Festival du ballet « Benois de la danse » à Moscou

Festival du ballet « Benois de la danse » à Moscou
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Il faut être honnête : assez peu de gens dans le monde connaissent le nom de l'artiste russe Alexandre Benois, issu d’une illustre famille pétersbourgeoise avec des origines françaises et allemandes.

Ils sont plus nombreux, ce qui connaissent Serge de Diaghilev et Léon Bakst, dont les noms sont à tout jamais liés avec les Saisons de Ballets russes à Paris, et dont Alexandre Benois était un amis intime et collaborateur fidèle.

Là, on arrive aux origines de la création du Prix « Les Benois de la danse » dans le domaine de la danse classique, le ballet russe. Et le ballet russe – tout le monde le connaît !

Le prix « Benois de la danse » a été créé à Moscou en 1992 et il a tout de suite obtenu le patronage de l'UNESCO. Sa programmation à la fin du mois d'avril coïncide avec la naissance de l'artiste Alexandre Benois, dont le prix porte le nom.

Depuis 22 ans, le prix a été discerné à Moscou - au Bolchoï, à Paris – à la Maison de l’UNESCO, dans le Théâtre National – à Varsovie, à Berlin… à Stuttgart…

Cette année, le Prix « Benois de la danse » a été de nouveau accueilli au Théâtre Bolchoï. Le Jury est présidé, comme à l’accoutumée, par Iouri Grigorovitch, patriarche de la chorégraphie mondiale, toujours en activité.

Mais nous avons posé la question a Nina Koudriavtseva-Louri, directrice générale du Centre Benois - quelle est la particularité du concours en 2014.

Nina Koudriavtseva-Louri. C’est le Jury qui est compose de crème de la crème de dames du monde du ballet. Ce sont les meilleures représentatives de notre profession. Nous voulions montrer que ce sont les dames qui règnent dans ce monde des hommes.

La Voix de la Russie. Effectivement, peut-être, si les femmes régnaient dans le monde, ce monde aurait été plus pacifique, plus harmonieux, plus doux… C’est également ce sentiment qui se crée en nous, quand nous regardons une de figures remarquables du Ballet français, l’Etoile de l’Opéra de Paris, Agnès Letestu qui fait partie du Jury. Mademoiselle Letestu vient de faire ses adieux officiels à la scène, et nous lui avons demandé qu’est-ce que lui manque le plus dans le théâtre, même si elle ne l’a pas abandonné totalement ?

Agnès Letestu. Je n’ai pas l’impression d’avoir change énormément ma façon de vivre et ma façon de travailler. J’ai fait des adieux officiels à l’Opéra de Paris, mais je continue à me réinviter en tant que « guest », en tant qu’artiste. Je danse dans la symphonie « Le palais de cristal » de George Balanchine, j’ai dansé dans « La Dame aux camélias » Depuis mes adieux je continue à travailler. Je fais travailler aussi des jeunes solistes : sur « La Belle au bois dormant », sur « Les Enfants du Paradis » et d’autres ballets en préparation. Et je crée des costumes : pour « Marie Antoinette » à Vienne, pour le « Rigoletto » à Paris et beaucoup d’autres. En fait, toutes ces différentes casquettes ne sont pas très éloignées de la danse. Je reste dans le domaine de la scène, de la danse et du spectacle.

Quelques mois avant de faire mes adieux, j’ai eu une grosse appréhension en me disant : « Je vais arrêter de danser… je vais moins danser qu’avant… Comment je vais vivre les choses ? Est-ce que cela va me déprimer ? » Pour l’instant, le fait de donner tout ce que j’ai appris en tant que costumière - j’ai essayé énormément de costumes, en tant que coach – j’ai dansé dans beaucoup de ballets et je transmets aux jeunes… et j’ai l’impression qu’il y a une continuité évidente.

LVdlR. Et la relation avec la scène ?

Agnès Letestu. L’élément le plus important, mis à part l’excitation d’être devant le public, c’est l’espace de liberté. La scène – c’est le moyen d’être un autre personnage, d’interpréter quelqu’un d’autre. On peut s’y permettre de tout faire : crier, être violent, pleurer, être amoureux. C’est une espèce de liberté qu’on n’a pas forcement dans la vie, parce qu’on se retient, qu’on a des gens autour de nous, qu’on a une éducation… Sur scène c’est bien-sûr canalisé, on est un autre personnage inventé par le chorégraphe, metteur en scène, mais on peut aller au-delà de la vie courante et au-delà de soi-même. Finalement, c’est un espace de liberté qu’on n’a pas forcement dans la vie courante…

En fait, c’est une démarche de comédien. Si vous demandez – pourquoi vous jouez la comédie, la réponse sera – pour être un autre personnage. J’ai l’impression de me réaliser et d’avoir une extension de moi-même à travers mes élèves qui le comprennent et à qui je peux rapporter quelque chose. C’est comme une plante qui pousse, que vous arrosez et qui grandit. C’est une grande satisfaction. Cela doit ressembler aussi aux enfants qui grandissent et qu’on éduque. Je crois que c’est le même genre de satisfaction – de voir leurs progrès.

