Au Québec, le nombre de SDF explose, le couvre-feu les laisse à la rue

© AFP 2023Sans domicile fixe (image d'illustration)
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Depuis le 9 janvier, un couvre-feu est en vigueur dans toute la province de Québec pour contrer la propagation du Covid-19. En plein hiver, la décision a déjà un lourd impact pour les personnes sans domicile fixe. Michel Monette, directeur d’un refuge pour sans-abris à Montréal, dénonce un manque criant de ressources. Entrevue.

«Notre bataille s’achève et comme dans un long marathon, ce sont les derniers kilomètres qui sont les plus durs. Je vous implore de faire ce dernier effort», a déclaré François Legault, Premier ministre du Québec, en instaurant le 9 janvier le couvre-feu. Une mesure inédite dans l’histoire de la province, qui polarise déjà la population. Ce qui était redouté depuis des semaines est donc finalement arrivé.

Colère et incompréhension dans les centres d’hébergement pour SDF

La première nuit du couvre-feu, les policiers du Québec ont remis plus de 300 constats d’infraction à des individus qui l’avaient enfreint. Censée rester en vigueur jusqu’au 8 février prochain, la nouvelle mesure interdit aux gens de circuler sans raison valable entre 20h00 et 5h du matin. Elle est accueillie favorablement par certains experts de la santé et plusieurs chroniqueurs favorables au reconfinement. En revanche, le couvre-feu est loin de faire l’affaire des personnes SDF et des organismes chargés de leur venir en aide, surtout qu’elle survient durant une période de grand froid.

​Directeur de Care Montréal, un important centre d’aide et de réinsertion pour les sans-abris, Michel Monette juge le couvre-feu «inadapté à la réalité de l’itinérance» dans la métropole. Au micro de Sputnik, il ne s’explique pas que le Premier ministre Legault ait pu déclarer que les places étaient suffisantes dans les hébergements pour accueillir tous les SDF dans l’obligation de quitter la voie publique.

«C’est évident qu’on manque de places. Même s’il y avait assez de places, ce qui est loin d’être le cas, nous n’aurions pas assez de ressources pour bien encadrer les gens hébergés. Dans notre refuge, nous avons actuellement une capacité de 200 personnes, et nous devions déjà refuser de 20 à 25 personnes par soir avant le couvre-feu. […] On peut s’attendre à ce que ce nombre augmente», explique Michel Monette.

Dans une conférence de presse, Geneviève Guilbault, la ministre québécoise de la Sécurité publique, a affirmé que les policiers feraient preuve de «gros bon sens» avec les sans-abris. Tous les gens trouvés dans la rue après 20h s’exposent à recevoir une amende allant de 1.000 à 6.000 $ canadiens (645 à 3.865 euros).

De moins en moins de lits disponibles

Michel Monette dit avoir pleinement confiance dans «le jugement des policiers», mais s’inquiète tout de même des dommages collatéraux engendrés par le couvre-feu et les mesures déjà en place. Il rappelle que des refuges pour SDF doivent fermer leurs portes lorsqu’ils sont confrontés à des cas de contamination.

«Les mesures de distanciation nous ont déjà privés de beaucoup d’espace. Globalement à Montréal, nous avons moins de lits qu’avant la crise. Avant, nous avions beaucoup de lits superposés, chose impossible aujourd’hui. […] Concrètement, nous craignions surtout l’augmentation des overdoses dans nos centres. Les centres d’injection supervisée [centre où les toxicomanes peuvent consommer des drogues, ndlr] ont aussi dû être fermés», déplore le directeur de Care Montréal.

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À la mi-décembre, Valérie Plante, maire de Montréal, avait invité les personnes sans domicile fixe à aller patiner aux installations prévues à cet effet par la Ville. Une déclaration qui lui a valu bien des moqueries et des critiques dans les médias. Ces propos apparaissent totalement «déconnectés» aux yeux de Michel Monette, qui craint en plus une prochaine explosion du nombre de SDF en raison du chômage lié au confinement:

«Il y avait déjà une augmentation de la communauté itinérante. On parle de crise du logement depuis 10 ans. La crise sanitaire exacerbe tout ça. Avec les mesures, il y a plein de gens évincés qui se sont retrouvés à la rue. Parmi eux, il y en a beaucoup qui pratiquaient de petits métiers non déclarés ou qui avaient de petits emplois au salaire minimum. Tous les centres sont pleins», insiste le directeur de Care Montréal.
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