Coronavirus et krach pétrolier font s’effondrer les marchés: une crise aussi grave que 2008?

© REUTERS / Kai PfaffenbachA trader at the stock exchange reacts in Frankfurt, Germany.
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Les Bourses mondiales ont vécu un lundi 9 mars catastrophique, en pleine crise du coronavirus et dans le sillage d’une chute brutale des cours du pétrole. Sommes-nous à l’aube d’une crise économique d’une ampleur comparable à celle vécue en 2008? Dominique Plihon, économiste et membre d’Attac France, livre son analyse à Sputnik.

Une Bourse de Paris qui clôture à -8,39%, sa pire séance depuis 2008. Des échanges suspendus pendant 15 minutes à New York après un effondrement de 7% de l’indice élargi S&P 500. Même chose du côté de Sao Paulo, au Brésil, où les échanges ont été suspendus 30 minutes après que l’indice Ibovespa a chuté de plus de 10%. Premières à avoir ouvert ce bal tragique sur la planète finance, les Bourses asiatiques ont clôturé fortement dans le rouge, avec par exemple l’indice Nikkei japonais qui a cédé plus de 5%, la pire chute en séance depuis le 24 juin 2016.

​Apocalypse sur les marchés? Dominique Plihon, économiste membre de l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac), estime que la situation est sérieuse, malgré des marchés qui ont «toujours tendance à surréagir»:

«Les acteurs financiers et plus largement économiques sont très inquiets. L’épidémie de coronavirus prend de l’ampleur et a des conséquences importantes, car elle oblige les gouvernements à prendre des mesures drastiques qui ont un impact important sur l’activité économique. Nous sommes face à une situation relativement grave.»

À une épidémie de coronavirus qui ne cesse de se propager, avec désormais plus de 110.000 personnes contaminées sur le globe, s’est ajouté un krach pétrolier. La décision de l’Arabie saoudite de baisser drastiquement le prix de son or noir, après l’échec de négociations en fin de semaine dernière avec la Russie, a entraîné un effondrement des cours de l’or noir de plus de 30% en Asie dans la matinée du 9 mars. Une telle chute n’avait plus été constatée depuis… la première guerre du Golfe en 1991.

«Une crise future est tout à fait possible compte tenu du fait que les gouvernements et les autorités financières et bancaires n’ont pas tiré toutes les leçons de la crise des subprimes en 2007-2008. Les régulations du système financier sont restées insuffisantes. Ceci dit, je ne fais pas partie de ceux qui pensent que la crise aura forcément lieu en 2020. Cela peut très bien se produire plus tard. Reste que le choc assez violent et imprévu de l’épidémie de coronavirus pourrait être le détonateur d’une grave crise financière et économique», explique Dominique Plihon.

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La chute des marchés financiers se répercutera-t-elle sur l’économie réelle? C’est désormais toute la question, comme le souligne Dominique Plihon: «Le plus important pour les citoyens n’est pas l’effondrement de la bourse, qui peut toujours se relever. Par le passé, nous avons assisté à des krachs boursiers qui n’ont pas été suivis de conséquence pour l’économie réelle, je pense notamment à la crise des nouvelles technologies en 2000-2001. Attendons de voir. Mais il est très possible que le choc provoqué par l’épidémie de coronavirus accélère une crise financière et surtout réelle. Nous assistons déjà aux prémices d’un tel problème avec le ralentissement significatif de l’activité économique. Le ministre français de l’Économie parle d’une forte réduction de la croissance en France, qui la ferait passer sous les 1% alors que 1,3% était prévu. Le Japon est quant à lui sur le chemin de la récession, avec une probable contraction de la croissance durant deux trimestres successifs.»

Des Banques centrales avec peu de marge de manœuvre

Bruno Le Maire, à la tête de Bercy, a estimé le 9 mars que l’impact du coronavirus sur la croissance de l’économie française sera «de plusieurs dixièmes de points de PIB». Le Fonds monétaire international appelle quant à lui les gouvernements de la planète à apporter «une réponse internationale coordonnée», comme l’a demandé son économiste en chef le 9 mars. Il les exhorte notamment à prendre des mesures budgétaires, monétaires et financières «importantes».

​De nombreuses Banques centrales, comme la Réserve fédérale américaine (Fed) ou la Banque centrale européenne (BCE) disposent de marges de manœuvre limitées. La Fed a baissé de 0,5% son principal taux directeur le 3 mars. Sans grand succès. Tous les regards sont désormais tournés vers Francfort, où des annonces de la part des pontes de la BCE sont attendues le 12 mars. Dominique Plihon n’anticipe pourtant pas de grandes décisions:

«La politique monétaire dans le monde et particulièrement en Europe a atteint ses limites. La BCE a baissé les taux jusqu’au niveau zéro et vous avez même un taux négatif sur les dépôts. Difficile d’aller plus loin dans ce domaine. La politique dite non conventionnelle d’injection de liquidité massive dans le système bancaire n’a pas d’impact significatif sur l’activité et peut-être au contraire dangereuse et favoriser l’émergence de bulles spéculatives. À mon avis, il n’y a pas grand-chose à attendre de la BCE à part des paroles rassurantes pour les marchés.»

«Le problème principal est donc d’aider les entreprises à passer cette période creuse et à éviter des faillites de PME qui ne peuvent pas faire face à des problèmes de liquidités, alors qu’elles sont fondamentalement solvables», explique de son côté dans une note la Banque Postale Asset Management.

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États-Unis et Italie ont déjà débloqué plusieurs milliards pour faire face à la crise sanitaire. Du côté de Berlin, les autorités ont annoncé des mesures pour soutenir l’activité. Mais de nombreux observateurs fustigent un manque de coordination internationale et d’ambition.

Dominique Plihon voit dans la situation actuelle une opportunité. Celui qui critique «une mondialisation devenue excessive» et une trop grande dépendance à la Chine prône la dépense budgétaire pour lutter contre la crise:

«La majorité des économistes sont aujourd’hui d’accord pour dire qu’il faut actionner le levier des politiques budgétaire et fiscale pour lutter contre la crise économique. Les gouvernements sont au pied du mur, tant au niveau national qu’européen. Il faut arrêter d’appliquer ces règles ridicules et contre-productives, comme le respect de la règle des 3% de déficit budgétaire imposé par Bruxelles. Il faut désobéir aux traités. De plus, la transition écologie et sociale offre une opportunité de relance budgétaire massive pour les nations. Elle permettrait d’aller vers une économie à bas carbone. Si les gouvernants n’agissent pas de la sorte, cela prouvera qu’ils sont prisonniers du dogme néo-libéral et cela serait très inquiétant.»
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