Laïner vs Boulava: un nouvel épisode du thriller nucléaire

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La Russie a créé le Laïner, nouveau missile balistique de stationnement naval. Selon les constructeurs du bureau d’études de Makeev, le nouveau missile est plus puissant que le Boulava.

La Russie a créé le Laïner, nouveau missile balistique de stationnement naval. Selon les constructeurs du bureau d’études de Makeev, le nouveau missile est plus puissant que le Boulava. Au cours des dernières années l’industrie de défense russe fait souvent des surprises dans le domaine des armements stratégiques. Ainsi, en 2007 a été soudainement testé le dernier missile RS-24 Iars (code OTAN SS-X-29), muni d’une ogive à têtes multiples. Les essais ont provoqué la panique chez les experts. Que cache la nouvelle surprise, cette fois dans la composante maritime de la triade stratégique nucléaire?

Une nouvelle tombée du ciel

Mardi 9 août, en se référant au bureau d’études Makeev, certains médias russes ont annoncé la création d’un nouveau missile qui "en termes de caractéristiques techniques surpassait tous les missiles stratégiques modernes à combustible solide de la Grande-Bretagne, de la Chine, de la Russie, des Etats-Unis et de la France". Le missile "peut transporter jusqu’au double des ogives nucléaires de faible puissance équipant le missile Boulava".

Mais en réalité, rien de révolutionnaire ne s’est produit. Pour autant que l’on puisse juger à l’heure actuelle (le travail sur la Laïner a été annoncé en mai 2011 et aucune nouvelle information à ce sujet n’a été fournie depuis), on assiste à la modernisation de la nombreuse famille de missiles R-29R/RM/RMU (code OTAN SS-N-18 Stingray, SS-N-23 Skiff).

Les prédécesseurs du Laïner, le R-29RMU2 Sineva (code OTAN SS-N-23 Skiff, dont la conception s’est achevée à la fin des années 90) équipent actuellement les sous-marins nucléaires stratégiques du projet 667BDRM Dauphin. Ces sous-marins devront prochainement subir une révision partielle ou totale, car ils seront justement dotés des nouveaux missiles.

"Nos sous-marins stratégiques porteur de missiles du projet 667BDRM, dont le service se poursuit, portent des missiles Sineva à carburant liquide, et leur future modernisation, notamment impliquant les Laïner, permettra à ces sous-marins de rester en service dans la marine pendant encore de nombreuses années, jusqu’au passage intégral aux tout nouveaux sous-marins de la classe Boreï (projet 955)", a expliqué à RIA Novosti une source haut placée du ministère russe de la Défense.

Mais selon la source, il ne faut pas comparer le Boulava et le Laïner. Ces missiles sont structurellement différents (le Sineva est à combustible liquide et le Boulava est à combustible solide); de plus ces missiles "jouent" dans des catégories de poids différentes. Les mots "jusqu’au double des ogives nucléaires" n’impressionne que si l'on compare les chiffres portant sur la capacité d'emport (1.150 kilogrammes pour Boulava, et, selon diverses informations, jusqu’à 2.500-2.800 kg pour Sineva). Mais le missile SS-N-23 Skiff est plus lourd (d’au moins 4 tonnes) et plus long (d’environ 3 mètres).

Les avantages du combustible solide

Il existe également un autre aspect. Le Sineva (code OTAN SS-N-23 Skiff) et ses successeurs sont destinés à équiper les sous-marins du projet 667BDRM (Dauphin) après leur modernisation. Ces submersibles seront remis à niveau, et, apparemment, serviront encore pendant au moins 20 ans. Cependant, il n’est pas prévu de développer cette classe dans la construction navale.

Toutefois, tant que la marine n’a pas reçu les nouveaux sous-marins du projet 955 (Boreï, dont le précurseur, le Iouri Dolgorouki, a déjà effectué les essais de tir du missile Boulava), les Dauphins "prendront le quart". A cet effet, ils auront besoin de missiles modernes.

