L'enjeu est de taille car comme l'ont montré les récents événements en Syrie, ces appareils sans pilote pourraient très prochainement devenir l'arme principale du terrorisme. Malgré le potentiel destructeur des drones, l'humanité n'a commencé à concevoir des moyens efficaces pour y faire face que depuis peu de temps. Tour d'horizon des systèmes actuels et futurs de défense anti-drone.
Guerre électronique: bon marché et féroce
Le ministère russe de la Défense ne divulgue pas les informations sur les systèmes de guerre électronique utilisés en Syrie. Cependant, on sait qu'un drone peut être neutralisé par tout un éventail de moyens de guerre électronique, et notamment par des systèmes de brouillage du signal GPS qui, s'est-t-il avéré, guidait les drones vers leurs cibles en Syrie. La Russie produit de tels équipements depuis plus de 10 ans, qui sont notamment commandés par le ministère russe de la Défense. Parmi les brouilleurs militaires de GPS les plus imposants en termes de taille et de capacités figure le système Chipovnik-Aero. Hormis l'émission d'interférences pour perturber les signaux de navigation par satellite, le Chipovnik, installé sur le châssis d'un Kamaz, peut bloquer les signaux de contrôle d'un drone, et si besoin même corriger les commandes de contrôle de l'appareil. En 2016 on apprenait que ce système était testé sur les polygones du ministère de la Défense.
Le moyen le plus radical de guerre électronique contre les quadrirotors et les drones de type avion, selon les experts, est le brouillage de leur électronique de bord par un puissant rayonnement micro-onde brûlant les circuits imprimés des appareils de contrôle. En 2015, la compagnie russe Rostec a annoncé la réussite des essais d'un système à très haute fréquence pour les systèmes de défense antiaérienne d'une portée supérieure à 10 km. Il se pourrait que de tels canons aient été utilisés en Syrie, où des dizaines de tout nouveaux systèmes militaires sont à l'essai.
En plus de leurs capacités de brouillage, les fusils REX 1, selon ses développeurs, peuvent bloquer les signaux de navigation par satellite. Toutefois, de tels moyens portatifs sont inefficaces contre une attaque massive de drones de combat car leur rayon d'action est trop limité: il se limite à la zone de visibilité directe de la cible. Un autre inconvénient est sa «cadence de tir» réduite — la neutralisation d'un drone peut prendre jusqu'à quelques minutes. Néanmoins, en 2016, le Pentagone étudiait la possibilité d'équiper ses soldats en Irak de canons Battelle Drone Defender, analogues du REX 1 russe.
«Un autre système, plus puissant, est développé en Russie: Koupol. Ce dernier, d'après les ingénieurs, assure la détection, la classification et le brouillage électronique des canaux de liaison d'un drone de jour comme de nuit et dans toutes les conditions météorologiques», poursuit Denis Fedoutinov.
Les lasers et les aigles intercepteurs
Différents pays travaillent activement sur des dispositifs capables d'éliminer des drones sous l'effet d'un impact cinétique. Ainsi, le groupe de défense aérospatiale russe Almaz-Anteï propose d'abattre les appareils ennemis à partir de canons à plomb montés sur des drones-chasseurs. La compagnie souligne qu'une telle arme a été testée avec succès en 2017.
Aux USA, il a été décidé de faire appel aux technologies d'un futur lointain pour lutter contre les drones. En septembre 2017, sur le polygone de White Sands au Nouveau-Mexique, les militaires américains ont abattu cinq drones à l'aide du canon laser ANTHENA, dont la puissance ne s'élevait qu'à 30 kW. De tels dispositifs lasers compacts sont actuellement à l'essai en Chine également.
Parmi les armes anti-drones figurent aussi des systèmes assez originaux. Par exemple, des systèmes pouvant neutraliser les petits drones avec des filets ont déjà été testés. Les pièges sont transportés par des drones, ou les filets sont tirés à partir de dispositifs portatifs. La solution la plus inédite a été récemment testée aux Pays-Bas où il a été décidé de faire appel aux oiseaux pour lutter contre les drones transgresseurs. Les aigles utilisés en tant que chasseurs de petits drones interceptaient des quadrirotors, mais les ramenaient également à leur base.
Les mesures pour combattre et prévenir la menace des drones sont entreprises aussi bien dans le domaine technologique que législatif. Par exemple, aux USA, tous les drones pesant entre 0,55 et 55 livres doivent être obligatoirement enregistrés. Des normes similaires sont également en vigueur en Russie — depuis juillet 2017 tous les appareils pesant plus de 0,25 kg doivent être enregistrés. Toutefois, le mécanisme de cette procédure n'est toujours pas fixé et selon certains experts, les mesures de restriction à elles seules ne peuvent certainement pas minimiser la menace terroriste.
«De nombreuses technologies se développent autour du monde, qui peuvent être utilisées pour une cause non seulement utile mais également néfaste, explique Gleb Babintsev, directeur général de l'Association des exploitants et des développeurs de drones. C'est pourquoi il est fondamentalement erroné de parler d'une interdiction ou d'une restriction sévère de l'usage des drones comme d'un moyen efficace pour parer cette menace. Tout blocage conduirait au gel du marché russe des drones — déjà en retard —, à la suppression des ateliers pour enfants et au départ des ingénieurs. Pendant ce temps, les terroristes ne renonceraient pas à l'intégration de nouvelles technologies ni à l'enregistrement et à la certification de leur matériel. Aujourd'hui, il est important de se concentrer sur la protection des sites, de suivre attentivement les technologies et de réfléchir à un moyen pour les combattre efficacement.»
De nombreux experts s'entendent sur le fait que toute stratégie de lutte contre le terrorisme avec l'usage de drones ne doit pas être unilatérale mais complexe et prendre en compte tous les aspects de ce problème. Sinon, l'argent alloué à l'élaboration de nouvelles contre-mesures pourrait s'envoler. Comme un drone qui a perdu le contrôle.