Photonis, fleuron high-tech militaire et civil, restera-t-il français?

© REUTERS / Philippe WojazerUn soldat français à Paris
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Si la disparition du paysage industriel français de fleurons tels qu’Alstom est particulièrement médiatique, d’autres sont beaucoup plus discrètes, comme celle de Photonis. Cette PME de haute technologie de la Défense pourrait être rachetée par un groupe américain, sans que le gouvernement n’y voit quoi que ce soit à redire. Retour sur l’affaire.

Qu’on en commun les forces spéciales, le télescope Hubble, l’accélérateur de particules du CERN ou encore les sous-marins nucléaires français?

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Ils sont équipés de technologies optiques signées Photonis Technologies, l’un des leaders mondiaux de l’optronique (équipements alliant optique et électronique) et notamment des tubes intensificateurs de lumière. Problème, si la Direction générale pour l’armement (DGA) incite Thales et Safran à s’intéresser au rachat de cette PME de haute technologie, implantée à Mérignac, en banlieue bordelaise, celle-ci pourrait bien passer bientôt sous pavillon étranger.

«Nous savons que le fonds Ardian cherche à la mettre en vente et nous avons demandé à deux maîtres d’œuvre compétents en matière d’optronique, Thales et Safran, de se pencher sur le dossier», déclarait, Joël Barre, délégué général pour l’armement, lors d’une audition au Sénat début octobre.

La mise en vente de Photonis, révélée par La Tribune en septembre dernier, n’est donc pas nouvelle. Ce qui l’est en revanche, c’est la volonté affichée du commandement de la DGA de trouver un repreneur français pour cette pépite, qui figure sur la liste des entreprises stratégiques pour le ministère des Armées, comme le rappelle le site Opex 360. Le site d’actualité de la Défense souligne notamment que le savoir-faire de l’entreprise s’étend à l’intensification d’image numérique ainsi qu’à l'instrumentation nucléaire, technologies utilisées par la France tant dans les communications militaires, dans ses satellites ou dans son programme de simulation d’essais nucléaires.

«Photonis représente 15% de l’export de la filière optronique française, faisant de la société le troisième plus gros exportateur fabricant de composants optroniques», soulignait sur son site le ministère des Armées en juin 2015.

Date à laquelle, la PME vit son savoir-faire primé par l’association de l’armement terrestre (AAT) pour ses travaux révolutionnant la vision nocturne, la faisant passer du monochrome à la couleur grâce à sa caméra «Kaméléon». Il faut dire que les forces spéciales françaises, comme celles des autres pays de l’Otan, figurent parmi les bons clients de Photonis. Autres bons clients, Thales et Safran, que la DGA voudrait voir se porter au secours de l’entreprise et des intérêts stratégiques tricolores.

Un statut stratégique qui n’a pas l’air d’émouvoir le gouvernement français. En effet, comme l’expliquait La Tribune, Paris laisse depuis plusieurs années filer dans le giron américain des entreprises françaises clefs en matière de défense (le connecticien Souriau, racheté par l’américain Eaton Corporation ou encore le leader mondial de l’infrarouge, HGH, racheté par le fonds américain Carlyle). Dans ce nouveau cas de figure, le gouvernement Philippe ne devrait pas non plus s’opposer au rachat de Photonis par un groupe étranger.

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Là encore, les acheteurs pressentis pour racheter ce fleuron tricolore sont américains –ces derniers étant justement à la traîne dans cette technologie pourtant fort utile à leur armée– et des fonds d’investissement. Il faut dire que l’actuel propriétaire de l’entreprise, le fonds d’investissement français Ardian, l’avait déjà lui-même racheté en 2011 à son homologue européen Astorg.

La remise en vente de Photonis fait suite à une année 2018 difficile pour la PME (140 millions d’euros de chiffre d’affaires), qui a mené au départ de plusieurs dizaines de collaborateurs de son site français. Pourtant, la société a opéré un refinancement intégral de sa dette, qui «a multiplié ses performances financières par deux en 2018» expliquait à la Tribune l’entreprise, laquelle évolue dans un marché qui a des perspectives de croissance «à deux chiffres» particulièrement prometteuses.

Plus qu’une PME, Photonis se classe parmi les ETI (Entreprise de taille intermédiaire). L’entreprise emploie 1.000 personnes sur plusieurs sites de productions, en France à Brive-la-Gaillarde, aux Pays-Bas à Roden, mais aussi dans les villes américaines de Sturbridge et Lancaster. L’emploi, dont la préservation semble être la seule préoccupation des dirigeants politiques.

En effet, selon le journal économique et financier, qui suit l’affaire de près, les demandes de Paris se résumeraient à la poursuite des investissements en R&D et à ce que l’entreprise ne quitte pas le territoire français. Des exigences qui en rappellent d’autres, comme celles formulées lors de la cession d’Alstom où, malgré ses belles promesses, l’américain General Electric avait pu mettre la main sur des décennies d’innovation, fruits d’investissement et de commandes publiques, dont les fameuses turbines «Arabelle» qui équipent l’ensemble du parc nucléaire civil français ainsi que la flotte nucléaire française, sans respecter ses engagements de création d’emploi, notamment.

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