Frégates FREMM: touché-coulé de Fincantieri sur Naval Group au Maroc?

© AFP 2023 FRED TANNEAUFREMM "Mohammed VI" à Brest le 30 janvier 2014, avant sa remise au Maroc. AFP PHOTO / FRED TANNEAU
FREMM Mohammed VI à Brest le 30 janvier 2014, avant sa remise au Maroc. AFP PHOTO / FRED TANNEAU  - Sputnik Afrique, 1920, 24.07.2021
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L’industrie navale française va-t-elle subir un nouveau revers face à ses concurrents italiens? Dopé par ses succès en Égypte, en Indonésie et aux États-Unis, Fincantieri pourrait décrocher un nouveau contrat au Maroc. Une position de force en partie acquise grâce aux faux pas de l’exécutif français. Inspection de bord.

Au Maroc, des frégates italiennes vont-elles supplanter leurs concurrentes françaises?

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Une perspective fort probable pour La Tribune, qui met en garde contre la «nouvelle claque» que le constructeur naval de Trieste pourrait infliger à son concurrent tricolore. Un clin d’œil à la «claque» égyptienne et à la «grosse claque» indonésienne, infligées par Fincantieri à Naval Group (ex-DCNS), respectivement en février 2020 et juin 2021. L’Égypte et l’Indonésie, deux marchés supposés être acquis aux Français, où les Italiens sont venus renverser la donne. «Fincantieri fait indéniablement la course en tête», insiste le journal économique et financier.

Fin juin, la presse spécialisée italienne révélait que Rabat était entré en négociations avec Fincantieri pour l’achat de deux frégates FREMM, pour Frégate européenne multimissions, une classe de navire que la France avait souhaité développer conjointement avec l’Italie. Bien qu’elles partagent le même nom, les frégates françaises et italiennes n’ont en commun que leur turbine, système de stabilisation, système de guerre électronique et sonar, achetés en commun, avait précisé Patrick Boissier, ancien PDG de Naval Group, lors d’une audition à l’Assemblée en 2013. Celui-ci estimait que la FREMM aurait pu être développée par la France seule. Selon un rapport d’information publié la même année, seuls 15% des éléments du programme sont communs aux frégates françaises et italiennes.

«Le Maroc qui, rappelons-le, dispose d’une FREMM française en service, souhaiterait acheter deux unités supplémentaires, mais cette fois dans une configuration italienne (antisom)», soulignait ainsi la revue militaire Rivisita Italiana Difesa (RID) dans un papier particulièrement enthousiaste sur les perspectives de Fincantieri… et pas uniquement en Méditerranée.

Des Italiens à l’abordage des marchés français

En effet, selon RID, Fincantieri lorgne non seulement sur le marché marocain, mais également sur le marché grec, où la France est déjà aux prises avec Lockheed-Martin, mais aussi sur le marché nord-américain. De son côté, La Tribune rajoute le positionnement des Italiens en Arabie saoudite contre l’offre du chantier naval français. «Naval Group est en danger», résume sans détour l’hebdomadaire.

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Jusqu’ici, Fincantieri n’est pas implanté dans le royaume. En effet, le Maroc achète 90% de ses armes auprès des États-Unis, 9,2% de la France et 0,3% auprès du Royaume-Uni, d’après le dernier rapport du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI). Une précision qui a son importance, car l’Italien surfe sur ses succès, dont l’un concerne justement les États-Unis. Bien que mouillé dans le désastre des LCS (Littoral Combat Ship) conçus par Lockheed-Martin, l’Italien a été retenu en avril 2020 par l’US Navy pour mener son programme de frégate du futur (FFG/X).

Un modèle basé sur la FREMM, avec toutefois quelques modifications: un système de combat de Lockheed-Martin (COMBATSS-21) et un panel de missiles américains en lieu et place des Aster de MBDA, comme l’exigeaient les autorités américaines.

