:

«Il y a cette poussée constante du Québec qui se qualifie de société laïque, mais les quatre jours qu’ils [le gouvernement Legault, ndlr] ont choisis sont les jours où les gens célèbrent Noël. […] Nous changeons le calendrier scolaire, mais Dieu interdit à un enseignant de porter un hijab en classe», déplore le rabbin montréalais Lisa Grushcow, en entrevue avec The Gazette.

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Chargé de cours et spécialiste en droit civil et libertés fondamentales, l’avocat François Côté estime quant à lui que la mesure n’a rien de discriminatoire dans la «perspective civiliste» propre à la tradition juridique québécoise, plus proche du droit français.

«Il y a deux visions du droit qui s’affrontent à ce sujet. Il est tout à fait possible de plaider que c’est discriminatoire, mais pour ce faire, il faut adopter une perspective de common law, c’est-à-dire essentiellement libérale. On peut le faire en restant dans une optique strictement individualiste, fondée sur l’effet ressenti sans égard aux intentions du législateur et à l’ensemble de la société», soutient-il en entrevue.

Selon Me Côté, la permission du gouvernement Legault ne relève pas d’une «fausse laïcité», car elle est octroyée à tous les citoyens sans exception et car Noël «n’est plus nécessairement considéré comme une fête religieuse» dans la Belle Province:

«Dans une perspective républicaine, il n’y a aucune forme de favoritisme religieux là-dedans. Ce n’est pas réservé aux chrétiens. Un athée pourra en bénéficier […] Le gouvernement n’a jamais adopté la mesure par dévotion chrétienne, mais en raison d’une réalité culturelle. Ce genre d’accusation s’inscrit dans une culture de la revendication et de la victimisation née aux États-Unis», estime l’avocat et auteur.

Une vision des choses que réfute l’avocat Julius Grey, pour qui il faudrait élargir la permission à d’autres groupes religieux, comme les chrétiens orthodoxes, entre autres:

«N’est-il pas possible de tailler une mesure moins discriminatoire, tout en évitant de créer d’autres disparités quant aux nombres de fêtes que les groupes peuvent célébrer? […] Quant à la loi sur la laïcité, je suis convaincu qu’elle a été rédigée pour une seule raison: interdire le port du hijab par les femmes musulmanes dans la fonction publique et l’enseignement. Elle n’a jamais été faite pour prohiber les croix ni même les kippas», tranche-t-il.
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