Projet « bicéphale » du Centre spirituel et culturel orthodoxe russe

Projet « bicéphale » du Centre spirituel et culturel orthodoxe russe
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Après quatre ans de disputes autour du projet du Centre culturel orthodoxe russe à Paris, à la différence de celui de l’architecte espagnol Manuel Nunez Yanowsky, le projet de l’architecte français Jean-Michel Wilmotte semble satisfaire tous les goûts… On vient de le présenter à l’Ambassade de Russie à Paris. L’édifice dont la première pierre devrait être posée début juin 2014 abritera un centre paroissial, un centre culturel avec une salle d’exposition, une école franco-russe et une bibliothèque.

Moins « clinquant » et plus moderne que le projet précédent rejeté par la Mairie de Paris, le bâtiment de M. Wilmotte ne ressemblera aux églises orthodoxes que par ses coupoles traditionnelles, ne serait-ce que d’or mat ce qui n’est pas tout à fait à la russe. Mais finalement ce qui compte le plus, c’est le fait qu’il y aura à Paris un lieu de rassemblement multifonctionnel où l’on pourra présenter aux Français la culture russe et organiser de nombreuses manifestations culturelles.

Nous avons discuté du futur ensemble architectural du Centre spirituel et culturel russe à Paris avec Fabien Bellat, chercheur associé à l’Ecole nationale supérieure d'architecture de Versailles, spécialiste de l’architecture russo-soviétique :

« Wilmotte a fait de grands efforts pour arriver à un projet qui soit à la fois contemporain à la française et en même temps capable d’intégrer la tradition des églises orthodoxes russes. C’est un projet un peu bicéphale, au sens où il tente de synthétiser deux identités culturelles distinctes dans le même projet. »

Le projet précédent de Manuel Nunez Yanowsky était qualifié de clinquant mais il était beaucoup plus intéressant et proche de la tradition architecturale orthodoxe… Dans le projet finalement retenu, il semble que de l’église traditionnelle orthodoxe il ne reste que des coupoles en forme de bulbe…

« En Russie, beaucoup de nouvelles églises sont construites dans un esprit de réactualisation très fidèle de la tradition des églises russes des XV-XVIIe siècles. C’est à mon avis un sujet très intéressant. Or, en France, cette résurrection esthétique n’est pas comprise de la même manière ; l’objectif de la contemporanéité reste un argument capital. Le concours avait donné lieu à plusieurs projets brillants dans la veine du style néo-russe, je pense par exemple au beau projet d’Elena Lenok. Je pense que M. Yanowsky avait trouvé un bon point de conjonction entre les deux cultures, produisant un projet très intéressant, et même inspiré, avec son église traditionnelle, comme couronnée d’un voile virginal modernisé… Hélas, la détestable réception par la municipalité parisienne du projet lauréat de Manuel Yanowsky a montré que cette approche esthétique entre passé russe et présent international n’était pas acceptée à Paris. Plutôt embarrassées par cette regrettable polémique (et on les comprend !!), les autorités russes ont demandé à Wilmotte & Associés (qui avaient eu le deuxième prix au concours) de préparer un nouveau projet, qui prenne en compte les objections françaises et trouve un point d’équilibre entre signes religieux orthodoxes du sanctuaire et actualité des équipements culturels et pédagogiques. Dans ces conditions extrêmement difficiles, M. Wilmotte et son équipe ont médité en profondeur les critiques afin de réaliser une œuvre qui soit sans doute un peu plus « sage » esthétiquement mais quand même assez efficace, dans sa volonté de marier signes orthodoxes de l’église et modernité des autres bâtiments .»

L’édifice de M. Wilmotte sera-t-il intégré dans le paysage parisien ?

« Au niveau des façades, je pense qu’il n’y a pas de problèmes. C’est un travail soigneusement étudié, les matériaux choisis sont de très bonne qualité. Son plan tire bien parti du site très contraignant ; le bâtiment mettra mieux en valeur cet espace jusqu’ici mal utilisé de la ville. La disposition générale n’a pas utilisé tout le terrain : cela permettra une meilleure respiration urbaine du site. Par contre, au niveau de l’église je pense que les façades sont un peu lourdes. Mais là encore, il y avait le problème de la hauteur de l’édifice : il ne faut pas oublier que le terrain a de nombreuses servitudes au niveau du règlement d’urbanisme. Et justement, M. Wilmotte a dû faire attention à la hauteur de l’église russe, et il a assez bien résolu la question. Ces coupoles se distingueront toutefois de leurs cousines russes par leur couleur or mat, apparence qui a été choisie afin de mieux intégrer leur impact visuel dans ce site stratégique à proximité de la Tour Eiffel. Donc, oui je pense que les dômes devront assez bien s’intégrer dans le paysage, y ajoutant une jolie note d’inattendu.

J’attends avec intérêt le démarrage prochain du chantier et évidemment l’ouverture. Quoiqu’il en soit, cet effort d’adaptation prouve la volonté de dialogue avec l’environnement parisien, tout en étant capable de représenter avec finesse la culture russe. Pour un architecte, il n’est jamais facile de créer ce genre d’alliance. Si celle-ci est née dans la douleur, sa calme harmonie devrait bientôt offrir à la Russie un lieu de rencontre approprié à Paris entre les deux cultures. »

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