«Changer le paradigme des opérations de combats aériens», telle est l’ambition qu’affichent les États-Unis avec le programme LongShot. Le 8 février, l’Agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense (DARPA) a annoncé avoir sélectionné trois industriels afin de créer un prototype de drone autonome doté de missiles air-air: Northrop Grumman, General Atomics et Lockheed Martin.
En d’autres termes, ces futurs drones devront éviter à leur appareil hôte d’engager directement l’adversaire tout en s’approchant au maximum de ce dernier afin d’augmenter les chances de lui porter un tir direct. D’ailleurs, le Département de la Défense (DoD) n’y va pas par quatre chemins dans sa synthèse du programme LongShot au Congrès, qui a débloqué une enveloppe de 22 millions de dollars pour le programme.
«Premièrement, le système d’arme aura une portée beaucoup plus grande que ses homologues traditionnels pour le transit vers une zone d’engagement. Deuxièmement, le lancement de missiles air-air plus près de l’adversaire augmente l’énergie en vol terminal, réduit le temps de réaction et augmente la probabilité de tuer», explique le DoD dans la proposition de budget pour 2021.
Employer des drones dans des combats aériens, une réelle rupture avec la doctrine de l’Otan dans l’emploi de ces appareils non-habités. Ces derniers ont en effet, jusqu’à présent uniquement été employés pour la destruction de cibles terrestres. Pourtant, il ne s’agit pas du seul programme américain de ce type. En juillet dernier, Boeing, Kratos et déjà General Atomics, étaient missionnés pour développer des prototypes du Skyborg, l’ailier semi-autonome du F-35 et du F-15Ex, appelé à entrer en service dans l’US Air force dès 2023. Autonome dans son vol grâce à l’IA, qui lui permettrait de gérer les menaces en temps réel, loin du chasseur, le drone resterait toutefois sous les ordres de l’humain, donnant l’aval pour le tir. D’où la notion de drone «semi-autonome». Le Skyborg a l’ambition de «pénétrer les défenses adverses» pour mener des missions de reconnaissance, de brouillage électronique, mais aussi d’attaque air-sol ou air-air.
Rupture avec la doctrine de l’Otan d’emploi des drones
Une logique similaire à celle du Système de combat aérien du futur (SCAF) européen. Dans ce programme, l’Eurodrone devrait assister le futur chasseur européen (NGF). Lancé dès 2016, les Européens bloquent toutefois sur des divergences de point de vue sur l’emploi de leur futur appareil. En effet, contrairement à la France, l’Allemagne ne veut pas que l’Eurodrone soit armé, préférant le cantonner à un simple emploi de reconnaissance. Les querelles politico-industrielles autour du choix du motoriste ou encore les récentes difficultés financières de Madrid s’ajoutent au tableau.La France pourrait néanmoins compter sur la reprise d’un autre programme: celui mené par son champion aéronautique, Dassault Aviation, avec son nEUROn. Lancé en 2003 par Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, le nEUROn a effectué son premier vol fin 2012, reflétant une supériorité claire sur l’Allemagne en matière d’industrie aéronautique.
Le LongShot, destiné à contrer la menace russe?
Furtif, subsonique, conçu sur le principe de l’aile volante et pour l’attaque au sol, le nEUROn présente de fortes similitudes avec le drone russe S-70 Okhotnik («chasseur», en français) développé par Soukhoï. Lancé en 2011 sur les bases du projet de drone Mikoyan-Gourevitch Skat, celui-ci a effectué son premier vol d’essai en 2019. Mais les similitudes s’arrêtent là: à l’automne 2020, le drone russe créait en effet la surprise dans les milieux de Défense occidentaux en abattant des cibles en vol.
Le drone Okhotnik lors de son premier vol aux côtés d’un chasseur Su-57, le 3 août 2019 (source: ministère russe de la Défense).
En termes d’armement, il est pour l’heure prévu que le LongShot soit équipé de deux missiles AIM-120 AMRAAM, d’une portée maximale de 120 km. Ce missile est le vecteur standard des forces occidentales pour le combat BVR («Beyond Visual Range», au-delà de la portée visuelle). Apparu à la fin de la Guerre froide, la distance d’engagement de l’AIM-120 demeure inférieure à celle de ses équivalent chinois (PL-15 et ses 300 à 350 km) et à celle du Vympel (RM-37) russe.
Conçu il y a quarante ans par l’Union soviétique, ce missile air-air d’une portée de 450 km lui permet d’engager des cibles à haute valeur ajoutée. Entre autres, des avions de surveillance et de commandement (type AWACS) ainsi que des transports et des ravitailleurs. Le type d’aéronefs en retrait du théâtre d’opérations, mais dont la destruction impacte la disponibilité sur zone des chasseurs et des bombardiers.
Un drone taillé pour l’attaque
En s’approchant au plus près pour engager sa la cible, le LongShot, armé de ses AIM-120, vise à éliminer les inconvénients du missile à longue portée. Sa vocation offensive et son caractère révolutionnaire laissent peu de place au doute: «Ce drone autonome [est] capable d’affronter des avions de chasse hostiles à la place du pilote», souligne Capital.
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