Pour les costumes – c’est pareil. Je les « pense », je les dessine, je les conçois pour les danseurs concrets. Et puis, un fois sur scène, ils ne m’appartiennent plus. Tous comme des enfants, ils ont leur vie propre.

Tous cela, pour moi, est une continuité de ma carrière de danseuse. J’espère que cela me comblera autant que la scène.

LVdlR. Le dessin d’un ballet classique est très précis, c’est presque une icône. Aucun pas - ni en arrière, ni en avant n’est permis, on ne peut pas faire moins de pirouettes que sont prescrits par les grands classiques. Comment on trouve de la liberté dans cette forme presque figée ?

Agnès Letestu. Il y a des indications, des règles du jeu, une histoire, une chorégraphie, et c’est très intéressant de trouver la liberté dans ce cadre précis. Mais ils existent aussi les espaces de liberté qu’on ne vous ait pas imposé, et qu’on attend de vous… le chorégraphe attend que vous interprétiez les choses à votre façon. Sinon, on projetterait un film ou on mettrait toujours la même danseuse. Parce qu’on veut avoir une lecture ou une façon de raconter la chose légèrement différente.

L’incarnation différente du personnage intéresse plus le public. Pour le danseur c’est intéressant de contourner les règles également. Nous sommes aussi comme des enfants – on a une éducation, des règles venus de nos parents, mais on cherche à trouver par quelle faille nous arrivons à faire ce qui n’est pas imposé, un espace de liberté…

LVdlR. Dans la danse, vous parlez de la relation « enfant – parent », vous avez également parlé du « despote » Noureev... qui vous a quand-même choisie ? C’est un despote qui pense à ses disciples…

Agnès Letestu. Rudolf Noureev est un des chorégraphes les plus exigeants sur les versions de ses ballets qu’il a imposé d’une manière sévère. En même temps, il a créé des petites différences pour chaque danseur qu’il a pu faire travailler. Il n’aurait jamais laissé un danseur faire un pas qui n’était pas bon pour lui ou qu’il était incapable de faire. Je l’ai vu faire essayer des choses très compliquées a Manuel Legris, Laurent Hilaire, qu’on peut appeler « ses bébés a lui » Mais quand il voyait les choses qu’ils n’arrivaient pas réussir, des spécialités qui n’étaient pas faites pour eux, il changeait toujours.

Il était là pour donner la correction juste. Comme une flèche qu’on lance dans une cible. Il était étonnant pour ça… Paradoxalement, il était très rigoureux, il imposait les choses, mais il attendait de chacun de se laisser surprendre par les danseurs et leur interprétation. Si les danseurs proposaient quelque chose dans leur manière de bouger, il était vraiment fier.

LVdlR. Quel personnage vous aimez le plus dans votre carrière de danseuse ?

Agnès Letestu. Il y a deux choses très distinctes. Mon ballet fétiche, celui que j’ai le plus dansé et qui m’a « suivie » tout le long de ma carrière - « Le Lac des cygnes » J’ai commencé la danse en voyant « Le Lac des cygnes » à la télévision : c’était Margot Fonteyn et Rudolph Noureev. C’est ça aussi qui m’a donné envie de faire des costumes, de porter des costumes et de danser.

J’étais nommée Etoile dans « Le Lac des cygnes », c’était également le premier rôle qu’on me confiait en tant que jeune soliste. Je l’ai danse partout : en Italie, au Théâtre Mariinsky, avec le Tokyo Ballet… avec beaucoup de partenaires. J’ai étais également choisie pour faire les vidéos officiels de l’Opéra dans ce rôle.

Mon ballet préféré, parce que c’est le ballet avec lequel j’ai fait mes adieux – c’est « La Dame aux camélias »

LVdlR. Malheureusement, cette année, il n’y avait pas de français parmi ceux qui ont obtenu le Prix qu’on nomme également « Les Oscars du ballet » mais nous félicitons ses lauréats 2014 : Olga Smirnova du Bolchoï, Alban Lendorf du Ballet Royal de Danemark et Vadim Muntaguirov du Ballet d’Angleterre.

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