Des sources citées par l’agence italienne Novanews voient dans ce contrat américain une «formidable carte de visite» pour Fincantieri. D’autres y voient surtout le retour sur investissement du recrutement par le constructeur naval de l’ex-vice-amiral américain Richard Hunt, qui connait les recoins du Pentagone comme sa poche. Depuis, les Américains semblent avoir pris la mesure du potentiel offert par les FREMM et entendent bien faire des FFG/X un bestseller à l’export, sur le modèle de l’avion multirôles F-35.

L’Italie peut également remercier Macron

Les revers français ne seraient pas si honteux si les victoires italiennes n’étaient pas autant dues aux faiblesses françaises. En effet, au-delà de ce marché nord-américain très porteur (Fincantieri lorgne aussi sur le Canada, où la flambée des coûts du programme Global Combat Ship fait régulièrement débat), les industriels italiens de l’armement ont su profiter des vides laissés en Méditerranée par leurs concurrents tricolores. Fincantieri a notamment marqué des points en Égypte en vendant début 2020 deux frégates FREMM en lieu et place de Naval Group et de la Marine française qui s’étaient mis en quatre pour livrer début 2015 au Caire, dans les plus brefs délais, la frégate FREMM Normandie débaptisée.

le Président égyptien Abdel Fattah al-Sissi  - Sputnik Afrique, 1920, 08.02.2020
Quand les leçons de morale de Macron à l’Égypte font couler l’industrie française
Même topo du côté de Leonardo (ex-Finmeccanica), deuxième groupe industriel du pays, spécialisé dans l’aéronautique. En avril 2019, celui-ci avait remporté face à Airbus un appel d’offres «officieux» portant sur 32 hélicoptères (24 appareils de type AW149 et 8 en version AW189) afin de remplacer ses SA. 342 Gazelle, de facture française. Un choix qui en avait surpris plus d’un, dans la mesure où bien rares sont les clients militaires de Leonardo pour ce type de machines et que de relations diplomatiques entre Rome et Le Caire plus que tendues.

Mais c’était sans compter sur le gel des relations entre Le Caire et Paris. Car pendant près de deux ans, les relations entre Emmanuel Macron et son homologue égyptien, le Maréchal Abdel Fattah al-Sissi ont été exécrables. Une aubaine en or pour tous les concurrents des industriels français, Italiens en tête. Avec un triplement de ses achats depuis 2010, l’Égypte est devenue le troisième importateur d’armements au monde. Or, ce marché était trusté par les Français. Selon les chiffres du SIPRI, entre 2014 et 2018 la France était de loin le premier fournisseur d’armes de la République arabe (37%), devant la Russie (30%) et les États-Unis (19%), et l’Égypte le premier client de l’industrie d’armement française. Une situation qui a radicalement changé début 2019.

Contrats d’armement: l’ombre des médias et des droits de l’homme

Pour rappel, à l’occasion de sa visite officielle au Caire, Emmanuel Macron avait jugé bon, sous la pression d’ONG internationales (anglo-saxonnes) et d’une grande partie de la presse, de faire la leçon à son hôte en matière de droits de l’homme, rendant de surcroît visite à des blogueurs s’opposant à al-Sissi avant de rentrer en France. Une série d’initiatives élyséennes qui avait provoqué la colère du Président égyptien. Les conséquences du coup de froid ont été désastreuses pour les intérêts français dans le pays. Il fallut attendre le contrat Rafale de quatre milliards d’euros en avril dernier pour voir cet épisode s’achever.

Reste à savoir si l’Italien Fincantieri ne jouira pas d’une dynamique favorable autour de la Méditerranée, s’imposant au Maroc aux dépens de Naval Group. Pour l’heure, les relations franco-marocaines ne sont pas au beau fixe et les révélations du consortium de médias internationaux Forbidden Stories sur le fait qu’Emmanuel Macron et quinze de ses ministres auraient été ciblés par Rabat, via le logiciel d’espionnage Pegasus, ne risque pas d’arranger les choses. En plus de mal tomber, celles-ci ont poussé le Parquet de Paris à ouvrir une instruction contre Rabat suite à la plainte de Mediapart.

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