Moscou ne peut plus perdre la bataille diplomatique sur la Syrie

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L'article de Vladimir Poutine publié hier dans le New York Times et la réponse malveillante d'une "source de l'administration Obama" font penser à une chose qui est passée inaperçue dans le tourbillon des événements autour de la Syrie.

L'article de Vladimir Poutine publié hier dans le New York Times et la réponse malveillante d'une "source de l'administration Obama" font penser à une chose qui est passée inaperçue dans le tourbillon des événements autour de la Syrie. A savoir, comment la diplomatie de Moscou concernant la Syrie a réussi à placer la Russie dans une situation forcément gagnante?

En général tous les commentateurs pointent du doigt les erreurs commises sur un dossier - ici comment Obama s'est retrouvé dans une situation où, quoi qu’il fasse, tout ira mal.

Peu d’observateurs, par contre, s'intéressent à l'analyse des succès. C'est bien dommage car cette démarche peut être très utile.

La fausse joie de la Maison blanche

L'article de Poutine déploie des idées assez habituelles pour le lecteur russe, mais qui avaient du mal à parvenir jusqu'aux Américains et même aux Européens. Aujourd’hui c’est chose faite.

Et voici ce que répond une "source anonyme de la Maison blanche" à la publication du président russe : "Poutine a fait une proposition et désormais c'est sa zone de responsabilité. Il s'est totalement impliqué dans le désarmement de la Syrie et… il doit faire ce qu'il a promis".

Rappelons qu'il est question de l'initiative russe de placer sous contrôle les armes chimiques syriennes, en coopération avec les USA et avec l'accord de la Syrie.

On ne peut en fait pas se réjouir aussi sincèrement de voir Poutine se retrouver dans la même situation qu'Obama. Car cette source a tort sur toute la ligne : la position de la Russie est complètement différente. Elle est, en fait, sans précédent. Quoi que fasse la Russie sur le plan syrien ou moyen-oriental, elle ne peut plus perdre. Bien que dans certaines situations elle n'ait rien à gagner. C'est de l’art.

Supposons qu’Obama et quelques uns de ses amis refusent d'évoquer la Syrie et continuent de préparer leur attaque qui, comme ils le savent pertinemment, est inutile mais pourrait entraîner de lourdes conséquences. Dans ce cas la Russie ne perdrait rien. Et en supposant qu'elle joue "contre" les USA ou les Européens en cherchant à les affaiblir, elle serait vraiment gagnante.

Pour le contraste, voici la situation diplomatique inverse, dans laquelle il est impossible de gagner. Elle ne concerne pas Obama, qui avait promis d'attaquer la Syrie si les autorités locales utilisaient l'arme chimique, et qui aurait découvert qu'en réalité ce n'est pas du tout le gouvernement syrien qui en avait fait usage. Je fais allusion à la Russie et Edward Snowden, qui a passé plus d'un mois dans la zone de transit de Cheremetievo. Voilà une situation où il était impossible de gagner. Le remettre aux Américains ? La Russie serait devenue la risée du monde entier, sans parler du fait que cela est contraire à la législation nationale. Le laisser entrer en Russie (ce qui s'est produit) ? Moscou n'en avait pas besoin et les Américains se voyaient forcés d'aller au conflit avec le Kremlin.

Une chose est réconfortante. L’affaire Snowden s'est simplement produite. Tandis que les bases de la position gagnante russe sur la Syrie ont été posées depuis des années. Le succès vient souvent d'une politique réfléchie et pas d’actes convulsifs.

Prévoir le succès à long terme

Il est encore possible de retrouver aujourd'hui sur internet les appréciations méprisantes des "experts" russes disant que Moscou avait mal réagi au début du Printemps arabe. Ces "experts" s'indignaient : comment peut-on s'accrocher au passé, aux régimes militaires et aux dictateurs obsolètes ? Bien sûr selon eux, il fallait immédiatement se reprendre et commencer à se lier d'amitié avec les nouvelles forces vives de la région, même s'il s'agissait des Frères musulmans. On ne sait jamais, ils pourraient pardonner ! Nicolas Ier se comportait de la même manière et luttait contre toutes les révolutions en Europe : on sait comment il a fini !

Mais à l'époque de Nicolas les révolutions n'étaient pas des processus dirigés, qui plus est par les technologies actuelles, utilisées pour faire sortir dans la rue une foule qui ignore même à qui tout cela profite.

En fait, la Russie n'a pas échoué sur ce plan. En revanche la situation qui a débuté en 2010-2011 était bien sans précédent et les débats, à l’origine, visaient à comprendre pourquoi les "occidentalistes" utilisaient leurs technologies informatiques pour renverser des régimes amis. Puis on a découvert que personne n'avait le monopole de ces technologies, que les initiateurs n'étaient pas les "occidentalistes" mais les "orientalistes" qui avait senti l'affaiblissement des USA et de l'Europe.

Et au final certains pays arabes, qui veulent "remettre les choses au clair" avec les Iraniens, les Syriens et d'autres régimes indésirables comme celui de Kadhafi en Libye, utilisent l'Occident prétendu tout-puissant comme une "call girl", pour bombarder telle cible et s'en aller. Moscou ne s'est pas retrouvé dans une telle situation et ce n'est certainement pas une perte.

Il ne faut pas non plus oublier la Libye : à la veille de l'opération libyenne au printemps-été 2011 la Russie avait cédé aux arguments des USA et des ses alliés en ne bloquant pas la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Ce texte avait ensuite été utilisé de manière perfide pour justifier l'opération militaire de l'Otan, au grand bonheur des "reconstructeurs arabes du

Moyen-Orient". C'était une défaite pour la Russie, au moins morale. Mais elle a servi de leçon.

Voyons aujourd’hui qui la Russie a en face d’elle. Moscou ne se bat pas au Moyen-Orient contre les USA ou l'Europe – c'est désormais clair. Elle se bat pour le droit international mais aussi pour que son application corresponde à la disposition réelle des forces dans le monde. Elle n'a pas besoin d'aider Obama à s’embrouiller davantage dans sa politique au Moyen-Orient.

Imaginez que l'opération américaine commence en Syrie et qu’il devienne soudainement impossible d'ignorer que l'attaque chimique dans la banlieue de Damas du 21 août a été perpétrée par l'opposition syrienne… Moscou, avec son attitude actuelle, sauve en quelque sorte Obama d'une situation insupportable. Parce que la Russie n'a pas besoin de sa défaite. Elle le préfère sympathique et heureux.

Selon un journaliste du NYT, "Poutine a soudainement fait de l'ombre à Obama en tant que leader mondial dictant l'ordre du jour de la crise syrienne. Il a réaffirmé les intérêts de la Russie dans la région, où ils avaient été marginalisés après l'effondrement de l'URSS".

Après tout, on ne peut pas être toujours au service des autres – il faut bien parfois s'occuper de soi-même. Mais je le répète, les racines du succès russe d'aujourd'hui ont été plantées en

2010-2011, lorsque chaque pays a décidé comment il réagirait au Printemps arabe.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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