La "compétition" entre le Sineva (Laïner) et le Boulava pour une place dans la composante stratégique maritime est "virtuelle" jusqu’à un certain degré. Les missiles à diméthylhydrazine asymétrique (UDMH) sont effectivement plus puissants que ceux à combustible solide, mais sont dangereux à manipuler. Surtout dans la marine.

Par exemple, l’explosion d’un missile à combustible liquide dans le compartiment du sous-marin K-219 en octobre 1986 a provoqué l’intoxication du personnel et le naufrage du sous-marin. Or il y a eu plusieurs cas plus prosaïques de chutes de missiles (en fait des énormes tonneaux remplis de combustible) du haut de grues, percutant les quais ou les coques en se dépressurisant et en répandant des composants toxiques.

"En effet, le missile à carburant liquide Sineva déjà en service a une puissance et une autonomie de vol plus élevées que le Boulava à carburant solide. Mais la Russie a décidé de développer à l’avenir les missiles maritimes à carburant solide", a déclaré le ministère russe de la Défense à RIA Novosti.

Autant qu’on puisse en juger, la position des militaires est la suivante. L'ensemble de la flotte stratégique nucléaire sera dotée à terme d'un missile commun à carburant solide. Le missile Boulava a été choisi à cet effet. Et en tant que plateforme maritime la Russie utilisera les sous-marins à propulsion nucléaire du projet 955.

Les guerres d'intérêts dans le secteur de la défense

L’annonce quelque peu hâtive de la création d’un "nouveau missile", "plus puissant" que le Boulava masque les intrigues et les contradictions au sein de l’industrie de la défense nationale.

Pendant les longues années qui ont suivi l’effondrement de l’URSS, l’Institut de technologie thermique de Moscou était le principal et pratiquement l'unique fournisseur des forces nucléaires russes. Il s’agit de l’organisation mère en termes de missiles mobiles à combustible solide, du concepteur du Topol, du Iars, du Boulava, et antérieurement des redoutables Pionniers (code OTAN SS-20), qui sont devenus avec le missile Pershing des héros de l’épopée "eurostratégique".

L’Institut de technologie thermique s’est octroyé le statut de la société de missile numéro un et avait l’intention de le demeurer. Le constructeur en chef de l’Institut Iouri Solomonov est connu pour la rigidité de ses positions, et il a déclaré publiquement à plusieurs reprises que seuls les missiles à combustible solide devaient être achetés dans l’intérêt des forces stratégiques nucléaires russes.

Tout a changé littéralement l’année dernière. Surprise (ou nouvelle très attendue pour certains), les militaires russes ont annoncé la nécessité de mettre en service un vecteur ensilé à combustible liquide pour remplacer l’obsolète SS-18, le légendaire Satan, la base des forces nucléaires soviétiques. Le bureau d’études Makeev a été désigné comme principal concepteur de la nouvelle technologie, qui a reçu le code "Percée" ou "Inévitable", selon diverses informations.

Il semble que le secteur des missiles nucléaires russes (aussi paradoxal que cela puisse paraître vu son haut niveau de confidentialité) soit devenu un "thème grand public" au sein même de l’industrie de défense nationale. Les ingénieurs mènent régulièrement des débats enflammés concernant l’avenir, en donnant en "pâture" des informations aux observateurs et aux journalistes.

Cette fois, on semble également assister à la présentation d’un élément de ce genre destiné à être discuté. Les concurrents de l’Institut de technologie thermique relèvent la tête et revendiquent une place au Soleil, notamment aujourd’hui, dans le contexte de l’augmentation du nombre des contrats de défense. Il semblerait que la concurrence sur le marché des missiles balistiques intercontinentaux ne fasse que s’accroître, et très prochainement on devrait encore assister à plusieurs épisodes du thriller nucléaire.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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