Quand des militaires US livrent accidentellement sur le Net des secrets nucléaires

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Drapeau de l'Otan - Sputnik Afrique, 1920, 31.05.2021
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En révisant des informations secrètes sur les armes nucléaires en Europe, y compris leurs positions, des soldats américains les ont accidentellement révélées au public, indique le site de journalisme d’investigation Bellingcat. Selon un expert du domaine, il s’agit d’une «brèche flagrante» dans la sécurité de l’Otan.

Dans un article datant du 28 mai, le site Web de journalisme d'investigation Bellingcat a repris les informations concernant la localisation d’armes nucléaires américaines en Europe, accidentellement révélées par des militaires outre-Atlantique sur Internet. Afin de réviser tout un tas de données sensibles que les soldats sont censés savoir par cœur, les militaires se sont servis d’applications en ligne de fiches de révision (flashcards), disponibles en accès libre.

Ainsi, ils ont révélé «une multitude de protocoles de sécurité sensibles sur les armes nucléaires américaines et les bases sur lesquelles elles sont stockées», indique le journaliste de Bellingcat qui assure avoir accédé à l’information, censée être secrète, assez facilement, en quelques clics seulement.

Plus concrètement, pour trouver les données en question, il a suffi de taper sur Google le nom de telle ou telle base militaire européenne ainsi que des sigles militaires utilisés par les Américains pour désigner certains types d’armes ou d’objets militaires, par exemple l’abréviation PAS (protective aircraft shelters) pour «hangar à avions».

Nature des données dévoilées

À part les noms de bases réelles, les fiches de révision des soldats indiquent également des abris, donc les endroits précis où des armes nucléaires sont probablement stockées. Et même plus: ont également été publiés des détails tels que le protocole de sécurité, le positionnement des caméras, la fréquence des patrouilles, les mots codés qui servent à signaler qu’un garde est menacé.

Alors qu’il y a déjà eu des fuites à ce sujet, y compris venant de responsables de l’Otan, les gouvernements des pays concernés ne confirment ni ne nient cette information, rappelle Bellingcat.

«Brèche flagrante» dans la sécurité de l’Otan

Pour Jeffrey Lewis, fondateur du site spécialisé Arms Control Wonk.com et directeur du programme de non-prolifération en Asie orientale au James Martin Center for Nonproliferation Studies, contacté par Bellingcat, ces révélations attestent d’une «brèche flagrante» dans les pratiques de sécurité liées aux armes nucléaires américaines stockées dans les pays de l'Otan.

Selon l’expert, «la confidentialité concernant les déploiements d’armes nucléaires américaines en Europe n’existe pas pour protéger les armes des terroristes, mais uniquement pour empêcher les politiciens et les chefs militaires d’avoir à répondre à des questions difficiles à savoir si les dispositions concernant le partage nucléaire de l’Otan ont encore du sens aujourd’hui».

Il est à noter qu’après que le média d’investigation a contacté l’Otan et la Défense américaine pour des commentaires concernant ses découvertes, les informations sensibles ont été supprimées de la Toile.

Informations ouvertement secrètes depuis 2019

Ce n’est pas la première fois que cette information, officiellement secrète, est accidentellement rendue publique. En 2019, ce ne sont pas des soldats américains mais bien un haut responsable, le sénateur canadien du comité de Défense et de sécurité de l’Assemblée parlementaire de l'Otan Joseph A.Day qui a publié ces informations dans un rapport officiel sur la dissuasion nucléaire, avait informé à l’époque le quotidien belge De Morgen. Le texte initial du rapport faisait état d’environ 150 bombes nucléaires américaines B61 présentes sur six bases en Europe.

«Ces bombes sont stockées dans six bases américaines et européennes: Kleine Brogel en Belgique, Büchel en Allemagne, Aviano et Ghedi-Torre en Italie, Volkel aux Pays-Bas et Incirlik en Turquie», indiquait la version initiale du rapport, reprise par De Morgen. Ces précisions ont été supprimées de la version finale du document.

Contacté ensuite par le Washington Post, l’auteur du rapport en question a expliqué que la version initiale du document ne représentait que son «brouillon», d’ailleurs basé sur des données «sources ouvertes».

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