« Le même, mais en plus simple »
Dans la deuxième moitié des années 1960, le char T-64 est entré en service dans les divisions blindées soviétiques. Ce véhicule particulièrement aérodynamique au blindage composite multicouche, équipé d’un canon lisse à trajectoire courbe de tir et d’un chargeur automatique, est l’un des premiers chars de guerre combinant la sécurité et la puissance de feu d’un char lourd ainsi que la mobilité d’un char moyen.
Cet engin développé à Kharkov, a servi de base à tous les principaux chars soviétiques (russes) jusqu’au modèle T-90 inclus. Poids et taille moyens, équipage limité à trois personnes et équipement complet, telles étaient les caractéristiques essentielles du nouveau char qui le différenciaient de ses concurrents occidentaux. Le T-64 était un char révolutionnaire à ne nombreux égards, mais sa production entraînait de nombreuses complications. En effet, la fabrication du moteur, du châssis et de nombreuses autres pièces de nouvelle génération nécessitait la modernisation et le rééquipement des nombreuses usines existantes. Toutefois, les capacités de production de l’usine de Kharkov étaient insuffisantes pour satisfaire les besoins des forces armées et encore moins créer une réserve de mobilisation.
« Si l’usine de Kharkov avait dû assurer le réarmement des divisions blindées avec des véhicules de nouvelle génération, cela aurait pris plus de 20 ans. Nous aurions été obligés durant ce temps d’utiliser les chars T-55 et T-62 de génération précédente », estime Viktor Mourakhovski, rédacteur en chef de la revue Arsenal Otetchestva(Arsenal de la Patrie), expert en chars et colonel en retraite.
Toutefois, l’augmentation de la production du T-64 et le déploiement de sa fabrication dans d’autres usines auraient entraîné d’importantes difficultés économiques. Les autorités du pays ont pris conscience de la nécessité de créer un engin de nouvelle génération, mais moins cher.
Son prototype était le modèle 172M, développé par les ingénieurs du bureau d’études d’Uralvagonzavod qui est toujours le cerveau de la conception des chars. Avec une construction quelque peu simplifiée et un moteur bien rodé de la famille V-2, ce char égale presque le T-64 par ses caractéristiques. Il a donc été possible de rééquiper rapidement l’armée et de la doter de chars de nouvelle génération. De plus, ce véhicule a commencé à être perfectionné pratiquement depuis le début, ce qui augmentait ses capacités combatives.
À la fin des années 1970, le T-72 était le principal véhicule blindé soviétique en Occident, car il était activement exporté dans les pays du Pacte de Varsovie et chez les alliés de l’URSS en marge du pacte. Il s’agissait parfois de la vente de licences de production (à la Pologne, la Yougoslavie, la Roumanie, l’Inde et autres pays).
Selon de nombreux conducteurs de tank, c’est un véhicule optimal, alliant simplicité, fiabilité, caractéristiques techniques et un fort potentiel de modernisation : la dernière version du T-72 avec un système de direction amélioré et une protection dynamique n’a rien à envier au T-64 et à son successeur le T-80. Cependant, la spécificité de la planification économique soviétique n’a pas permis de faire du T-72 le seul char de l’industrie et des armées. Parallèlement, la production du T-64 (qui a cessé lorsque l’usine de Kharkov est passée au T-80UD) et du T-80 (commencée en 1976 à Leningrad et arrêtée à Omsk au milieu des années 1990 avec le modèle T-80U) s’est poursuivie.
Du T-72 au T-90 : les promesses de l’Armata
Après la chute de l’URSS, la Russie a dû choisir, parce que le pays affaibli ne pouvait pas assumer en même temps la production du T-72 et du T-80. Le T-90 ouralien avec des équipements améliorés et une production localisée en Russie, et le T-80UM d’Omsk se sont portés candidats pour devenir le char de l’armée russe.
La construction plus simple et le moindre coût faisait pencher la balance du côté du T-90, comme cela avait été le cas vingt ans plus tôt pour le T-72. Ce tank a donc été produit en série et a commencé à doter les forces armées, et aussi à être exporté. D’ailleurs, la commande indienne à la charnière des années 1990 et 2000 a été le seul moyen permettant à la production de ce véhicule de subsister.
Au fil du temps, le T-90 s’est perfectionné, s’éloignant progressivement de l’« Oural » de base. Cependant, les capacités économiques étaient trop faibles pour le produire en nombre suffisant. C’est pour cela que le T-72 reste encore le principal engin de l’armée russe. Toutefois, le progrès technique et l’augmentation des dépenses militaires ont permis de commencer la modernisation du parc de T-72, en améliorant ses caractéristiques pour atteindre le niveau de son successeur. Sur ce point, les espoirs sont placés dans le nouveau compartiment avec une nouvelle tourelle, élaboré pour le T-90AM (et sa version d’exportation le T-90SM). Il pourrait être installé tant sur les anciennes versions du T-90 que sur les T-72, leur conférant ainsi les caractéristiques d’un char de nouvelle génération avec des capacités améliorées et des moyens de détection, de communication et de conduite de tir modernes. La protection du tank évolue également, à la fois par l’installation de la nouvelle tourelle et par les plaques de protection dynamique de nouvelle génération placées sur le blindage. Ainsi, le T-72 modernisé pourra continuer à être construit jusqu’à ce qu’il soit remplacé par les chars de nouvelle génération du constructeur ouralien, basés sur la plateforme de combat Armata. T
