Pas de cataclysme financier à l’horizon? La star de «The Big Short» se prononce

© AFP 2023 Philippe LopezLa bourse de Hong Kong a fermé sa salle de marchés aux courtiers
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Le financier Steve Eisman, dont l’histoire a été narrée dans le film «The Big Short», dit ne pas être en mesure de prévoir «ce qui va se passer» sur le front économique, la faute à «trop de variables». Il avait pourtant anticipé la crise de 2008 dans un contexte qui, selon lui, était différent de celui que nous vivons actuellement.

Steve Eisman est un homme rare. Il fait partie de la poignée de visionnaires à avoir anticipé le krach financier de 2007-2008 qui a vu la crise des subprimes faire tanguer l’économie mondiale à des niveaux historiques. Celui qui est désormais gestionnaire du fonds Absolute Alpha pour Neuberger Berman a récemment donné une interview à l’Agence France Presse (AFP). Le financier, connu pour avoir parié sur l’effondrement du marché immobilier provoqué par les défaillances en série de ménages américains sur les crédits subprimes, a gagné beaucoup d’argent durant la dernière crise. Il a même eu l’honneur de voir son coup de poker adapté au cinéma avec «The Big Short», sorti en 2015. Alors, quand il prend la parole, forcément, on l’écoute.

​Les motifs d’inquiétudes pour l’économie mondiale sont actuellement nombreux: de la guerre commerciale américano-chinoise, à la procédure d’«impeachment» lancée contre Donald Trump, en passant par le ralentissement de la croissance en Europe ou la difficulté des banques allemandes. De quoi faire dire à de nombreux observateurs que le cataclysme est proche.

Mais pas Steve Eisman. D’après lui, la crise de 2008, «systémique» et proche de «faire brûler la planète» a été causée par un endettement trop important des banques et l'explosion des «subprimes». Pour lui, le contexte est différent aujourd’hui:

«Ce risque n'existe plus. L'endettement des établissements financiers est beaucoup moins important aux États-Unis et en Europe, les banques sont mieux réglementées.»

Aucun nuage à l’horizon? Le financier ne verse pas non plus dans l’optimisme béat. Il juge toute à fait possible une récession de moindre ampleur. Cependant, il estime possible que l’économie continue à croître faiblement ces prochaines années.

«Il y a trop de variables pour tenter de deviner ce qui va se passer», assure-t-il.

Steve Eisman se montre plus inquiet concernant les entreprises qui ont massivement emprunté sur les marchés financiers. L’analyse du gérant de fonds veut que les banques ne soient plus en capacité de détenir trop d’actifs de par le durcissement des normes avec lesquelles elles doivent composer depuis les années qui ont suivi la crise de 2008. De ce fait, elles ne seraient plus en mesure de venir au secours des entreprises qui se trouvent dans une mauvaise passe en rachetant une partie de leur dette.

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«On ne se relèvera pas d’une crise économique ne serait-ce qu’équivalente à 2008» selon Béchade

À l’inverse, M.Eisman est moins inquiet pour les ménages. «La qualité du crédit aux États-Unis est très bonne, en particulier du côté des consommateurs», explique-t-il. La dette des ménages américains atteint des sommets historiques. En novembre, la Réserve fédérale américaine annonçait qu’elle avait augmenté pour le 21e trimestre consécutif pour atteindre 13.950 milliards de dollars, dont 9.950 milliards de crédits immobiliers.

Les taux d’intérêt très bas qui ont cours dans plusieurs partie du globe, de l’Asie aux États-Unis en passant l’Europe, poussent de nombreux acteurs économiques à s’endetter. Un contexte qui pourrait donner plusieurs années de croissance mole accompagnée d’un taux d’inflation tout aussi faible pour la star de «The Big Short».

«L'argent est gratuit, ce qui rend possible beaucoup de choses qui ne le seraient pas autrement», souligne Steve Eisman.

Il juge d’ailleurs sévèrement le chemin pris par de nombreuses banques centrales de par le monde. Selon lui, il s’agit ni plus moins d’une «erreur à 100%».

Il considère en effet qu’au lieu de profiter à l’économie, les injections massives de liquidité des banques centrales, notamment via les programmes d’assouplissement quantitatif ou «quantitative easing», n’ont que peu profité à l’économie réelle.

«L'argent est allé sur le marché des actions et a permis aux entreprises de racheter leurs propres titres», déplore-t-il avant de souligner que les détenteurs de portefeuilles d’actions «sont devenus encore plus riches», quand les épargnants étaient affectés par les taux bas.

Steve Eisman estime que le problème principal qui empêche un décollement de la croissance reste «le manque de redistribution des revenus» qui «est fondamentalement ce qui empêche la croissance de décoller plus». Un contexte qui était déjà à l’origine de la crise de 2007-2009 pour le financier qui regrette qu’à partir des années 1980, les fruits de la croissance économique aient commencé à se concentrer dans les mains d’une petite partie de la population.

«Plutôt que d'affronter le problème, les responsables politiques ont décidé, consciemment ou inconsciemment, de démocratiser le crédit» et de permettre à tout à chacun d'emprunter lourdement, ce qui a fini par mener à la crise des subprimes, pointe-t-il.

Les inégalités se creusent à une vitesse record dans le monde ces dernières années, notamment en France où la crise des Gilets jaunes perdurent depuis plus d’un an. De l’autre côté de l’Atlantique, un phénomène semblable se déroule. Pas de bonne augure pour Steve Eisman:

«Aujourd'hui, l'inégale distribution des richesses entrave la croissance car la propension des gens fortunés à consommer est bien moins importante que celle des gens aux revenus modeste. Si un dollar est donné à 10.000 personnes, il sera probablement dépensé et créera de la richesse alors que si 10.000 dollars sont donnés à une seule personne, elle en dépensera probablement beaucoup moins. Je pense que les Américains ne sont pas assez sensibles à la nature même de ce problème.»
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