Le personnage de Mahomet retiré d’une traduction néerlandaise de l’Enfer de Dante pour ne pas «blesser»

© Photo Piaxabay / Rhodan59Statue de Dante
Statue de Dante - Sputnik Afrique, 1920, 25.03.2021
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Une traduction néerlandaise de la Divine Comédie a supprimé le personnage de Mahomet, alors qu’il est censé être puni dans l’un des neuf cercles de l’Enfer. Démarche qui n’est pas restée sans réaction du public.

À l’heure de la «cancel culture» et du déboulonnage de statues, une maison d’édition néerlandaise vient d’apporter de nouveaux arguments aux contempteurs du «politiquement correct», en expurgeant la Divine Comédie de Dante.

L’éditeur Blossom Books a en effet décidé de retirer le personnage de Mahomet de l’œuvre du poète florentin, rapporte le quotidien De Standaard. Dans la version originale, le prophète de l’islam est décrit au huitième cercle de l’Enfer comme un «semeur de scandale et de schisme», condamné à errer la poitrine ouverte en deux.

Si le passage n’a pas été complètement retiré de la traduction néerlandaise, le nom de Mahomet a lui été supprimé. Un choix que l’éditeur justifie par une volonté de ne pas heurter, notamment les publics jeunes.

«Nous ne voulions pas blesser inutilement. Chez Dante, Mahomet subit un sort grossier et humiliant simplement parce qu'il est le fondateur de l'islam. Avec notre série de traductions, nous voulons présenter les classiques de la littérature d'une manière accessible et agréable aux nouveaux lecteurs, en particulier aux plus jeunes», explique ainsi à De Standaard Myrthe Spiteri, directrice de Blossom Books.

«Cancel culture» et «lecteurs en sensibilité»

Ce caviardage a soulevé l’indignation aux Pays-Bas. Le passage de la traductrice Lies Lavrijsen à la Radio 1, pour tenter de justifier ses choix, a notamment entraîné la réaction de nombreux auditeurs.

«C’est une malheureuse génuflexion pour éviter des problèmes qui ne se seraient probablement pas produits. Toutes les personnes musulmanes qui ont réagi ont trouvé cela embarrassant, en particulier en cette période de "cancel culture". L'éditeur doit corriger cela le plus rapidement possible», explique ainsi à De Standaard l’écrivain Abdelkader Benali.

Le monde littéraire est depuis plusieurs mois soumis à ces logiques de «cancel culture» et plusieurs œuvres ont déjà été retouchées de la sorte pour tenter de mieux coller aux standards modernes.

L’été dernier, l’œuvre d’Agatha Christie Dix petits nègres avait ainsi été rebaptisée sous le titre Ils étaient dix, là encore pour ne pas «blesser» comme l’avait confié l’arrière-petit fils de l’auteur à RTL. En 2018, plusieurs voix s’étaient également élevées, notamment chez les féministes, contre La Belle au bois dormant. Le conte de Charles Perrault était accusé de mettre en scène une princesse embrassée sans consentement. Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État chargé de l'Égalité hommes-femmes, s’était d’ailleurs exprimée sur le sujet, dans un entretien avec France 2.

Dans la même logique est récemment apparue aux États-Unis la profession de «lecteur en sensibilité» (sensitivity readers). Ces lecteurs appointés par des maisons d’édition sont censés traquer dans les livres les contenus offensants pour telle ou telle communauté.

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